Son tweet polémique sur la définition d’un nervi lui a valu un web-lynchage. Mais Gunman Xuman, de son vrai nom Makhtar Fall, est et restera toujours un rappeur engagé au service du peuple, du faible et de l’opprimé. « Je suis toujours un contre-pouvoir. J’agis toujours dans et l’intérêt du peuple. Je défends la population », ressasse-t-il pour lever toute équivoque. Dans cette interview exclusive, Xuman se confie sur ses projets et le blocage du « Journal télévisé rappé » qui avait conquis téléspectateurs et internautes. Entretien !
VOUS AVEZ DISPARU DE LA SCENE MUSICALE. QU’EST-ELLE VOTRE ACTIVITE A PRESENT ?
Mon activité principale est la production musicale et vidéo. Avec Keyti, nous avons mis en place un label du nom de « Natty Dread Entertainment. » Avec le studio, nous faisons beaucoup de productions musicales, nous aidons pas mal de jeunes. Il y a également la partie vidéo et audiovisuelle qui produit aussi des émissions, des vidéos clips. Je passe la majeure partie de mon temps au studio, et parallèlement je bosse sur d’autres chansons.
DITES-NOUS EN QUELQUES MOTS CE QUI VOUS A LE PLUS MARQUÉ DANS LE RAP ?
Disons que le rap, c’est une musique qui a changé ma vie, j’ai commencé quand j’étais assez jeune et le premier groupe que j’ai eu s’appelle « Pee Froiss ». J’ai passé plus de 15 ans de ma vie avec. Avec ce groupe, j’ai eu à partager énormément de souvenirs. Le rap m’a permis de grandir, de connaître le monde, d’apprendre aussi la vie. Il y a beaucoup de choses qui m’ont marqué dans le rap, mais je pense que ce sont les rencontres, lesquelles m’ont permis de trouver l’âme-sœur qu’est mon épouse. Et je trouve que c’est quelque chose de formidable. En gros, je suis parti à la découverte du monde grâce au rap.
QUELLE LECTURE FAITES-VOUS DE LA SITUATION DU RAP ?
Comme le dit l’adage, tout ce qui n’évolue pas régresse. Cela fait une vingtaine d’années que je fais du rap. Il y a des choses qui ont évolué positivement mais tout n’est pas rose. Le rap est resté qu’il est, car ce n’est pas un effet de mode. Je me souviens quand je débutais le rap, je pensais que cette musique ne durerait pas, qu’elle allait juste se faire pendant 1 ou 2 ans mais ce n’est pas le cas. Plus de 25 ans plus tard, j’ai prouvé que le rap est un style de vie, une manière de vivre. Les mentalités ont évolué, il y a plus de jeunes qui en font maintenant un métier. D’ailleurs ils apprennent la musique, les métiers de l’audiovisuel. Bref, ils en font un investissement. C’est pourquoi les jeunes font plus du hip-hop, et réussissent à se nourrir, à nourrir leurs familles, et à avoir une carrière grâce à cette musique. Il y de jeunes entrepreneurs qui sont du hip-hop qui ont réussi à s’imposer avec leur musique au Sénégal et en dehors. Quand on regarde le nombre de vues par exemple sur certaines vidéos, les cachets des artistes hip-hop augmentent de plus en plus. Pour moi, c’est un choix de carrière qui est payant.
VOUS ETES L’INITIATEUR DE JOURNAL RAP ? POURQUOI L’AVEZ-VOUS INTERROMPU ?
A vrai dire, nous n’avions pas les moyens de notre politique, c’est pourquoi nous avions décidé de faire une petite pause parce que nous avions beaucoup d’autres activités en parallèle et ça nous a pris beaucoup de temps (il insiste) de faire le journal rappé chaque semaine. Ce que les gens ne comprennent pas c’est que c’est beaucoup de travail, il y a pleins de choses à faire comme par exemple : regarder l’actualité, la décortiquer, la résumer, écrire les textes qui correspondent à ça, donner son point de vue, faire la musique, le mixage, la vidéo, aller sur les réseaux sociaux, entre autres. Avec le journal rappé, nous mobilisons beaucoup de monde et cela nécessitait énormément de moyens et à un certain moment nous n’avions pas forcément tous ces moyens là pour continuer à produire. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que le journal rappé ne rapporte pas comme le pense certains. Ce que nous dépensons, fournissons en énergie dans le journal rappé ne nous rapporte pas autant, mais par contre, ça nous a rapporté de la notoriété ; ça nous a permis de voyager, de travailler sur d’autres projets. En plus de tout ça, nous avons eu des opportunités que nous n’avions jamais eues dans nos carrières respectives, Keyti et moi. Et donc je dirais que la raison principale est le manque de temps. Cependant l’année dernière, nous avons travaillé sur un projet avec la Ville de Munich pour le biennal de Munich. Ainsi nous avons produit une dizaine d’épisodes portant sur le journal rappé. Mais des épisodes qui étaient destinés à parler de l’Afrique, de son économie, de sa politique, de donner un regard différent de l’Afrique.
ON NE VOUS PAS ENTENDU SE PRONONCER SUR SITUATION QUE TRAVERSE LE PAYS?
La chanson intitulée « NICE » est très politique. Elle parle de la situation du pays et est adressée au Président de la république. Je pense que je n’ai jamais dérogé à ma ligne de conduite à savoir continuer à dire ce que je pense de la gestion du pays. J’ai ma ligne de conduite que je respecte et suis. Je ne suis pas suiveur non plus, je fais les choses comme je les sens et les entends. Quand j’ai l’envie de m’exprimer sur un sujet bien précis, je n’ai pas besoin de l’aval de qui que ce soit pour dire ce que je pense pour donner mon point de vue. Dès que je peux, dès qu’il y a des choses qui se passent et qui m’interpellent, je prends mon téléphone, je commente ou fait une chanson pour donner mon opinion. J’ai récemment participé à une campagne sur l’immigration clandestine suite aux personnes décédées lors des traversées. Là, ce sont des sujets qui sont d’actualités.
D’AUCUNS DISENT QUE VOUS ETES UN CONTRE-POUVOIR. EST-CE LE CAS TOUJOURS ?
Je suis toujours un contre-pouvoir. Comme je l’ai dit, à chaque fois que je fais des interventions, c’est dans l’intérêt du peuple. Je défends la population qui a besoin d’avoir des porte-parole. Maintenant, nous sommes dans une époque où les réseaux sociaux sont très présents. Il y a énormément de bruits et d’agitations dans les réseaux sociaux. Et il peut effectivement arriver que quand nous lançons certains messages qu’il y ait une grande portée. Je suis contre le pouvoir dans la mesure où je continue à écrire et faire des chansons qui puissent parler pour ceux qui n’ont pas forcément accès aux médias. Je continue à jouer ce rôle. Je suis contre le pouvoir dans le sens de ne pas être partisan, d’avoir une certaine lecture assez lucide de la situation du pays. Encore une fois, quand on utilise la musique comme moyen d’expression, il y a beaucoup de risques. On prend beaucoup de risques à dire ce que nous pensons, à donner notre avis sur la situation sociale et économique du pays. Pour ce qui est des risques qu’on encourt, il y a la censure (le fait de ne plus être invité sur certains plateaux, à certaines manifestations). Et parfois, nous sommes obligés de trouver d’autres moyens pour faire passer le message.
ALORS PENSEZ-VOUS FAIRE DES DUOS OU METTRE SUR LE MARCHÉ UN SINGLE
Oui je compte mettre très bientôt sur le marché un single. Il est vrai que je ne sors pas tout le temps des chansons mais je continue à travailler, à écrire et essayer de venir avec une approche différente. Quand on a plus de 25 ans de carrière, on ne peut pas continuer à taper sur le même clou. Du coup, on est obligé, à un certain moment, de changer sa ligne de conduite, venir avec des musiques qui peuvent satisfaire notre public. J’essaie aussi de rester dans l’air du temps, parce que c’est important : le hip-hop est une musique qui se renouvèle très vite et très, très rapidement. On peut passer à côté, passer pour un « has been » si on ne sait pas s’adapter. J’essaie d’adapter ce que je fais, de satisfaire un public qui est vieux de plus de 20 ans, de rester moi-même, mais également de rester le « Xuman créatif » que les gens connaissent.
QUELS SONT VOS PROJETS ACTUELS. ?
Mon projet actuel c’est de faire un album. Je suis en tous cas en train de faire des chansons, de voir comment ces chansons que j’ai faites, compilées peuvent représenter un album. L’idée ce n’est pas simplement faire un album, mais de le défendre aussi, le sortir sur les plateformes nationales comme internationales, monter des tournées. A vrai dire, ça me manque un peu de faire des tournées, d’aller jouer dans certaines villes puis de communier avec le public.
VOS AMIS DE PEE FROISS, QUE SONT-ILS DEVENUS ?
Pee Froiss, comme j’ai l’habitude de la dire, c’est ma première famille, ma famille de cœur. C’est le premier groupe avec lequel j’ai partagé beaucoup de choses et même si ce dernier n’existe plus officiellement, chacun d’entre nous représente le groupe où qu’il soit. Koc 6 vit actuellement en Allemagne, il y fait sa petite carrière mais grâce à la magie d’internet nous sommes toujours en contact. Gee Bayss, lui a monté sa propre structure et donne des cours de scratch, organise des évènements ici à Dakar, disons qu’il forme beaucoup de jeunes dans cet art de Dj. Nous avions discuté à un certain moment de reformer un peu le groupe. Nous sommes en train de travailler sur des projets, mais vu la distance, je ne sais pas quand est-ce que cela pourra se faire, mais j’espère quand même que ça se fera très vite.