A moins de 5 mois des élections locales prévues le 23 janvier 2022, la cartographie des coalitions électorales prend forme de plus en plus. La mouvance présidentielle devra batailler seule contre pas moins de 3 coalitions de l’opposition. L’enjeu de ces élections prochaines semble pousser les acteurs en compétition à négocier et nouer des alliances parfois contre-nature ou encore loufoque, privant ainsi le peuple d’une certaine lisibilité des forces politiques en jeu.
Pour les élections départementales et communales du 23 janvier prochain, les jeux politiques sont ouverts. Les différents protagonistes ne se font aucun cadeau et occupent au mieux possible les espaces laissés vides par les adversaires politiques pour nouer des alliances et autres coalitions à même de faire gagner le maximum de communes et de villes.
Cette effervescence politique notée dans le pays, à moins de 5 mois des joutes électorales, laisse se dessiner, pour le moment, 3 différents pôles, au-delà du camp de la mouvance présidentielle regroupée au sein de Benno Bokk Yakaar (Bby). La toute nouvelle coalition portée sur des fonts baptismaux le jeudi 9 septembre dernier, reste celle formée autour du Parti démocratique sénégalais (pds) de Me Wade avec ses alliés historiques que sont Bokk Guis Guis de Pape Diop, AJ/PADS de Mamadou Diop Decroix, etc.
En plus de ces partis le Pape du Sopi a convaincu le Congrès de la Renaissance démocratique (Crd) et ses huit partis mais aussi la coalition Jotna regroupant 18 formations. Bien avant, ‘’Yewwi Askan Wi’’ a été créé, regroupant Pastef d’Ousmane Sonko, Taxawu Sénégal de Khalifa Sall, PUR de Serigne Moustapha Sy, Malick Gakou du Grand Parti, Déthié Fall du PTR, Aïda Mbdoj, FSDB/J de Cheikh Bamba Dièye, entre autres. A cela s’ajoute la plateforme de l’opposition portée par Bougane Gueye.
Après avoir claqué la porte de Yewwi Askan Wi, le leader du mouvement Gueum Sa Bopp et ses alliés dans la Grande coalition Gueum Sa Bopp se sont résignés à former une coalition, non sans tendre la main à «tous ceux qui ne sont dans la politique politicienne». La réalité politique est passée par-là. En effet, au regard du mode scrutin (suffrage universel direct à un tour) au niveau départemental comme communal, à l’aune duquel la tête de liste sortie vainqueur des élections remporte automatiquement le poste de maire ou de président du conseil départemental, les différents chapelles politiques, conscientes de la fin du règne du parti unique, ruent vers des regroupements électoraux.
Ainsi donc, tous les coups sont permis, même les alliances contre-nature ou celles les plus inimaginables, donnant ainsi du tournis aux Sénégalais. A titre d’exemple, la coalition Benno Bokk Yakaar la plus hétéroclite car constituée d’environ 100 partis et mouvements variés, de provenances ou d’idéologies différentes, véritable fourretout sans liant entre eux, la quasi-totalité des autres alliances sont tout au plus aussi composites. Dans certaines, les adversaires politiques d’hier se retrouvent pour se liguer contre un «ennemi» commun, le régime en place. Il en est ainsi du leader de Pastef, Ousmane Sonko, de celui de Taxawu Sénégal Khalifa Sall, ou encore du Pur Serigne Moustapha Sy qui avaient tous pris des chemins différents et opposés à plusieurs reprises, notamment lors des élections législatives de 2017, tout comme pendant la présidentielle de 2019.
La réalité politique du moment, à savoir la quête du pouvoir, leur a fait bafouer certains de leurs principes pour faire front commun contre le régime de Macky Sall. Cela, au point de faire table rase sur certains propos et actes, quelque peu déplacés, tenus à un moment donné. Ailleurs, ce sont d’anciens compagnons du président Macky Sall devenus opposants après leur éviction et/ou démission du gouvernement qui nouent une alliance avec le «Père» de leur ex-mentor. Il s’agit de l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye de l’Alliance pour l’action et la citoyenneté (Atc) et l’ancien ministre de l’Énergie, Thierno Alassane Sall de la République des Valeurs (Rv), tous membres du Congrès de la renaissance démocratique (Crd). Eux qui avaient quitté le camp présidentiel pour avoir senti que le chef de l’État déroutait un peu pour sortir de la voie des ruptures promises, se coalisent avec celui qui était à l’origine de cette demande pressante de changement.
Le landernau politique sénégalais reste ainsi marqué par le jeu des grandes coalitions surtout en cette période électorale aussi bien dans la majorité présidentielle, qui essaie de consolider et de garder sa mouvance très menacée par les investitures internes à venir, que dans l’opposition qui à coup sûr ira à ces élections locales en rang dispersé, notamment avec pas moins de 3 pôles. Ces alliances électorales, au-delà de fausser la réalité du jeu politique par rapport au poids électoral des différents partis dans l’arène politique, laissent perplexe le Sénégalais lambda qui ne sait plus où donner de la tête. Les grands ensembles prennent depuis un moment, le dessus sur les idéologies politiques, que ce soit au Sénégal comme ailleurs. Quid de la démocratie ? Elle prend un sacré coup !
JEAN MICHEL DIATTA