L’arbitrage à laquelle s’attendaient nombre d’acteurs politiques de la part du chef de l’Etat, sur les points de désaccord actés lors du dialogue politique, semble avoir accouché d’une souris. Ou du moins, les quelques modifications apportées au Code électoral par le chef de l’Etat, Macky Sall, ont soulevé un tollé venant de tout bord politique, même de la société civile. Ce qui fausse inéluctablement l’objectif de départ, consistant à créer un cadre inclusif pour apaiser le climat politique très tendu
Grosse déception de la part de beaucoup d’acteurs ayant pris part au dialogue politique qui a duré environ 2 ans. C’est le moins que le puisse dire au vu des réactions et autres critiques notées après lecture du projet de loi portant modification du Code électoral soumis pour vote aux parlementaires par le chef de l’Etat. En effet, le traitement que le président Macky Sall a fait des conclusions de la Commission politique du Dialogue national a soulevé l’ire de son opposition, qui n’a pas manqué de lui envoyer du bois vert.
Sur son mur tweeter, l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye n’a pas été tendre avec son ancien patron. Très acerbe, le président du parti Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) dira que «M. Sall ne cesse d’étonner. Face à l’histoire il choisit d’être le plus petit des présidents du Sénégal. Diouf a fait voter un code électoral consensuel sans en changer une virgule. Wade a laissé manifester le 23 juin. Lui, reste dans sa petite ruse et ses calculs de petit politicien». Grosse est aussi la déception du côté du Congrès de la renaissance démocratique (Crd) qui n’a pas manqué de le faire savoir dans un communiqué rendu public, le jeudi 8 juillet dernier. Thierno Alassane Sall, président de la République des valeurs et ses camarades du Crd s’offusquent que le chef de l’Etat entretienne autant de monde durant 2 années pour arriver à ce piètre résultat. Ils trouvent, en fait que le président Sall a esquivé «les questions politiques et les questions d’enjeu démocratiques qui pourraient contribuer à la tenue d’un scrutin intègre, transparent et démocratique».
Ces points sont, entre autres, «la question du bulletin unique, la caution pour les élections locales, les articles L31 et L32 qui constituent de fait un moyen de confiscation permanente des droits civils et politiques de Karim Meissa Wade, de Khalifa Ababacar Sall, d’Abdoul Mbaye et très prochainement d’autres leaders de l’opposition démocratique entre les mains de Macky, qui en use et en abuse», pestent-ils. Les modifications du Code électoral ont aussi provoqué la colère des acteurs de la société civile, à l’image de Ndiaga Sylla, Expert en Démocratie, Gouvernance et Élections.
Sur sa page Facebook, l’expert électoral étale toute sa désillusion suite aux réformes «mineures», à son avis, au regard de ce qui avait été préconisé. Il estime, en fait, que les deux années de concertation, ainsi que les deux reports des élections, sans oublier les deux missions d’audit du fichier et d’évaluation du processus électoral, étaient du «gâchis». «En effet, il n’y aura pas de changement de modèle de gestion électorale (autorité chargée de l’organisation des élections), ni modification du système de parrainage en dépit de l’injonction de la Cour de Justice de la CEDEAO, ni l’introduction du bulletin unique. Il s’y ajoute le statu quo acté par le refus d’abroger ou de modifier les articles L.31 et L.32 qui instituent la déchéance électorale de manière générale, automatique et indifférenciée alors que cela violerait les droits de l’homme», déplore le Président de Dialogue Citoyen, même s’il admet que «du point de vue de la forme, les concertations ont été inclusives».
Autant de critiques et d’attaques contre les modifications apportées au Code électoral par le président Sall qui laissent planer un climat délétère entre acteurs politiques, à quelques mois des élections locales, prévues le 23 janvier 2022. Cela, alors que le dialogue politique initié par le chef de l’Etat avait pour objectif de départ, entre autres, de créer un cadre où tous les acteurs du système politique se sentiraient impliqués par le biais d’un «pacte de stabilité». Hélas, la montagne semble avoir accouché d’une souris, car le climat de suspicion demeure toujours.
Jean Michel DIATTA