Exploitation de l’or à Kédougou : L’endroit et l’envers de la médaille

par pierre Dieme

Les ressources naturelles constituent le socle de l’économie de la région de Kédougou. Plusieurs multinationales y sont présentes. La responsabilité sociétale d’entreprise est le devoir qu’elles remplissent souvent mais, les populations n’y trouvent pas toujours leur compte. A côté, il y’a la forte présence de l’extraction de l’or à l’informel. L’orpaillage traditionnel mobilise et assure la survie de nombreux sénégalais et étrangers. Cependant ses conséquences négatives se font aussi ressentir. L’exploitation sexuelle, le travail des enfants, l’insécurité grandissante sont des faits qui prennent de l’ampleur dans cette partie du Sénégal à cause de la fréquentation des zones aurifères.

L a région de Kédougou regorge d’énormes potentiels miniers. Et pourtant, elle fait partie des zones les plus défavorisées du Sénégal. Les enquêtes de l’ Agence nationale de la statistique et de démographie (Ansd), font état d’une pauvreté estimée à 26,3 %. L’orpaillage reste la principale activité mais, elle est principalement entre les mains de multinationales étrangères. Pas moins d’une vingtaine sont dénombrées. Le respect de la responsabilité sociétale d’entreprise même s’il est vanté par ces exploitants, il n’est pas tout le temps très ressenti chez les populations.

Les explications du coordonnateur régional de « Publier ce que vous payez », Aliou Bakhoum l’explique. « Il y’a quelques réalisations qui sont faites par les entreprises minières mais, des fois il n’y a pas une cohérence dans l’exécution de cette responsabilité sociétale d’entreprise (Rse). Les collectivités territoriales ne sont pas impliquées. Nous avons essayé d’orienter les entreprises minières de consulter les collectivités territoriales avant de développer des activités dans le cadre de la Rse ». Mieux, ajoute-t-il, « actuellement, ça se passe bien mais des fois aussi l’entreprise essaye de voir avec les communautés et viennent imposer à la collectivité territoriale des actions. On ne peut dire que cela ne participe pas au développement de la région mais, ce n’est pas à grande échelle. Ce n’est pas notoire ».

Pour lui, ce suit devrait être fait est que « les entreprises minières nous disent l’enveloppe destinée à la Rse au début de l’année et que ça rime avec la planification de la collectivité territoriale. S’il y’a une concertation entre les collectivités administratives et territoriales, ça sera mieux. Ils vont cerner mieux les besoins des communautés ». La production d’or à Kédougou est passée de 12,5 tonnes (402 231 onces) en 2018 à 12,9 tonnes (415 335 onces) en 2019, a indiqué le rapport de conciliation 2019 de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE).

Selon ce document, le total des revenus générés par le secteur extractif a haussé de 0,4 tonnes d’or en 2019 grâce à l’augmentation de la production de la mine de Mako à côté de celle de Sabodala. Pour l’année 2019, les revenus générés par le secteur extractif du Sénégal sont estimés à 161 milliards de francs CFA dont 45 milliards de contributions des entreprises de Kédougou.L’Or est le premier contributeur aux exportations du secteur extractif avec 61,59%, indique le texte.

L’ORPAILLAGE TRADITIONNEL, UN GAGNE-PAIN

A côté des entreprises minières, s’est développé à Kédougou, l’orpaillage artisanal. Il est l’une des activités les plus pratiquées dans la région. Il est ressorti du rapport de l’étude monographique sur l’orpaillage au Sénégal réalisée par l’Agence Nationale de la démographique et de la statistique (Ansd) publiée en janvier 2018 que 32 474 personnes s’activent de façon directe dans l’exploitation traditionnelle de l’or dont 27 444 dans l’extraction, 3 814 dans le broyage et le concassage et 1 216 dans l’alluvionnaire. La main d’œuvre enregistrée dans l’activité d’extraction et du concassage/broyage est composée de 28 746 hommes et de 2 512 femmes. Il est noté également que 0,5% de cette main d’œuvre est composée d’enfants de moins de 15 ans. Les résultats de l’étude ont montré que l’activité d’orpaillage a produit en 2017 une production de 4,3 tonnes d’or dont 4,0 tonnes pour l’orpaillage pratiqué dans l’activité d’extraction du minerai d’or et 341 kilogrammes d’or pour l’orpaillage alluvionnaire. La production en valeur de l’or est de 86, 6 milliards de FCFA dont 80,2 milliards de FCFA et celle de l’alluvionnaire se situe à 6,4 milliards de FCFA.

Les consommations intermédiaires sont évaluées à 12,7milliards de FCFA. Il ressort de celle-ci aussi une forte pratique de l’orpaillage traditionnel. Avec 6 170 unités de production contre 102 pour la région de Tambacounda, Kédougou est le premier site d’orpaillage. Le total des unités de production étant de 6 272. L’orpaillage est la principale source de revenus pour les jeunes. Oumar Diémé, le président du site de Kharakhena ne le cache pas. « Il y’a beaucoup de Sénégalais qui y travaillent et gagnent leur vie. Avec l’orpaillage traditionnel, il y’a moins de chômeurs. Il n’y pas de travail au Sénégal qui est plus lucratif que l’orpaillage », affirme-t-il. La doléance de l’orpailleur est d’avoir une augmentation du couloir exploité afin d’assurer la continuité de leur activité. Pour Aliou Bakhoum, l’orpaillage traditionnel est une activité génératrice de revenus qui a changé le visage de Kédougou, il cite en exemple d’immigrés reconvertis à la pratique. Il trouve toutefois qu’il y’a une nécessité de règlementer le secteur. « Nous demandons à l’Etat d’encadrer la pratique. Il y’a la clandestinité, 60% des pratiquants qui sont des étrangers. L’Etat avait démarré avec des cartes d’orpailleurs pour les nationaux pour leur permettre d’être au premier plan dans les mines d’or mais, ça n’a pas continué. Il y’avait des résultats dans tous les sites d’orpaillage officiels, les étrangers occupaient la seconde place. Il faut aussi l’ouverture d’autres sites », a-t-il expliqué.

LE REVERS DE LA MÉDAILLE

Kédougou, une région riche en ressources minières attire. Plusieurs ressortissants africains y sont installés et s’activent dans la recherche de l’or. Une situation qui n’est pas sans conséquences. L’insécurité commence à y connaitre des proportions inquiétantes. L’exploitation sexuelle des filles et la traite des personnes sont aussi une réalité. L’orpaillage traditionnelle rime aussi avec des éboulements mortels, l’absence de dispositifs pour assurer la sécurité et la santé au travail. Il y’a aussi l’usage important de produits nocifs à l’environnement comme le Cyanure et le mercure. Un problème qui commence aussi à prendre de l’intensité, selon le coordonnateur de Publier ce que vous payez, Aliou Bakhoum à cause de la présence chinoise. « Au niveau de la frontière, les Chinois dilapident les ressources minérales. Il y’a tellement de conflits au niveau de la zone de Keniaba. Avec la crise malienne, il y’a de quoi à avoir peur. Il faut que la présence des forces de sécurité soit renforcée. Il faut que les pays se parlent. Il y’a aussi le dragage du fleuve qui fait que si rien n’est fait, on risque une insécurité totale dans la zone », a-t-il fait savoir. Parmi les problèmes, il cite aussi le dragage du la Falémé

PAR FATOU NDIAYE

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