Marquée par l’ouverture de la révision exceptionnelle des listes électorales par décret n°2021-976 du chef de l’État, du 31 juillet au mardi 14 septembre prochain, le processus électoral en prélude aux élections locales du 23 janvier 2022, se déroule tout naturellement. Son lancement, à 6 mois de ces joutes électorales, semble toutefois reléguer au second plan les alliances d’actions de l’opposition pour un processus électoral transparent, au profit des coalitions électorales en gestation.
Depuis le lancement du processus électoral par l’ouverture de la révision exceptionnelle des listes électorales, le 31 juillet dernier, les pions politiques se placent en douce en vue de la formation d’entités électorales fortes, capables de faire face à la coalition présidentielle. Une large alliance électorale est annoncée entre le Pastef d’Ousmane Sonko, le Taxawu Sénégal de Khalifa Sall, le Pds de Karim Wade et le Pur de Serigne Moustapha Sy. Le Congrès de la renaissance démocratique (CRD) composé des partis comme République des valeurs de Thierno Alassane Sall, Tekki de Mamadou Lamine Diallo, l’Act d’Abdoul Mbaye et la coalition Jotna ne comptent pas rester en rade. Ils invitent leurs mandants au niveau local à aller en alliance pour ces élections du 22 janvier prochain.
A l’image de ces formations politiques qui ont décidé de conjuguer leurs forces pour aller ensemble à ces joutes électorales, ô combien importantes, d’autres partis politiques et personnalités indépendantes cherchent les voies et moyens de s’allier pour espérer gagner des municipalités. Ainsi donc, tous sont préoccupés par le jeu des alliances électorales, abandonnant au second plan les alliances en vue de mener des actions concertées et communes pour sécuriser l’ensemble du processus électoral.
En effet, alors que le processus électoral a démarré, depuis plus d’un mois, les formations politiques se limitent à des communiquées ou sorties médiatiques pour dénoncer des pratiques jugées peu orthodoxes dans la délivrance des certificats de résidence, dans les difficultés que rencontrent les primo-votants pour se faire enrôler sur les listes électorales, ou encore dans la création de commissions parallèles. Il en est ainsi des dénonciations de « fraudes » et de « blocages » faites par le parti Pastef à Joal Fadiouth, à Dakar, à Ziguinchor, tout comme à Linguère. A Pikine Nord, des incidences violentes ont opposé des militants du mouvement politique République des valeurs (Rv) de Thierno Alassane Sall à l’équipe municipale du maire Amadou Diarra, membre du PDS qui a récemment rejoint le parti au pouvoir. Les membres de la Rv dénoncent « l’impossible obtention de documents aussi simples qu’un certificat de résidence ou un extrait de naissance ».
Le maire de Mermoz Sacré cœur, Barthélémy Dias, ainsi que Thierno Bocoum du mouvement Agir, ou encore les leaders du Crd, ont tous dénoncé des pratiques peu orthodoxes en cette période d’ouverture exceptionnelle des listes électorales. Ces critiques et autres dénonciations sont toutefois faites de manière sporadique, sans actions concertées entre acteurs de même bord politique. Presque toutes les plateformes d’actions, comme le Mouvement de défense de la démocratie (M2D) qui regroupe des partis d’opposition, dont le Pastef d’Ousmane Sonko, ainsi que des mouvements comme Y’en a Marre, ainsi que le collectif Nio Lank, sont en berne.
A notre connaissance, aucune action commune, dans le but de réclamer et d’obtenir un processus électoral transparent pour ces élections locales du 22 janvier prochain, n’a été menée. Les partis politiques qui composent ces mouvements sont préoccupés par les stratégies à mettre en place pour briguer des municipalités, oubliant qu’une élection, c’est tout un processus. La proclamation des résultats n’en est que l’aboutissement.
Étant entendu que les fraudes électorales ne s’opèrent plus dans les bureaux de vote, avec un bourrage des urnes, mais plutôt en amont, tout au long du processus électoral, l’opposition gagnerait mieux à travailler en synergie pour l’instauration de la confiance entre toutes les parties prenantes, pour l’établissement des règles de la compétition, autrement du cadre juridique et légal, qui garantit l’intégrité du processus électoral. Tout un travail doit être abattu durant tout le processus, à savoir de l’ouverture des inscriptions sur les listes électorales au jour du scrutin, en passant par les investitures, les dépôts des candidatures, la publication des listes électorales, la mise à la disposition de l’opposition de la carte et du fichier électoral, la publication des listes des candidats, entre autres.
La mise en place consensuelle de l’organe chargé de l’organisation du scrutin, devrait préoccuper l’opposition sénégalaise ainsi que tous les acteurs autour de ce scrutin électoral à venir. Que dire de la production en toute transparence et de la distribution effective des cartes d’électeurs ? Les mémoires restent encore fraiches sur la sortie maladroite, au cours d’une émission télévisée, du chargé de l’organisation de l’élection de 2019, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur de l’époque. L’opposition avait jugé ces déclarations comme un parti pris flagrant, non sans exiger en vain la nomination d’une personnalité neutre.
Que dire des nombreux dysfonctionnements qui ont émaillé la gestion du processus, en 2017, avec la non édition des cartes pour un peu plus d’un million d’électeurs, les difficultés à retirer les cartes pour près d’un autre million d’électeurs ; ce qui fait qu’environ deux millions d’électeurs ont été délestés de leur droit de suffrage ? Autant de dysfonctionnements, parmi tant d’autres, qui rappellent à bien des égards la nécessité, dès le début du processus électoral, de mener un travail concerté et des plans d’actions, dans le respect des règles et lois en vigueur. Ce qui permettrait, si besoin il y a, d’éteindre de potentielles sources de conflits, au soir du 22 janvier prochain.
REACTIONS…REACTIONS…
PAPE CISSE, CELLULE COMMUNICATION DE REPUBLIQUE DES VALEURS : «Au Sénégal, les alliances politiques sont toujours à la base de la conquête du pouvoir»
« Au Sénégal, les alliances politiques sont toujours à la base de la conquête du pouvoir. On peut prendre l’exemple récent de l’alliance qui est au pouvoir (même si c’est devenu par la suite, un conglomérat d’assoiffés de prestiges et de privilèges indus), qui a permis l’élection de l’actuel président. Donc, que ces alliances soient électorales ou dites d’action, le plus important doit être, pour nous, partis de l’opposition, d’empêcher la mouvance présidentielle d’élargir ses tentacules. Par conséquent, les partis de l’opposition, au-delà des alliances formées, doivent savoir taire leurs ambitions personnelles, voire nombrilistes et privilégier plus la concertation et l’intérêt commun, pour maintenir une cohésion de groupe, surtout dans ces périodes préélectorales. D’ailleurs, c’est pour cette raison que notre parti, la RV, est déjà en coalition avec d’autres partis de l’opposition comme l’ACT d’Abdoul Mbaye, Tekki de Mamadou Lamine Diallo, le professeur Bouba Diop et tant d’autres notamment la coalition Jotna qui nous a rejoint et récemment. Ceci pour dire que le président Thierno Alassane Sall a toujours pris en compte la concertation au sein de l’opposition. Les reproches faits à son égard, sur un supposé caractère solitaire, ne sont pas fondées. Par conséquent, la RV tient aussi à ses principes républicains et les idéologies qui caractérisent son existence. Autrement dit, nous sommes pour l’ouverture certes, mais que les raisons de celle-ci soient en adéquation avec les idéologies du parti. Nous sommes pour une union saine de l’opposition basée sur des principes allant dans l’intérêt de changer le pays (loin des calculs égocentriques). Et j’entends par ‹‹ sécuriser le processus électoral..››, les actions concertées, entreprises depuis au sein des alliances de l’opposition et qui certainement permettront des élections transparentes. D’ailleurs, nous ne pouvons que constater et dénoncer face à des manquements du processus électoral en cours. Le régime en place est champion en matière de ‘’ ndiout ndiath électoral ‘’.
ABDOU SALAM BASS, CHARGE ELECTION BOKK GIS GIS : «Les alliances, c’est pour s’occuper du processus du début jusqu’à la fin»
« Les alliances politiques relèvent d’un exercice tout à fait normal parce que c’est stratégique. C’est-à-dire monter une alliance électorale en vue d’aboutir à un résultat donné qui est de remporter les élections. C’est une stratégie normale parce que c’est un jeu politique donc, c’est le rôle des hommes politiques. Quand les politiques font cela, ils sont dans leur rôle. Maintenant, si c’est autre chose dans la vie ? cela dépend de l’approche que chaque parti politique fera de cette affaire. Il y a des partis politiques si le coût de la vie est cher, certains partis donnent leur avis et ils sont même prêts à descendre sur le terrain pour alerter tout le monde. En ce moment, on a constaté la flambée des prix des denrées de première qui ont pratiquement doublé ou grimpé. Face à cette situation, il devrait avoir une alliance des partis politiques pour riposter énergiquement au profit de l’unité sociale de la population. Vous savez, le rôle premier d’un parti politique c’est la conquête du pouvoir. Mais il y a des questions où c’est réservé à d’autres secteurs. Notamment, quand il est question de la cherté de la vie, c’est des revendications syndicales en général parce que c’est eux (syndicats) qui devraient se lever pour dire non. Par contre, les politiques sont dans leur rôle parce que le but de tout parti politique, c’est conquérir le pouvoir. C’est pourquoi à l’approche des élections, les partis politiques montent des alliances. C’est stratégique mais tout parti politique pouvait aller seul au niveau des élections puisque c’est l’objectif de tout un chacun. Seulement, c’est pour maximiser les chances de remporter la victoire que les partis politiques se grouillent comme ça. Dès qu’une alliance est née, c’est tout un processus parce que les alliances, c’est pour s’occuper du processus du début jusqu’à la fin. Quand on monte une alliance, c’est pour aller ensemble. On gère tous les aspects politiques jusqu’à la dernière opération qui est le jour du scrutin et de la gestion de la proclamation des résultats».
JEAN MICHEL DIATTA avec BARTHELEMY COLY (STAGIAIRE)