Les coalitions politiques sonnent-elles la fin des candidatures des partis politiques pris isolément aux différentes élections ? La question trouve toute sa pertinence puisque les prochaines locales sont parties pour être, justement, celles des grosses coalitions. Déjà quatre coalitions sont en lice. Et même pour la plus prestigieuse des élections, à savoir la présidentielle, aussi bien Me Abdoulaye Wade que Macky Sall s’étaient appuyés sur des coalitions pour accéder à la magistrature suprême grâce à des coalitions. Ces dernières ont donc fini de s’imposer comme le meilleur moyen — pour ne pas dire les meilleurs appareils — de conquête des suffrages et du pouvoir pour les partis politiques. Ce qui installe un flou réel sur la représentativité réelle des formations politiques ou des hommes politiques candidats aux présidentielles.
Pour le moment, quatre coalitions (Yewwi Askan wi d’Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Serigne Moustapha Sy), la coalition PDS et alliés, Benno Bokk Yakaar et coalition Geum Sa Bopp de Bougane Guèye) se sont signalées pour aller à la conquête des suffrages des électeurs en janvier prochain. D’autres coalitions pourraient rejoindre ces écuries d’ici le 22 octobre date butoir pour le dépôt des listes électorales. Dans notre pays, les partis politiques poussent comme des champignons. Chaque homme politique veut devenir un leader de parti politique mais aucun d’entre eux ne veut ou n’ose aller seul aux élections. Pour ne pas avoir à se peser !
Partir à des joutes électorales demande des moyens financiers conséquents. On se rappelle de l’après élection de 1993 où Me Abdoulaye Wade avait traîné en justice pour s’être endetté jusqu’au cou, par un de ses bailleurs français. Aujourd’hui, la réalité au Sénégal est qu’aucun leader ne veut plus prendre de risque dans le landerneau politique. Ce sont les partis de gauche, dotés d’hommes intelligents, mais dépourvus de moyens financiers, qui ont initié les coalitions de partis.
Après les élections de 1993, certains partis de gauche dont la LDMPT, le PIT, AJ/PDS avaient initié une réflexion approfondie qui a abouti au fait que l’union fait la force. C’est pourquoi, tous ces partis précités avaient fait bloc autour du PDS pour le porter au pouvoir en 2000. Le 19 mars 2000, lors du second tour de l’élection présidentielle, une coalition de partis politiques regroupés au sein du Front pour l’alternance (FAL) avait réussi à mettre fin au long règne du Parti socialiste.
En 2012, la coalition Macky 2012, bénéficiant au second tour du renfort des coalitions Benno Siggil Sénégal et Benno ak Tanor avait permis au candidat Macky Sall de disputer le second tour de la présidentielle contre Me Wade. Ce sera la naissance d’une autre coalition Benno Bokk Yakaar qui le portera au pouvoir à l’issue du deuxième tour de la présidentielle. Macky Sall a tout fait pour maintenir cette coalition intacte en permettant aux autres partis qui la composent d’avoir leur part de l’énorme et onctueux fromage gouvernemental.
Selon le politologue Mamadou Sy « Albert », la coalition fait maintenant partie du jeu politique sénégalais depuis mars 2000. « C’est une coalition qui a mis fin au règne du PS qui était aussi en coalition. En 2012, Macky Sall a accédé au pouvoir grâce à la coalition Macky 2012 puis Benno Bokk Yakaar. La coalition est devenue plus importante que les partis. Les locales et les législatives de 2022 ainsi que la présidentielle de 2024 seront lues à travers les coalitions soit pour préserver le pouvoir au niveau de BBY ou pour accéder au pouvoir pour l’opposition. La coalition est devenue le patage obligatoire » affirme-t-il.
« L’idéologie est morte avec le phénomène de la transhumance » Mais qu’est-ce qui pourrait expliquer cette mort lente des partis politiques au Sénégal ? Le politologue pointe du doigt l’absence de démocratie. « Il y a deux phénomènes qui s’enchevêtrent. D’abord, l’absence de démocratie interne dans les partis. C’est ce qui fait que le PS, le PDS, les partis de gauche sont en lambeaux. C’est cela qui affaiblit davantage les partis. Il n’y a pas, aussi, un parti fort capable de gérer seul le pouvoir ou de lutter pour arriver au pouvoir. La coalition masque la crise des partis politiques », a poursuivi M. Sy.
Selon qui on n’a plus ces partis historiques forts comme le PS, PDS. Les partis n’arrivent plus à se reconstruire. « On est entré dans un processus d’affaiblissement » estime-t-il. L’autre argument qui pourrait aussi participer à la faiblesse des partis politiques serait la mort des projets de société. « Le parti qui était au pouvoir comme le PS, en dépit du fait qu’il était socialiste, avait appliqué des politiques libérales. En revanche, le PDS et l’APR, qui sont de la famille libérale, sont contraints de mettre du social dans leur libéralisme. Il y a une perte de repères qui fait que l’idéologie est morte surtout avec le phénomène de la transhumance », a martelé le politologue.
Les coalitions faussent la représentativité
Une chose est sûre : les coalitions faussent complètement la représentativité. L’idéal aurait été que les partis aillent seuls aux élections pour se mesurer. On saurait combien l’APR ou Pastef voire Rewmi pèse etc. Hélas, les partis et les leaders pris individuellement ne veulent pas de cela car le mode scrutin fait que la coalition est la meilleure option. C’est cela le drame des partis. Si vous y allez seul, celui qui va être majoritaire va tout rafler. Si vous voulez avoir quelque chose alors mieux vaut s’unir pour avoir une commune, une mairie de ville ou un conseil départemental. Mais il n’y a pas de danger au niveau des conseils municipaux —en ce qui concerne bien sûr les élections locales — car presque tous les partis sont représentés. La coalition masque la faiblesse des partis politiques.
Le Témoin