« L’annonce arrive bien trop tard… pour un parti à bout de souffle»

par pierre Dieme

PR JEAN CHARLES BIAGUI DE L’UCAD SUR LE «RETRAIT» DE MOUSTAPHA NIASSE DE LA TETE DE L’AFP

Le retrait annoncé par le président Moustapha Niasse de la tête de sa formation politique, l’Alliance pour la République (Afp), le mercredi dernier lors de la célébration de la 22ème édition de son appel du 16 juin 1999, «arrive bien trop tard». C’est en tout cas la conviction du professeur Jean Charles Biagui, enseignant en Sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Dans cet entretien accordé à Sud Quotidien, sur les enjeux de cette décision historique, le Pr Biagui argue que non seulement « L’annonce du retrait arrive au moment où l’Afp n’est que l’ombre d’elle-même », mais qu’il a « le sentiment que le parti qui est à bout de souffle ne survivra pas à l’après-Niasse ». Pour la simple et raison, selon lui, que « L’Afp est dépourvue de personnalités dont le charisme, la popularité et l’envergure nationale peuvent faire la différence… ».

Comment interprétez-vous cette décision du président Moustapha Niasse de quitter la direction de l’Afp ?

Le retrait annoncé du président Moustapha Niasse à la tête de l’Afp aurait eu plus d’intérêt en 2012, après son échec à la présidentielle. Le symbole aurait été plus fort à 73 ans dont 30 au plus haut sommet de l’Etat. L’annonce du retrait arrive au moment où l’Afp n’est que l’ombre d’elle-même. Ce parti ne représente plus grand-chose sur l’échiquier politique national même s’il compte des élus. Il dispose de peu de personnalités politiques de premier plan. L’Afp est devenu un parti satellite de l’APR. Suivre la mouvance présidentielle ne peut pas constituer une offre politique. L’annonce de Niasse arrive bien trop tard. L’histoire ne retiendra pas forcément cet événement qui n’a d’ailleurs pas un grand sens sans un retrait total de la vie politique à plus de 80 ans.

Ce départ annoncé de Niasse ne risque-t-il pas d’annihiler pour longtemps les chances de l’AFP d’arriver à la magistrature suprême ?

Dans l’immédiat, l’Afp n’a pas une offre politique à proposer comme je l’ai précédemment indiqué. Même si cela changeait, le parti est dépourvu de personnalités dont le charisme et la popularité peuvent faire la différence dans l’éventualité d’une hypothétique candidature à la prochaine présidentielle. J’ai d’ailleurs le sentiment qu’il ne survivra pas à l’après Niasse. Je veux dire par là qu’il va certainement continuer d’exister officiellement mais sans substance et consistance réelles. Ce qui est déjà le cas. La personnalisation du pouvoir, l’inexistence d’un projet politique indépendant de Niasse ne permettront pas une vie après lui. Il faut reconnaître que c’est une constante dans les partis politiques sénégalais. Le Ps après Abdou Diouf, le Pit après Amath Dansokho, la Ld après Abdoulaye Bathily pour ne citer que ces partis. Les formations politiques sénégalaises connaissent un défaut d’institutionnalisation qui ne fait pas grandir notre démocratie.

Ce départ programmé du «père fondateur» ne peut-il pas aussi fragiliser davantage cette formation, surtout après la moins-value Malick Gakou et Cie?

On ne parlerait déjà plus beaucoup de l’Afp sans sa présence dans les arcanes du pouvoir. Le parti est à bout de souffle depuis plusieurs années déjà du fait de choix politiques hasardeux et inconsistants dont le seul intérêt est de parvenir a une mainmise totale de l’appareil du parti au profit de son chef. Je ne suis même pas sûr que la présence de Gackou et des autres allait davantage crédibiliser le parti. L’Afp a été créée pour servir un homme dont les ambitions ne pouvaient plus s’exprimer devant celles d(Ousmane Tanor Dieng au Ps.

Ce départ annoncé du président Niasse de la tête du parti peut-il être assimilé à une retraite politique?

On peut difficilement parler de retraite politique puisque Moustapha Niasse est toujours au sommet de L’Etat. Il est plus facile pour lui de renoncer à un appareil politique en grande perte de vitesse que de renoncer a l’une des stations les plus juteuses de notre architecture institutionnelle malgré le poids de l’âge. Je considère qu’il est impératif de proposer une limite d’âge pour les postes électifs et nominatifs afin de faciliter le renouvellement des élites. Nous avons malheureusement une élite politique fermée.

Ce départ annoncé sonne-t-il la fin du dernier ou des derniers mohicans de la scène politique au Sénégal?

Il faut espérer que les leaders politiques ne puissent pas s’éterniser dans les appareils de direction de leurs partis respectifs. Mais j’ai bien peur que cette logique de contrôle des structures partisanes ne résiste au temps. La culture démocratique est encore faible au Sénégal. Le régime politique sénégalais ne permet pas non plus d’éviter une concentration excessive du pouvoir entre les mains d’un individu, tellement les institutions politiques et même sociales sont personnalisées et centralisées.

Qui voyez-vous comme potentiel successeur du président Niasse?

L’Afp est dépourvue de personnalités dont le charisme, la popularité et l’envergure nationale peuvent faire la différence dans l’éventualité d’une hypothétique candidature à la prochaine présidentielle. Le parti peut choisir d’inscrire dans la durée sa proximité avec l’Apr. Ainsi, dans un avenir proche, dans le cadre des prochaines consultations électorales, il pourrait choisir la solution de facilité et de prudence en s’alliant aux Républicains. Dans les rapports de forces politiques actuels, il faut se résoudre a l’évidence et admettre que ce qui reste du Ps, du Pit, de l’Afp ne pèse pas lourd l’échiquier politique.

NANDO Cabral GOMIS

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