Abdoul Mbaye : « Pour qui se prend le Président de notre Conseil constitutionnel ? »

par pierre Dieme

La décision prise par le Conseil constitutionnel commence à secouer le landernau politique au Sénégal. Ce suite, au recours déposé par le Congrès de la Renaissance Démocratique (CRD) au niveau du greffe du Conseil constitutionnel, 30 juin dernier, pour demander l’annulation de deux lois adoptées par l’Assemblée nationale portant sur la modification du code pénal et du code de procédure pénale, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Mais selon L’article 23 de ladite loi « le Conseil Constitutionnel ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres, sauf empêchement temporaire de trois d’entre eux au plus, dûment constaté par les autres membres ». Ce qui a fait réagir Abdoul Mbaye, le leader de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail, délégué par le CRD pour signer la présente correspondance. Ce dernier d’interroger « Pour qui se prend le Président de notre Conseil constitutionnel ? »

Pour Abdoul Mbaye, « Le 19 juillet 2021 le Congrès de la Renaissance Démocratique (CRD) a adressé à Monsieur Papa Oumar Sakho, Président du Conseil constitutionnel du Sénégal, un courrier par lequel ce regroupement de partis politiques de l’opposition constatait l’impossibilité pour un Conseil constitutionnel réduit à quatre (4) membres de délibérer dans le respect de l’article 23 de la Loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016.

En conséquence, le CRD lui demandait de saisir le Président de la République pour l’informer de cette grave situation (quorum insuffisant qui dure depuis le 3 janvier 2021) afin qu’il puisse mettre fin par décrets de nomination à un désordre institutionnel susceptible de mettre en danger la sécurité, la stabilité juridique et la paix civile au Sénégal.

La réponse du Conseil constitutionnel est arrivée avec sa décision n°2/C/2021 rendue le 20/07/2021.
Par cette Décision, le CC commence par reconnaître son incapacité à délibérer légalement en raison de l’absence définitive de trois (3) de ses membres. Le CC décide ensuite de sa capacité à délibérer sur la base de la seule présence de quatre (4) membres au nom de devoir « toujours être en mesure d’exercer son pouvoir régulateur et de remplir ses missions au nom de l’intérêt général, de l’ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions et du principe de la nécessaire continuité du fonctionnement des institutions » (sic)
Il est d’une gravité extrême que, ce faisant, le CC a créé une nouvelle règle de quorum en s’arrogeant des pouvoirs dévolus au législateur d’une part et au Président de la République d’autre part.

Faisant fi du principe fondamental selon lequel en matière juridique il ne peut y avoir de compétence sans textes, le CC a lui-même produit ses nouvelles normes. Il s’est ainsi substitué à l’Assemblée nationale, ce que ne manqueront pas d’apprécier nos honorables députés. Mais Papa Oumar Sakho se donne ce droit car il sait ce que vaut notre Assemblée nationale, exception faite des députés de l’opposition qui s’acharnent à défendre notre démocratie.

Par ailleurs, en s’octroyant des pouvoirs éminemment politiques relevant d’une responsabilité qu’il s’octroie « au nom de l’intérêt général, de l’ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions et du principe de la nécessaire continuité du fonctionnement des institutions », le Conseil constitutionnel, sous la houlette de son Président Papa Oumar Sakho, usurpe des pouvoirs régaliens dévolus au Président de la République. Le CRD lui demandait par contre simplement d’alerter le Président de la République sur une situation grave afin de le conduire à signer des décrets de nomination de juges constitutionnels. Percevant un immobilisme et peut-être le début d’un vide du côté du pouvoir exécutif, le Président du CC a saisi une opportunité d’occuper ce rôle. L’avenir nous dira à quelle fin…

Force est par contre de constater à quel point la sécurité juridique s’est affaiblie dans notre cher Sénégal. Les principes et règles les plus élémentaires du droit sont piétinés. Le processus inexorable d’une fin de séparation des pouvoirs est mis en branle par l’Exécutif depuis plusieurs années ; il prend désormais également naissance au niveau du pouvoir judiciaire. Le recul démocratique surgit de toutes parts, mettant en sérieux danger cette paix sociale qui fit longtemps de notre pays une belle exception africaine.
Mais peut-être le projet est-il devenu la recherche d’un chaos qui semble malheureusement s’affirmer chaque jour davantage.
Dakar le 23 juillet 2021
Abdoul Mbaye
Président de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT) »

You may also like

Web TV

Articles récentes

@2024 – tous droit réserver.