L’accession du président Macky Sall au pouvoir coïncide avec la démission de trois magistrats et des problèmes à n’en plus finir au sein de ce corps prestigieux. Selon nos sources, ces démissions ne sont pas fortuites car provenant d’une accumulation de frustrations qui découleraient de la Chancellerie. D’autres départs pourraient même suivre, nous assure-t-on.
L’accession du président Macky Sall au pouvoir coïncide avec la démission de trois magistrats et des problèmes à n’en plus finir au sein de ce corps prestigieux. Selon nos sources, ces démissions ne sont pas fortuites car provenant d’une accumulation de frustrations qui découleraient de la Chancellerie. D’autres départs pourraient même suivre, nous assure-t-on.
Un vent de rébellion souffle au sein de la magistrature. A tout le moins, un vent de frustration. Qu’on le reconnaisse publiquement ou non, un malaise couve au sein de cette auguste corporation. Il y a grogne aussi bien au sein des procureurs qu’au niveau des juges du siège. Selon des sources dignes de foi, et c’est un secret de polichinelle, il existe un véritable fossé entre les anciens et les jeunes magistrats. Pour étayer ses propos, notre interlocuteur nous renvoie à la démission au sein de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) du premier président de la cour d’appel de Kaolack, le juge Ousmane Kane. Ce dernier avait épuisé sa capacité à supporter les «insultes» de jeunes magistrats à l’endroit de la hiérarchie judiciaire.
Opposé à son subordonné Yaya Amadou Dia à propos d’accusations portées par ce dernier contre lui, le teigneux juge Ousmane Kane avait claqué la porte de l’UMS. Yaya Amadou Dia lui-même avait démissionné avec fracas et en pleine audience lors du procès de Karim Wade lorsque le fils de l’ancien président de la République était jugé pour enrichissement illicite. Il protestait contre la manière dont le président Henry Grégoire Diop dirigeait les débats. Mais la démission la plus spectaculaire, c’est sans doute celle du juge thiessois Ibrahima Hamidou Dème qui s’est lancé dans la politique.
Une des raisons de la grogne des magistrats, c’est la non- tenue du Conseil Supérieur de la Magistrature depuis un an. Selon notre interlocuteur, beaucoup de magistrats, qui étaient en détachement, attendent toujours d’être réintégrés sans compter des postes vacants non encore occupés dont le plus emblématique est celui de doyen des juges d’instruction du tribunal régional hors classe de Dakar. Mais surtout, la plus grande source de frustration, celle qui a fait que les juges sont vent debout contre le président de la République c’est la réforme inédite entreprise par ce dernier et instaurant un régime de retraite à la carte, ou à la gueule du client. Selon que l’on sera accommodant avec le pouvoir ou rebelle, on ira à la retraite à 65 an ou 68 ans ! Il suffit pour avoir le droit de bénéficier d’un bonus de trois ans, de courber l’échine pour se retrouver à la tête des bonne juridictions…
Enfin, certains jeunes magistrats rebelles ne veulent plus que la chancellerie se mêle des dossiers qu’ils jugent. Selon l’un d’entre eux, dans plusieurs dossiers, il y a eu la main mystérieuse de l’Exécutif. Si certains ne veulent pas obtempérer, ils sont mis au frigo et ramenés au niveau du ministère. « C’est le cas de beaucoup de jeunes magistrats qui sont affectés au ministère car la Chancellerie n’a pas une mainmise sur eux. C’est pourquoi, les magistrats demandent toujours l’indépendance de la justice » a martelé notre source.
Selon toujours ce dernier interlocuteur, cette immixtion de l’Exécutif est devenue plus patente avec l’avènement du président Macky Sall au pouvoir. « Jamais dans l’histoire judiciaire du pays, on n’a vu autant de dossiers où les hommes politiques sont mis en cause que sous l’actuel président. Or, lorsque la politique entre par la porte, le droit sort par la fenêtre », soutient notre juge.
A l’en croire, si l’on n’y prend garde, beaucoup de jeunes magistrats risquent de quitter le corps. Rien que cette semaine, deux magistrats ont décidé de rejoindre les rangs des avocats où ils se sentent plus libres.
Le Témoin