La polémique à propos du projet de loi portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale sur le terrorisme, adopté vendredi dernier par l’Assemblée nationale, demeure un sujet très controversé chez les Sénégalais. La forme comme le fond de cette loi font craindre la restriction des libertés. Une crainte « tout à fait fondée », selon le professeur agrégé de droit, Samba Thiam et ancien directeur de l’Institut des Droits de l’homme et de la paix (Idhp. Ce dernier confie que «de plus en plus, la loi gagne du terrain, pénètre notre vie et porte atteinte à nos droits fondamentaux, nos libertés fondamentales ». Vu sous cette angle, les craintes concernant cette loi deviennent légitimes.
Dans cette nouvelle loi, l’absence de définition exacte du terme « terrorisme » alimente la polémique. La loi semble imprécise à ce propos. « Dans ce texte, je ne vois pas la définition du mot « terrorisme ». Le législateur n’a pas essayé de le définir », constate le Pr. Samba Thiam. Poursuivant, il affirme que « c’est de poser des actes, de définir des comportements qui pourraient être qualifiés d’actes terroristes. Ce n’est pas une spécificité sénégalaise. C’est partout dans le monde. C’est très difficile de dire ce qu’est le terrorisme », explique le juriste.
Avec cette nouvelle loi, l’association de malfaiteurs est confondue avec trouble à l’ordre public, mais aussi avec le qualificatif de terrorisme. Sur ce point, l’ancien directeur de l’Institut des Droits de l’homme et de la paix (Idhp) indique : « L’association de malfaiteurs est une notion qui a toujours existé dans le Code pénal. Ce que j’ai vu dans cette nouvelle loi, c’est d’avoir qualifié, considéré une association de malfaiteurs, un trouble à l’ordre public et les menaces à des actes terroristes ». Il estime que c’est « tout à fait normal qu’un attroupement, un phénomène assez collectif qui va dans le sens de troubler l’ordre public, soit réprimé ».
D’ailleurs, signale-t-il, la loi est là pour protéger notre société. Mais doit-on en arriver à qualifier ces troubles à des actes terroristes ? D’après le Pr. Thiam, c’est au juge d’apprécier.
Selon le juriste, il n’y avait pas possibilité d’engager la responsabilité pénale des personnes morales. « Le principe a été posé depuis très longtemps ; l’histoire nous l’enseigne. Maintenant, la loi vient donner la possibilité de faire sanctionner une personne morale, c’est-à-dire un groupement. C’est une bonne chose, à mon avis », confie-t-il. En d’autres termes, un leader politique qui dirige une manifestation qui dégénère peut se retrouver avec ce qualificatif de terrorisme dans le dos, parce qu’il est la personne morale.
« Même quand on est arrêté et poursuivi, il faut qu’il y ait une possibilité de démontrer l’imputabilité. En quoi je suis responsable de ce qui est arrivé ? Je crois qu’une enquête doit être menée. S’il y a une relation entre ce qui s’est passé, si c’est votre instigation, si c’est vous qui avait poussé, si ce sont vos ordres… On peut bien évidemment vous poursuivre. Mais on ne peut pas poursuivre comme ça, spontanément ».