Depuis son avènement à la tête du pouvoir exécutif, le président Macky Sall peine à asseoir des réformes dans la douceur. En effet, de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales sur l’acte 3 de la décentralisation à la dernière loi sur le terrorisme avec la modification du code pénal et du code de procédure pénal, la démarche de forcing et l’imprécision des rédacteurs des différents textes adoptés sous le régime en place ont toujours été à la base de la discorde entre la majorité et le reste de la société.
S’exprimant mardi 29 juin dernier en marge de la rencontre du comité de pilotage sur la maîtrise des noyades dans les zones de baignade et de traversée par embarcations, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Antoine Félix Abdoulaye Diome a tenu à apporter des précisions surla double modification du code pénal et du code de procédure adoptée en procédure d’urgence par l’Assemblée nationale le vendredi 25 juin dernier. «Il n’y a rien de nouveau par rapport à tout ce qui fait le débat au Sénégal.
Cette disposition qui fait l’objet de débats passionnants existe dans notre Code pénal depuis 2007. J’invite les uns et les autres à aller revisiter la loi 2007-01 du 12 février 2007 ainsi que la loi 2016-29 du 8 novembre 2016. On se rendra compte que tout ce qui fait l’objet de débats autour de cette question existe déjà dans notre Code pénal.
Les modifications qu’on a notées sur l’article 279-1 ne concernent ni les rassemblements encore moins les manifestations», a expliqué le ministre Antoine Félix Abdoulaye Diome dans ses propos rapportés par Sud quotidien dans sa livraison d’hier. Il faut dire que cette sortie du ministre de l’intérieur, magistrat de profession, aux allures d’une véritable opération de sauvetage après le déluge provoqué par le vote du Projet de loi n°10/2021 modifiant la loi n°65- 60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et le Projet de loi n°11/2021 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale, n’est pas une première sous le régime en place qui semble même devenir un adepte des réformes aux forceps.
En effet, depuis son avènement à la tête du pouvoir, le président Macky Sall a toujours tendance a privilégié le forcing dans ses projets de réformes des textes fondamentaux. Nonobstant les répercussions importantes sur le fonctionnement des institutions, la vie sociale et politique, le processus de vote de la plupart des réformes majeures qu’il a fait adopter à l’Assemblée nationale, ont été plutôt marquées par un empressement et/ou une démarche unilatérale, le tout accompagné souvent par une communication non maitrisée des responsables de son régime autour de ces changements. Il en est ainsi entre autres, lors de l’adoption de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales sur l’acte 3 de la décentralisation.
Réforme majeure qui envisage d’«organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022», l’acte 3 de la décentralisation a souffert et continue de souffrir aujourd’hui du déficit de débat entre les différents acteurs de la décentralisation au moment de son adoption en procédure d’urgence le 28 décembre 2013. Résultats : plusieurs collectivités territoriales sont aujourd’hui dans une impasse totale parce que se retrouvant sans ressources économiques pour financer leur propre développement.
Autres cas de réforme majeure qui a été plombée par la démarche de forcing de l’actuel chef de l’Etat, est sans doute le référendum du 20 mars 2016. Très attendu par les Sénégalais en ce sens qu’il devait matérialiser certaines propositions de réformes annoncées dans la charte de bonne gouvernance des assises nationales et les conclusions de la Commission nationale de réformes des institutions (Cnri) mise en place par l’actuel chef de l’Etat, ce référendum a été finalement marqué par le forcing du chef de l’Etat qui n’a pas privilégié de larges concertations autour des quinze points retenus.
Conséquences : la conjugaison de ce facteur d’absence de concertation entre différents acteurs de la vie nationale sur ces réformes avec l’imprécision dans la rédaction de certains points comme ceux relatifs à la reconnaissance de «nouveaux droits aux citoyens» ou encore la question de la restauration du quinquennat, a fini par diviser la société sénégalaise en deux camps protagonistes autour de ce texte qui est finalement adopté avec 62.54% des voix pour le OUI contre 37.44%. Au-delà de ces réformes adoptées aux forceps par le président Sall et son régime, il y a également les multiples modifications unilatérales du code électoral.
Nandou Cabral GOMIS