Laurent Gbagbo est attendu en Côte d’Ivoire ce jeudi 17 juin 2021. Près de dix ans après son extradition à La Haye où il a été acquitté des charges qui pesaient contre lui en mars dernier, l’ancien président s’apprête donc à fouler le sol de son pays. Un événement attendu de pied ferme par ses partisans.
Ce mercredi matin, il n’y a pas d’agitation particulière aux alentours de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Des taxis et des familles attendent les voyageurs, le déploiement sécuritaire n’est pas différent de d’habitude. Rien ne permet d’imaginer que dans un peu plus de 24 heures, les partisans de l’ancien président viendront accueillir au pavillon d’honneur celui qu’ils attendent depuis maintenant dix ans.
Parmi ces impatients, il y a Francis. Assis à la terrasse d’un maquis de Yopougon, une commune d’Abidjan connue pour être un fief du FPI, le parti de l’ex-chef de l’État, ce militant de toujours a le sourire aux lèvres et se dit prêt pour demain. « Dès 5h, moi je serai à l’aéroport. Je ne peux pas manquer ça. » Et il ajoute s’être bien équipé pour le grand jour. « J’ai un tee-shirt Gbagbo, un pantalon Gbagbo, j’ai même un chapeau Gbagbo. »
« On attend le fils du pays »
À une centaine de mètres du maquis, la petite entreprise de Romaric tourne en effet à plein régime. Cet infographiste fait principalement des pagnes ou des vêtements personnalisés. Il a ces derniers jours reçu une importante commande pour des tee-shirts aux couleurs de l’ancien président. Devant son échoppe, plusieurs modèles à l’effigie de Laurent Gbagbo sont à vendre. Dans son stock, plusieurs dizaines d’autres attendent que l’on vienne les chercher. L’objectif pour tous les militants, c’est d’avoir le bon équipement pour ce jeudi 17 juin.
« Demain, ce sera un jour de fête, c’est un messie qui arrive, explique un militant. Il faut aller l’accueillir massivement. Ça faisait longtemps que l’on attendait ce jour. On attend le fils du pays. Moi, demain à 5h, je suis déjà prêt à décoller pour l’aéroport. » À ses côtés, Anderson s’attend à « un jour inoubliable. Je suis vraiment content, on attend notre président pour la réconciliation. Pour que notre paix soit vraiment en paix. »
Des bus viendront chercher les partisans à Yopougon. Avec un mot d’ordre répété en boucle lors des réunions préparatoires de ces derniers jours : « Pas de colère, c’est un jour de joie, pas de provocation. » C’est un jour de fête, insiste encore ce responsable des jeunesses du FPI de Yopougon, « on veut du calme ». Le parti tient à éviter tous débordements.
« Le chaînon manquant de la réconciliation »
Une consigne qui sera dite et redite aux militants qui monteront dans les bus prévus pour emmener la foule aux différents endroits stratégique où doit passer le cortège. Lucien ne sait pas encore où il se trouvera pour applaudir l’ancien président, mais une chose est sûre, il n’en peut plus d’attendre : « Je suis extrêmement content, car depuis longtemps le peuple ivoirien attendait ce jour. C’est le chaînon manquant dans le processus de réconciliation. C’est un modèle pour les Ivoiriens et pour toute l’Afrique. Nous souhaitons qu’il reprenne son bâton de pèlerin et qu’il continue la politique. »
Comme une réponse aux demandes de ses partisans qui attendent son retour en politique, c’est au siège de son parti le FPI que doit se rendre Laurent Gbagbo après son arrivée à Abidjan. Et pas n’importe quel siège : celui situé dans le quartier d’Attoban et qui, tout un symbole, n’était plus utilisé depuis dix ans. Depuis plusieurs jours, une équipe s’active pour remettre le bâtiment en état. Le mur d’enceinte est fraîchement repeint et à l’intérieur le bureau du président est déjà en place. Steve fait partie de ceux qui y travaillent depuis plus d’une semaine. C’est avec fierté qu’il nous fait visiter les lieux et nous emmené dans les salons et salles de réunion où les meubles sont encore emballés.
Des premiers mots attendus
Dans le jardin, il manque encore les chaises et les tentes qui abriteront les festivités de jeudi. Et c’est du pupitre que Laurent Gbagbo devrait tenir son premier discours. Mais avant d’en arriver là, c’est une course contre la montre pour Steve : « Ça fait une semaine que l’on n’arrête pas. Demain, il faut que tout soit terminé. On ne va pas dormir cette nuit. »
Ces premiers mots de l’ancien président sont très attendus. Hormis une interview à la chaîne TV5 Monde il y a quelques mois, Laurent Gbagbo est resté silencieux ces dix dernières années. Une période difficile pour Francis qui attend beaucoup de ce retour : « Je vais le voir, car si je ne le vois pas, je vais mourir. Notre pensée, c’est la pensée de Laurent Gbagbo. Quand je dors, c’est Laurent Gbagbo. Mon sang, c’est Laurent Gbagbo. »