« Une opposition forte va virer de Dakar-Plateau ce piètre maire nommé Alioune Ndoye »
Natif de Dakar-Plateau, Cheikh Ahmed Tidiane Sall est le coordinateur de l’opposition sénégalaise en France. Conseiller municipal à la mairie de Dakar-Plateau, il est également coordinateur du Front pour le départ de Macky Sall (Fdm) regroupant plusieurs partis politiques et mouvements citoyens à Paris. A travers cette interview exclusive, il se démarque de certains dignitaires de la Collectivité Lebou et manœuvre pour un candidat d’une opposition forte dans le but de virer le très contesté maire de Dakar-Plateau, le ministre Alioune Ndoye.
Le Témoin : Comment un coordonnateur de l’opposition en France, vous en l’occurrence, peut-il avoir disparu si subitement de la circulation alors qu’il était pourtant très présent dans les médias ?
Cheikh Tidiane Sall : D’abord, permettez-moi de rappeler que je suis aussi le coordinateur du Front pour le départ de Macky Sall (Fdm) à Paris. C’est un cadre voire une plateforme qui regroupe des partis politiques et mouvements citoyens, à savoir le Pds, le Ps ou Taxawu-Senegal avec Khalifa Sall, Bok Guiss-Guiss, Démocratie Républicaine d’Aguibou Soumaré, la République des valeurs, Tekki, la société civile avec Bengelloun, Daffa Djott, Frapp France dégage et autres. Vous voyez, la liste n’est pas exhaustive ! Pour revenir à votre question, je tiens à préciser qu’au sortir de l’élection présidentielle de 2019, nous avons subi une déception énorme à la suite de la défaite de notre candidat Idrissa Seck. J’étais le coordinateur de la coalition « Idy 2019 » en France. Naturellement, j’avais du mal à me remettre de cette défaite puisque nous avons dépensé beaucoup de nos propres moyens constitués de cotisations pour battre la campagne partout en France. Comme durant tout lendemain de défaite amère, j’avais pris volontairement le choix du silence et du repli politique tactique. Un recul politique provoqué également par des soucis d’ordre privé. Donc, il me fallait lâcher du lest du côté de l’engagement politique et citoyen. A travers cet entretien dans les colonnes du « Témoin », je vous annonce mon retour dans l’arène politique pour sauver ma ville natale qu’est Dakar-Plateau des mains d’imposteurs…
D’imposteurs ? Nous y reviendrons ! Mais comment se porte l’opposition sénégalaise en France?
Je crois qu’il ne faut pas faire dans la langue de bois, les gens me connaissent par rapport à une certaine franchise. On ne peut pas nier les problèmes internes au niveau des composantes du Fdm et de l’opposition qui entravent la bonne marche du cadre de lutte. Sans oublier les tentatives vaines d’un petit groupuscule en mal de reconnaissance politique qui voulait s’accaparer de la coordination, mais suite à l’échec de ses animateurs, ils ont quitté le navire. Ce serait malhonnête de ma part de ne pas assumer une partie de la léthargie du fonctionnement du Fdm. Jai tenté de me faire remplacer, mais avec le Covid, cela n’a pas pu aboutir. Souhaitons que les parties prenantes aillent s’organiser au sein du Fdm pour un nouveau souffle afin de faire repartir la machine de guerre. D’ailleurs, j’en ai discuté avec certains responsables pour qu’on puisse convoquer une réunion visant à trouver les voies et moyens de la mise en place d’une nouvelle dynamique. Justement, je saisis l’opportunité de cette interview qui m’est offerte pour remercier toutes ces femmes et ces hommes qui m’ont toujours fait confiance contre vents et marées.
On dit que vous avez été viré de la tête de la coordination de l’opposition en France ! Donc comment avez-vous manœuvré pour revenir ?
Non, je suis désolé, personne ne m’a viré de cette coordination ! C’est moi qui avais démissionné sous le coup de la colère. Et cette démission n’a jamais été acceptée par les responsables et militants de l’opposition sénégalaise de France. Juste pour vous dire que ma démission avait fait l’objet d’un rejet massif par la majorité des membres. Et ce refus de me laisser partir a été confirmé au cours d’une réunion par vidéoconférence avec 40 participants-responsables dont 35 ont voté pour me reconduire à la tête de l’opposition en France. Cette marque de confiance venant des autres est la meilleure des reconnaissances et cela n’a pas de prix.
On s’achemine vers les élections locales en janvier prochain. Êtes-vous candidat à la mairie de Dakar-Plateau ?
Etre maire n’a jamais été une fin en soi pour ma modeste personne, je ne suis pas venu dans la politique par hasard. Je suis né à Dakar-Plateau dans une maison renfermant une gorgée d’histoires politiques. Et j’ai en mémoire encore la phrase de ma voisine en ces termes : « Vous, dans votre maison, vous apprenez à dire non avant de savoir marcher ». Permettez-moi de vous rappeler qu’en 2009, nous étions un groupe de cinq personnes parmi lesquelles mon frère Djiby Sylla et Berthé à aller à la conquête de la commune de Dakar-Plateau. Cette année là, nous avons engrangé plus de 800 voix au milieu des deux grandes coalitions Sopi et Bss. Ces deux mastodontes ne tournaient guère qu’aux alentours des 3.000 voix. En 2014, je suis revenu en force en constituant ma propre liste. Malheureusement, je n’ai pas pu être présent pendant la campagne électorale. Et pourtant, nous avions réussi à obtenir, mes camarades et moi, 383 voix à cause d’une erreur de casting de la part de mon mandataire qui s’était trompé sur la constitution de notre liste en me mettant en tête de la proportionnelle, ce qui a fait de moi un conseiller municipal de Dakar-Plateau. C’est juste un rappel pour mieux vous convaincre que je ne suis pas obnubilé par le poste de maire. A quelques mois des prochaines locales, mon objectif est de rassembler et fédérer toutes les forces politiques de l’opposition au sein d’une de coalition de feu dans Dakar-Plateau. D’ailleurs, certains leaders de l’opposition m’ont choisi dans ce sens. Maintenant, il reste à convaincre d’autres leaders de partis politiques à nous rejoindre dans ce combat. Et le moment opportun, l’opposition désignera un candidat pour Dakar-Plateau. Quel que soit le profil du candidat, je crois toujours aux vertus du collectif car « On vit et on meurt ensemble ! »
Pensez-vous pouvoir détrôner le maire Alioune Ndoye ?
(Rires) Le terreau est fertile pour gagner, car le maire actuel, après deux mandats et près de douze années à la tête de la commune, ne peut présenter qu’un bilan calamiteux. Comme l’ont si tristement constaté toutes les populations de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye a échoué à faire renaître le Plateau. Donc, le bon sens voudrait qu’il s’en aille ! D’ailleurs, je me demande comment le président Macky Sall a-t-il pu nommer ministre quelqu’un qui est techniquement et politiquement limité comme Alioune Ndoye. Mais cela se comprend dès lors qu’Alioune est nommé par quota (Ndlr, c’est le Ps, parti allié qui l’a désigné) et non du fait de sa compétence. Allez visiter le ministère des Pêches et de l’Economie maritime, vous y verrez de brillants technocrates voire d’excellents conseillers techniques compétents et chevronnés qui font pratiquement tout à sa place. Ce sont ces hauts fonctionnaires-là qui méritaient d’être promus. Dommage qu’au Sénégal, on politise certains ministères clés et stratégiques qui devaient être le fer de lance de notre économie. Comme tout habitant de Dakar-Plateau, j’estime que détrôner Alioune Ndoye sera une promenade de santé pour l’opposition. Dans ce sens, j’ai eu à discuter avec certains leaders de l’opposition et du Frn (Front de résistance nationale). Et nous ferons bloc afin de créer une dynamique unitaire au niveau des locales pour virer ce piètre maire Alioune Ndoye de Dakar-Plateau. Je prends l’opinion nationale et les lecteurs à témoin, Dakar-Plateau et Ville de Dakar auront de nouveaux maires issus des rangs de l’opposition le 22 janvier prochain.
Que pensez-vous justement des deux candidats investis par la Collectivité Lebou à savoir Alioune Ndoye et Diouf Sarr ?
(Rires) Vous savez, l’Imam Samba et le Grand Serigne Abdoulaye Makhtar Diop qui les ont désignés sont nos « Kilifeu ». Non seulement, ils sont de hauts dignitaires religieux et coutumiers, mais aussi ils symbolisent le respect, la dignité et fierté de la collectivité lebou. Que Dieu leur donne longue vie et santé pour qu’ils puissent encore nous guider et nous bénir. Malheureusement, je suis désolé de dire que le choix d’un maire ne se fait pas au sein d’une communauté sociale ou religieuse puisque nous sommes en politique. D’ailleurs, je vais vous raconter une anecdote : en 2014, j’étais allé voir l’Imam pour qu’il bénisse ma candidature. Ce jour-là, il m’avait très bien reçu en tenant dans sa main mon prospectus de campagne surlequel figurait ma photo. Après avoir examiné le document, l’Imam m’avait dit ceci : « C’est bien d’avoir des ambitions, mais Cheikh, ce n’est pas encore le bon moment ! » avait-il estimé. Je profite de cette occasion pour saluer l’Imam au passage. Et avant les élections prochaines, j’irai lui demander si le bon moment pour moi est arrivé ou pas ? Ce même s’il a déjà fait son choix. Pour la petite histoire, j’ai la chance d’être issu de l’ethnie Halpulaar par le biais de mon père et lebou de par ma défunte mère. Et je suis fier de ce métissage ethnique qui est l’avenir de l’humanité…
Si Cheikh Sall est élu maire de Dakar-Plateau, quelles seraient ses priorités ?
Moi ! Amine…Si par la grâce de Dieu et le soutien de l’opposition, je suis élu maire, je ferais de l’emploi une sur-priorité car ne sont pas les opportunités de créer des milliers d’emplois qui manquent. Le Plateau est une commune qui reçoit un million de personnes par jour, c’est quasiment une île. Mieux, Dakar-Plateau est le siège de grandes multinationales et institutions qui sont des vecteurs de création d’emplois. Avec mon équipe, nous ferons de la Santé, l’Education et de l’Economie également des priorités. Sans oublier le Sport qui est un maillon incontournable du développement.
Comment un membre fondateur de l’Apr en France, comme vous, est-il si radical contre le régime de Macky Sall ? Pourquoi avez-vous quitté le parti du président ?
Je n’étais pas uniquement membre fondateur de l’Apr en France. J’étais aussi responsable de l’Apr à Dakar-Plateau. Juste pour rappeler que je suis le principal artisan de la victoire du président Macky Sall au Plateau en 2012. A preuve, les deux autres responsables ayant bénéficié des retombées de cette victoire sont Salif Keita et René Pierre Yehoume qui est mon neveu, il était à Londres. A l’époque, pendant trois mois, j’ai déserté mon travail en France pour venir battre campagne à Dakar. Sans compter les autres jours où je retournais en France pour y présider des meetings et des tournées de campagne avant de revenir encore à Dakar. Je connais très bien la sociologie de ma commune de Dakar-Plateau et ses coins et recoins abritant des niches de voix. En 2012, je suis allé chercher ces voix pour faire élire Macky Sall. Ce, malgré le manque de moyens. Parfois, je quémandais des sandwiches dans les restaurants et « chawarmas » de Dakar-Plateau pour les distribuer aux jeunes de mon équipe de campagne. Donc si j’ai quitté l’Apr de Macky Sall, c’est parce que je me sentais ostracisé. J’avais attaqué Alioune Sall dans le dossier Petrotim et beaucoup de cadres hypocrites m’en avaient voulu jusqu’à me dire ouvertement ceci « Tu oses attaquer le frère du président, tu n’auras pas de poste ! ». Face à cette situation inconfortable, j’ai quitté l’Apr pour prendre mon destin politique en mains. Certes, quand on fait de la politique, il faut savoir avaler des couleuvres. Mais parfois, on du mal à les avaler dans la vérité…
Selon nos informations, des responsables de l’Apr manœuvrent pour vous enrôler dans la mouvance présidentielle en vue des prochaines élections locales et législatives. Est-ce vrai ?
C’est faux ! C’est une fausse information pour torpiller notre future coalition….Il est vrai qu’en 2019, bien avant la présidentielle, certains responsables de l’Apr avaient tenté de me faire revenir dans ce parti, mais j’avais déjà donné ma parole à la coalition « Idy 2019 ». Et je n’ai aucun regret d’avoir porté le drapeau de cette coalition malgré la défaite. Ironie du sort, dernièrement, j’avais entrepris des démarches pour rencontrer Idrissa Seck juste pour le saluer. J’ai envoyé un message à son directeur de cabinet, il n’a pas daigné me répondre. Je le rappelle, il ne décroche pas. Pire, je contacte le responsable du parti Rewmi en France, il me dit être incapable de me trouver un rendez-vous tout en faisant le mort. Vous voyez comment l’homme-politique est ingrat dès son accession au pouvoir ou au mini-pouvoir ! Bref, la leçon qu’il faut tirer de cela, c’est que les leaders en général sont très mal entourés avec des collaborateurs méchants, jaloux et ingrats comme leur mentor. Heureusement que j’ai mon travail en France et je gagne très bien ma vie. Parfois, il m’arrive même de dire que la politique est une épine dans le pied qui a ralenti ma course dans la vie professionnelle. Mais que faire, j’ai la politique dans le sang !
« Le Témoin » quotidien