Le Préambule du texte constitutionnel révèle une des caractéristiques essentielles de la République et de l’Etat du Sénégal. Il est centré sur la philosophie politique du Sénégal, l’organisation des pouvoirs publics ainsi que les droits et libertés des citoyens. Il peut subir de fréquentes adaptations pour suivre les évolutions sociales et politiques du pays. D’où notre plaidoyer pour l’intégration de la Charte africaine de la jeunesse dans le Préambule de la Constitution.
I-La nécessité d’intégrer la charte dans le Préambule
En droit africain, la jeunesse se démarque par sa particularité qui permet de la penser comme une catégorie singulière, justifiant un traitement juridique particulier. Dépassant quasiment tous les continents par son traitement juridique (textuel) le plus abouti, se dessine à l’heure actuelle une perspective africaine de la jeunesse. Cette perspective favorise la formation d’un droit africain qui, spécifique aux jeunes, permet de mieux les accompagner vers l’autonomie et la responsabilisation.
C’est fort de ce constat que la LOI n°2009-08 du 9 janvier 2009 a autorisé le Président de la République à ratifier la Charte africaine de la Jeunesse, adoptée par la 7ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine (UA), tenue à Banjul (Gambie), le 2 juillet 2006. Même ratifiée, la valeur normative de la charte reste conventionnelle et non constitutionnelle. En effet, dans l’ordre juridique interne, la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes suivie des traités, des lois et enfin des règlements. Pourtant, l’article premier de la Charte précise : « Les Etats Parties s’engagent à prendre les mesures nécessaires, conformément au processus constitutionnel et conformément aux dispositions de la présente Charte pour adopter les mesures législatives et les autres mesures requises pour appliquer les dispositions de la Charte ». Les juristes africains savent bien que beaucoup de droits invocables aujourd’hui ne s’ajoutent pas simplement au texte constitutionnel mais l’enrichissent au point de le compléter. Il en est ainsi de la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples (ratifiée et intégrée dans le Préambule), de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (ratifiée et intégrée dans le Préambule). Le moment donc est venu d’inscrire la Charte africaine de la jeunesse dans le Préambule de la Constitution. Une Constitution démocratique doit en effet être le « miroir magique d’une société » et étroitement liée aux contextes d’un pays, d’un continent et du monde.
II-Les voies pour l’inscription de la charte dans le Préambule
L’ordre juridique n’est pas figé. Comme la société – et il est vrai parfois avec retard – il est en permanente mutation. La voie de la révision du Préambule de la Constitution est le passage obligé pour donner à la Charte une dimension constitutionnelle. Réviser la Constitution, c’est revenir à l’ouvrage du Peuple. En vertu de l’article 103 de la Constitution, « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux députés ». L’intégration de la Charte dans le Préambule pourrait se faire par projet de révision constitutionnelle d’initiative présidentielle ou par proposition de révision constitutionnelle d’initiative parlementaire. Il faut préciser que les députés ne font quasiment pas de propositions de lois, à plus forte raison d’une loi constitutionnelle. Par conséquent, cette question devrait trouver l’écho auprès du ministre de la jeunesse qui doit convaincre le Président de la République d’initier un projet de révision de la Constitution pour l’intégration de la Charte dans le Préambule.
Au demeurant, la cohésion permanente de notre société est l’un des enjeux de la modernisation du pays, et l’un de ses objectifs est d’en rapprocher tous les segments et toutes les couches. La jeunesse, qui est sans doute, par son nombre, la frange la plus importante de la population sénégalaise, doit être avec bien d’autres acteurs l’un des artisans du renouveau de la République, de l’Etat et la démocratie. A travers elle, notamment, doit transparaître la manière dont l’Etat entend gouverner, la République cherche à se consolider, la démocratie prétend s’exercer.
Plus que jamais, la jeunesse doit donc être au cœur des politiques publiques mais aussi doit être écoutée sans fuir ses revendications légitimes. La population sénégalaise sait que la jeunesse est une frange importante de la société, sage, informée, diligente et qui est tout à fait mêlée à la population, acceptée, et même la plus aimée.
L’engagement de la jeunesse est et doit continuer à être à la hauteur du témoignage d’estime qu’elle a ainsi reçu. La qualité de son inventivité, la rapidité et l’adéquation de son sens élevé de la responsabilité sont les meilleurs garants du maintien de la cohésion nationale, en particulier au niveau des zones les plus défavorisées, où l’équité territoriale est encore à réaliser. L’inscription de la Charte dans le Préambule permettrait de rappeler que l’égalité de tous les citoyens devant la loi et la promotion du seul mérite constituent le socle intangible de nos valeurs républicaines.
Mouhamadou Ngouda MBOUP
Enseignant-chercheur de droit public FSJP/UCAD