Les évènements politiques de 1988 constituent un repère dans la vie de contestation au Sénégal. Les Sénégalais devaient élire un président de la République et une nouvelle Assemblée nationale. Les candidats étaient au nombre de quatre (4), Abdou Diouf, le président sortant, Abdoulaye Wade, la principale figure de l’opposition et chef du Parti démocratique sénégalais (Pds), l’avocat Babacar Niang du Parti pour la libération du peuple (Plp) et Landing Savané d’Aj/Pads. Le président Abdou Diouf est donné vainqueur de la présidentielle. Son camp, le Parti socialiste (Ps) remporte les élections législatives, avec une razzia qui n’a laissé que 17 fauteuils de députés aux opposants, sur les 120 sièges.
L’annonce des résultats déclenche des violences, car l’opposition soupçonne des fraudes. Plusieurs leaders, dont Abdoulaye Wade, sont arrêtés et incarcérés. L’état d’urgence est décrété. Plus tard, la Cour de sûreté de l’État autorise la libération des personnes arrêtées dont Me Abdoulaye Wade, l’état d’urgence étant aussi levé.
Le Sénégal a aussi connu de violentes manifestations suite à la dévaluation du Franc Cfa. Du 12 au 24 février 1994, le pays a été en proie à une violente manifestation. Cependant, la journée du 16 février 1994 a marqué le paroxysme. Des manifestants affrontent violemment les forces de l’ordre, à l’issue d’une réunion publique de la Confédération des forces démocratiques, coalition de l’opposition, consacrée à la cherté de la vie après la dévaluation.
Le bilan officiel fait état de six (6) policiers et de deux (2) manifestants tués. Le gouvernement dénonce un plan pour «déstabiliser les institutions démocratiques». Les deux principaux dirigeants de l’opposition, Abdoulaye Wade et Landing Savané, chef du Parti africain pour la démocratie et le socialisme, sont arrêtés puis inculpés pour «atteinte à la sûreté de l’État». Dans le lot des arrêtés, il y avait aussi, entre autres, Pape Oumar Kane, Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Maktoum et son frère, ancien porte-parole de Tivaouane, Pape Malick Sy.
Les manifestations et marches dans la rue ne sont pas l’apanage des civils. La Police également est entrée dans l’histoire, même si elle en a payé un prix fort. 1467 policiers ont été radiés en 1987 par décret présidentiel, signé par l’ancien président Abdou Diouf. La mesure fit suite à la marche, les 13-14 avril 1987 des agents de Police de Dakar, Thiés et Kaolack qui contestaient l’arrestation de 10 de leurs collègues détenus pour le meurtre d’un receleur. Abdou Diouf leur enverra la Gendarmerie, au motif que ces derniers «manifestaient contre son régime». La contestation au Sénégal, c’est également les sorties fréquentes de la défunte Société de transport public urbain, Sotrac. C’était sous le régime socialiste.
Auparavant, le Sénégal a connu une manifestation historique, juste au sortir des indépendances. Une vague de contestations estudiantines et syndicales a eu lieu en mai 1968. Parti d’une révolte des étudiants de l’université de Dakar, le mouvement s’est étendu aux élèves des lycées et aux syndicats de travailleurs. C’était une grève générale. Ce mouvement est la première contestation d’envergure au Sénégal, après l’indépendance.
ABDOU KHADRE SANOGO, SOCIOLOGUE :«La contestation est une dimension normale d’un régime démocratique»
«La contestation est une dimension normale d’un régime démocratique. Il faut juste le faire avec responsabilité et de manière non-violente. A part ça, elle exprime le degré de maturité d’un peuple. La violence appelle à la violence aussi. Pas de justice, pas de paix. Il faut davantage d’équité, d’équilibre et de justice dans ce pays. Mais les jeunes doivent apprendre à transformer de manière non-violente les conflits et à s’approprier les fondements d’une culture de paix. Le monde est devenu un village planétaire ; donc forcément avec les procédés de l’imitation, la contagion sociale et l’influence sociale que subissent les peuples, des transformations profondes s’opèrent au niveau des comportements en termes de réclamations de droit, de revendications et protestations. Et pour une portée de toutes ces actions, les réseaux sociaux constituent un canal de propagation rapide».
Fatou NDIAYE et Madiagne SAMB (Stagiaire)