La gestion actuelle de cette troisième vague de la pandémie du coronavirus par le gouvernement sénégalais rappelle à bien des égards l’expérience de la première phase. En effet, si le gouvernement continue de clamer haut et fort, qu’il dispose d’une bonne stratégie de riposte, la mise en œuvre de celle-ci semble montrer une absence d’harmonie entre les principaux axes de communication avec certaines actions de ce plan de riposte.
L’histoire est-elle en train de bégayer pour le Sénégal ? En effet, alors que le pays subit actuellement l’offensive cruelle du variant «Delta », dénomination désormais retenue par la communauté scientifique pour désigner le mutant du virus SARS-CoV 2 repéré pour la première fois le 5 octobre 2020 dans le centre de l’Inde, après la protestation des pays où sont découverts les nouveaux variants de ce virus qui circulent à travers le monde, du côté de l’Etat, on semble éprouver des difficultés pour harmoniser la stratégie de lutte.
La preuve, comme lors de la première vague de contamination marquée par un tâtonnement sans précédent dans la stratégie gouvernementale de lutte, on assiste depuis l’avènement de cette 3ème vague à une communication qui va dans tous les sens. Celle-ci est marquée par une absence d’harmonie entre les axes de communication avec certaines actions pratiques de ce plan de riposte. A cela, il faut ajouter également une sorte de guerre de mots au sommet de l’Etat que se livrent certains responsables du régime. Dans des pays durement touchés par cette pandémie comme la France, souvent cité en référence par nos autorités, on note une parfaite harmonie entre la communication et les différentes phases de la stratégie de riposte du gouvernement de Jean Castex. En effet, alors qu’elles ne sont pas confrontées à un problème de disponibilité des vaccins, on a vu les autorités françaises procéder à une planification des opérations de la vaccination basée sur le ciblage des différentes catégories sociales professionnelles et tranches d’âge. Cette démarche a permis non seulement une bonne progression dans la couverture vaccinale de la population mais aussi aux citoyens d’avoir une bonne lecture de cette campagne.
Au Sénégal, un grand fossé sépare très souvent les messages véhiculés vers les Sénégalais avec les actions réelles posées par les autorités dans le cadre de la riposte. La preuve, alors que le pays éprouve toutes les difficultés pour s’approvisionner en vaccins, il est difficile de savoir les catégories socioprofessionnelles et tranches d’âge de Sénégalais qui sont réellement visées par les pouvoirs publics à travers cette opération. Quelques jours auparavant, on a vu également les autorités multiplier les sorties pour inviter les citoyens au respecter des gestes barrières et à aller se faire vacciner alors que le pays était en rupture de stock de doses depuis plusieurs semaines.
A cette situation, s’ajoute également la guerre des mots qui rythme les différentes sorties de certains responsables ou proches du régime en place au sujet de la gestion de cette pandémie. Nous pouvons citer cette sortie du patron du groupe Avenir Communication, Madiambal Diagne sur les équipements des Centres de traitement des épidémies (Cte), qui avaient été installés sur l’étendue du territoire national, lors de la première phase de cette pandémie au Sénégal. Réputé ami proche de l’actuel chef de l’Etat, Madiambal Diagne a révélé dans sa chronique de lundi 19 juillet 2021 dernier intitulée « Serigne Babacar Sy Mansour, l’exemple » que des « cliniques médicales privées de Dakar qui ne disposaient pas de matériels et autres appareils respiratoires ont pu s’en doter après le démantèlement des Cte ». « Les alertes lancées par les médecins et autres professionnels de la santé ont été ignorées. Et le pire est que cette troisième vague a révélé que bien des choses que l’on pouvait considérer comme acquises n’existaient que dans les discours et autres rapports officiels », avait enfoncé l’ancien directeur de publication du journal « Le quotidien ».
UNE PRISE EN CHARGE, PLUSIEURS SONS DE CLOCHE
Invité de l’émission « Objection » de la radio Sud Fm (privée), le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr réfutant cette information, a affirmé que le dispositif de prise en charge des malades ne souffre d’aucun manque de matériel. «Présentement, au moment où je vous parle, en plus de la production endogène aux structures, nous avons un stock de plus de 100 mille m3 d’oxygène qui sont aujourd’hui disponibles, capables de venir en secours de manière permanente aux Cte. Il peut y avoir un déficit de lits dans quelques structures, des difficultés dans la régulation, des incompréhensions», a-t-il souligné avant d’ajouter. «Le système n’a jamais manqué d’oxygène, au contraire on a actuellement un stock qui est disponible. Pour terminer de manière globale l’autonomisation du pays en oxygène, nous avons 35 centrales d’oxygène qui, aujourd’hui, sont commandées et qui seront livrées à partir du 12 août».
Il y a également la sortie du ministre d’Etat, conseiller juridique du président de la République, Ismaïla Madior Fall sur les ondes de la Radio futurs médias (Rfm privée) pour dégager toute responsabilité du chef de l’Etat, Macky Sall, à travers ses récentes tournées politiques dans l’explosion de cette troisième vague. Un argument que son camarade de parti et collègue professeur d’Université, Mary Teuw Niane, ne semble pas partager. Invité le même jour chez nos confrères d’Iradio (privée), l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur a déclaré sur la question des tournées économiques du président qu’«il (Macky Sall, Ndlr) n’aurait pas dû, dans cette période, faire ces tournées-là. Même si, en tant que président de la République, les questions économiques sont importantes. Il est important qu’il aille voir la population, tâter le pouls, voir l’état où les choses en sont, mais je pense que le contexte ne s’y prêtait pas».
NANDO CABRAL GOMIS