Le parler franc, Moustapha Diakhaté est comme un cheveu dans la soupe politique nationale. Qu’on l’aime ou pas, il a le courage de ses idées et sa lecture de la situation nationale, dont le rapprochement avec le Président Macky Sall, la Fondation Servir Le Sénégal, la gestion de la 3e vague Covid, les Primo-votants, est un modèle de clarté qui mérite qu’on s’y arrête. Pour ce faire, Rewmi Quotidien vous ouvre le livre qu’est l’ancien conseiller de Macky sans langue de bois, ni barrières, ni masque. L’ex chef de cabinet de Macky Sall était l’invité de l’émission « Grand Oral » de Rewmi Fm, de ce samedi.
QU’EN EST-IL DE VOTRE RAPPROCHEMENT AVEC MACKY SALL ?
Non, il n’y a pas de rapprochement entre Macky et moi. Il se trouve qu’au mois de mars dernier, j’avais constaté qu’il y avait un risque que l’Armée prenne le pouvoir. Avec d’autres personnes, nous nous sommes rapprochés du Président Macky Sall pour essayer de trouver des solutions, afin de faire revenir la paix. Maintenant que tous ces évènements sont derrière nous, je continue à avoir les mêmes distanciations politiques avec le chef de l’Etat.
ETES-VOUS TOUJOURS DANS LA FONDATION SERVIR LE SENEGAL ?
Oui, j’y suis toujours, mais je ne participe plus aux activités de la fondation et cela, depuis que j’ai quitté le président de la République. Je n’ai certes pas démissionné comme membre du conseil de la fondation, je n’ai pas été exclu non plus, je dirai plutôt que je suis un membre inactif.
EST-CE-VRAI QUE LA PREMIERE DAME VEUT RECOLLER LES MORCEAUX AVEC LE PRESIDENT ?
Oui ! Et je trouve que c’est son droit le plus absolu ; c’est son rôle. Pour ma part, j’essaie de faire la part des choses entre mes rapports avec la relation que j’ai avec elle, et celle que j’ai avec son mari. Je ne veux plus rejoindre la majorité présidentielle, c’est une page toute tournée. Vu les conditions dans lesquelles Macky Sall m’a limogé et exclu de l’APR, il n’est plus question que nous nous retrouvions sur le plan politique. J’ai appris mon limogeage sur les réseaux sociaux et avec un tel acte, je ne trouve pas raisonnable le fait de me retrouver avec lui.
POUVEZ-VOUS REVENIR UN PEU SUR LA PERSONNE DE MACKY SALL ?
C’est quelqu’un d’assez courtois, respectueux, du moins, il me respecte. Par contre, ce qui me déplaît chez lui, c’est sa façon de gouverner. Il le fait de manière très verticale, à la limite despotique et ce n’est pas conforme à l’idée que je me fais de la démocratie au Sénégal. Il gouverne seul, aussi bien le parti, la coalition que l’Etat du Sénégal. Il écoute peu et est difficilement accessible même pour ses collaborateurs les plus proches. C’est lui seul qui est l’Alpha et l’Omega. Je ne comprends pas le fait que quelqu’un comme lui qui a participé à des combats démocratiques puisse se comporter de la sorte.
COMMENT APPRECIEZ-VOUS LA GESTION DE LA TROISIEME VAGUE DE COVID-19 ?
Je ne vois rien pour la troisième vague ; aucune initiative n’est prise à part le vaccin, chacun se débrouille comme bon lui semble. Au début de la pandémie, il y avait des mesures qui avaient été prises mais depuis lors, plus rien. Même les interdits ne sont plus suivis. Les Sénégalais se comportent comme ils veulent, les masques ne sont plus portés, les distanciations physiques ne sont pas respectées et il y a des rassemblements partout. Il n’y a rien de nouveau avec cette dernière vague, or, elle est plus dangereuse, plus contagieuse. C’est avec elle que le gouvernement devrait prendre des mesures strictes, mais rien n’est fait. J’ai l’impression que le gouvernement a peur d’affronter l’opinion, sauf qu’on ne peut pas gouverner en cherchant à plaire à tout le monde. Quand on est leader politique, il faut oser affronter l’opinion politique et même lui imposer des choses qui ne lui plaisent pas. On peut mobiliser les gens par le discours, par la sensibilisation.
PENSEZ-VOUS QU’ON DEVRAIT IMPOSER LE PASS SANITAIRE AU SENEGAL ?
Pour le moment, nous n’avons pas suffisamment de vaccins pour l’imposer car même ceux qui fabriquent le vaccin n’en ont pas assez. Il y a ce que j’appelle le vaccin du pauvre et que nous maîtrisons bien, c’est-à-dire le lavage des mains avec de l’eau et du savon, l’utilisation du gel hydro-alcoolique, le port du masque et le respect de la distanciation physique.
QU’EN EST-IL DU LAISSER-ALLER DES SENEGALAIS ?
Il n’y a ni de laisser-aller, ni d’incohérence chez les populations. Les Sénégalais ont un Président qui est le garant de leur sécurité et y compris la sécurité sanitaire. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités, expliquer par la pédagogie aux Sénégalais ce qu’ils doivent faire pour vaincre la maladie. Tous les pays du monde sont d’accord qu’avec le lavage des mains, le port du masque et le respect de la distanciation physique, on peut réduire considérablement le rythme de transmission de la maladie. Il y a un problème de communication, ce qu’il fallait faire, c’est mettre au-devant les médecins, les socio-anthropologues, les chefs religieux dans la communication pour le respect des gestes barrières. C’est plutôt une communication politicienne qui a été faite.
ETES-VOUS D’AVIS QU’IL FAUT REPORTER LE MAGAL DE TOUBA ?
Comme je disais tantôt, le président de la république est le garant de la sécurité des Sénégalais, y compris de la sécurité sanitaire. Et c’est à lui de trouver les moyens pour parler aux autorités religieuses afin que ces rassemblements puissent être suspendus. Si quelqu’un est privé de Mecque pendant 2 ans, à cause de la pandémie, il devrait aussi être en mesure de se priver de certaines actions que ce soit la Sunna ou autres. On peut suspendre ses manifestations en attendant de chasser la pandémie, sauf que pour le faire, il faut avoir du courage et c’est ce qui manque à l’Etat et à son autorité principale qu’est le président de la République.
QUE PENSEZ-VOUS DE LA GESTION DE LA COVID-19 ?
Macky Sall n’a pas tenu à ses engagements. Il avait dit qu’il mettrait en place un comité de gestion multi acteurs, s’il l’avait fait il n’y aurait pas eu tout ce débat. Ce qu’il a fait c’est mettre en place un comité de suivi, et ce dernier, ce qu’il fait, c’est constater les dégâts. Par contre, s’il avait mis en place une commission inclusive, multi actrices avec la société civile, les médias entre autres, nous n’en serions pas là. Le président est le responsable des tous les soupçons de malversations dans la gestion du fond-Covid.
QUELLE EST VOTRE POSITION SUR LA POLEMIQUE DE L’INSCRIPTION DES PRIMO VOTANTS SUR LES LISTES ELECTORALES ?
J’ai honte, c’est scandaleux et ça prouve encore une fois que la classe politique sénégalaise n’est pas à la hauteur de ses responsabilités. Quand vous avez l’âge électoral, on doit forcément vous insérer dans le fichier électoral. Concernant le débat sur les certificats de résidence ont été introduits dans le cadre de la lutte du transfert d’électeur. Il est impossible pour un Sénégalais de voter deux fois. Encore une fois ce débat n’est pas à la hauteur des avancées supposées de la démocratie sénégalaise pour qu’on discute sur des certificats de résidence. L’Etat aurait dû créer des commissions de supervision de la délivrance des certificats de résidence, ces dernières devraient regrouper les partis de l’opposition et de la majorité qui ensuite devraient à la fin être supervisés par le Sénat. La gestion des certificats de résidence devrait être démocratisée et cette question aurait dû être réglée lors du dialogue politique. Ce qui n’a malheureusement pas été fait.
VOTRE AVIS SUR LES SOLUTIONS PRECONISÉES PAR BARTHELEMY DIAZ ET ABASS SALL DU PASTEF ?
Ce serait irresponsable d’utiliser la violence pour résoudre quoi que ce soit. Les gens du Pastef ont fait suffisamment de mal comme ça au mois de Mars pour en rajouter, il faut qu’ils arrêtent. Les gens doivent pouvoir discuter pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles notre pays est confronté. S’ils appellent à la violence, qu’ils envoient d’abord leurs enfants. La première solution, c’est le dialogue et non la violence. Sur ce, je lance un appel à la société civile pour qu’ils aillent rencontrer le président de la République afin de trouver une solution et régler ce problème. Si cette pandémie n’est pas réglée, il ne doit pas y avoir d’élections locales en 2022. On ne peut pas sacrifier les Sénégalais pour des élections qui n’apporteront rien à leur vécu.
VOUS ANNONCIEZ UNE PLATEFORME EN DIRECTION DES LOCALES. QU’EN EST-IL ?
J’y travaille ! Il y a des partis avec qui j’ai envie d’aller en aventure pour les élections locales. Mais présentement, ce que j’aimerai c’est qu’on change notre approche de la gouvernance locale, je veux qu’il y ait une dose de participation des populations. On aurait dû prévoir un quota de 20 à 30% pour les jeunes. Si cela avait été fait, il y aurait eu une forte présence des jeunes dans les collectivités territoriales et ils auraient été habitués à la chose politique, publique et à la gouvernance. C’est ce qu’ils devraient faire avec ces jeunes et non les appeler à descendre dans les rues pour risquer leur vies.
SEREZ-VOUS CANDIDAT ?
Je serai peut-être candidat à Dakar mais pour l’heure, je ne suis pas encore très déterminé. J’ai déjà été conseiller municipal à Dakar pendant 5 ans, mais avec ce système ça ne sert à rien de le devenir. C’est une affaire de politique politicienne, les gens vont utiliser l’argent des collectivités territoriales pour faire de la politique. Le rôle d’une mairie c’est d’investir l’argent de la mairie dans la population en termes d’améliorations de leurs conditions de vie.