Stabilisation prix des denrées: quand l’arrêté imprécis du ministre du Commerce plombe les opérations de contrôle

par pierre Dieme

Le 03 septembre 2021, le ministre du Commerce, Mme Assoma Aminata Diatta, a publié un arrêté portant administration ou stabilisation des prix de l’huile de palme raffinée, du sucre cristallisé et du riz brisé non parfumé. Pour le cas du litre d’huile (1.200 cfa), l’Etat a ciblé les fûts en vrac qui, malheureusement, ne sont pratiquement plus utilisés dans les boutiques. D’où les interprétations très élastiques que permet le communiqué confus et laconique du ministre du Commerce. Un arrêté qui plombe sur le terrain le travail des contrôleurs des prix.

Depuis quelques semaines, les consommateurs subissent une hausse brutale et exagérée des prix des denrées alimentaires. C’est comme si les boutiquiers se sont passés le mot d’ordre puisque le litre d’huile raffinée en bouteille qui doit normalement coûter 1.200 cfa est partout vendu à 1.500 cfa voire 1600 cfa. Soit une hausse de 300 à 400 francs par litre ! Quant à la dosette d’huile (250 ml), elle est vendue à 400 cfa alors pourtant que son prix est officiellement plafonné à 350 cfa.

La bouteille de gaz butane (6 kg) n’est pas épargnée par les commerçants véreux. Bien que son prix soit fixé à 2885 cfa par l’Etat, elle ne peut pas être obtenue à moins de 3.000 cfa etc. Sans oublier le riz ordinaire, le sucre cristallisé etc. Face à ces hausses exagérées qui font monter la colère sociale, le ministère du Commerce a rendu public un arrêté portant administration voire stabilisation des prix de l’huile de palme raffinée, du sucre cristallisé et du riz brisé non parfumé.

Des prix applicables dans la région de Dakar et qui se présentent comme suit : Prix du riz brisé non parfumé : 300 Fcfa/Kg ; Huile de palme raffinée : 1200 Fcfa/litre ; Dosette de 250 ml : 350 Fcfa/dosette ; Sucre cristallisé : 600 Fcfa / Kg ; Gaz butane 2,7 kg : 1270 Fcfa en prix grossiste et 1305 Fcfa en détail ; Gaz butane 6 kg : 2885 Fcfa en détail etc.

Toujours dans son communiqué, le ministre du Commerce, Mme Assoma Aminata Diatta, a tenu à préciser que les commerçants détaillants doivent publier les prix ainsi fixés de façon visible et lisible pour les consommateurs par tout moyen approprié notamment le marquage, l’étiquetage et l’affichage. « Les infractions au présent arrêté sont sanctionnées conformément aux dispositions de la loi n° 2021-25 du 25 avril 2021 sur les prix et la protection du consommateur. Le Directeur du Commerce intérieur et les Gouverneurs de région, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté qui sera publié partout où besoin il y en a » lit-on dans l’arrêté ministériel.

La défiance des commerçants
Dès le lendemain de la publication de ce texte, les contrôleurs des prix ont investi les boutiques et marchés de la région de Dakar pour faire exécuter l’arrêté ministériel. Et surtout pour traquer les commerçants récalcitrants pour leur faire rendre gorge. Une semaine après le début des opérations de contrôle des tarifs, des agents du Contrôle économique contactés par « Le Témoin » s’accordent à déplorer que la montagne de stabilisation des prix tant annoncée par le ministre du Commerce ait malheureusement accouché d’une souris.

Pis, une souris qui continue encore de grignoter le panier de la ménagère. Au banc des accusé, un arrêté ministériel jugé confus et laconique aux multiples interprétations qui ne s’accorde pas avec la réalité des rayons. Selon un contrôleur des prix, le litre d’huile en vrac dont parle le ministère du Commerce ne se vend plus dans les boutiques de Dakar et d’ailleurs — ce que nous avons pu vérifier du reste.
« Mme le ministre a dû oublier que les fûts en vrac de 200 litres de la Sonacos dotés d’une pompe de mesure n’existent plus dans les boutiques. Elles y étaient dans les années 70 et 80 ! Aujourd’hui, les huiles alimentaires raffinées sont reconditionnées dans des bouteilles et revendues entre 1.500 et 1.600 cfa/litre. Donc, ce sont les huiles en bouteilles plastiques de grande consommation que l’arrêté ministériel devait cibler dans sa politique de stabilisation contre la hausse. L’arrêté du ministre devait préciser clairement huile en vrac et huile en bouteilles. Même si l’huile en vrac ne se vend plus depuis belle lurette ! », explique un contrôleur des prix.

L’interlocuteur du journal Le Témoin déplore un communiqué aux termes vagues derrière lequel se refugient les boutiquiers véreux pour continuer à vendre plus cher la bouteille d’huile entre 1.500 cfa/litre et 1.600 cfa/litre alors qu’elle est officiellement fixée à 1.200 cfa. « Nous avons procédé à d’importantes saisies de bonbonnes de gaz butane pour hausse mais seule l’huile nous pose problème et freine nos opérations de contrôle et de saisie » confie un autre agent du Contrôle économique.

Comme le faisait le président gabonais Ali Bongo Ondimba à Libreville, le président Macky Sall doit faire des visites inopinées dans les boutiques et commerces de Dakar afin de vérifier si sa politique de stabilisation des prix des denrées alimentaires a connu ou pas un impact global. Il se rendrait alors compte que les consommateurs sénégalais sont pris en otages tarifaires par les boutiquiers de leurs quartiers.

Dans ces conditions, évidemment, la colère sociale qui pousse des mouvements citoyens à manifester contre la cherté de la vie serait parfaitement justifiée. Car malheureusement, l’arrêté du ministre du Commerce, Mme Assoma Aminata Diatta, n’a pas contribué à clarifier les choses ! Au contraire, de par son caractère imprécis, il fait l’affaire des commerçants véreux… 

Le Témoin

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