Tournée Présidentielle : les gros bras du palais indisposent les forces de défense et de sécurité…

par pierre Dieme

Ils sont baraqués, portent des accoutrements qui ressemblent à ceux des forces de défense et de sécurité et appartiennent à la milice privée qui escorte le chef de l’Etat, dans son périple dans le Nord. Ils sont aussi à l’origine de nombreuses exactions sur les populations et de nombreux incidents avec les forces de l’ordre qui alertent sur les dangers de leur présence dans le dispositif de maintien de l’ordre.

Lors des évènements de février-mars derniers, les populations avaient dénoncé avec véhémence le recrutement de gros bras et autres nervis par le régime pour mater les manifestants. Certains responsables du régime avaient botté en touche, en soutenant qu’ils s’agissaient de membres des forces de défense et de sécurité (FDS) en civil. La tournée économique du chef de l’État Macky Sall dans le Nord, depuis quelques jours, montre le contraire. Elle vient mettre à nu de ‘’dangereuses’’ pratiques qui commencent à indisposer les forces de défense et de sécurité régaliennes.

En effet, soulignent des sources, le recours aux gros bras et aux nervis est devenu systématique, partout où il y a des velléités de contre-manifestations. Pire, renseignent nos interlocuteurs, ces nervis ou milices privées se déplacent avec les moyens de l’Etat, achetés avec l’argent du contribuable.

C’est le cas à Saint-Louis où ils sont une centaine, éparpillés dans deux 8×8 et un bus de la présidence de la République. Ils marchent sur les plates-bandes des forces de l’ordre qui essayent d’assurer le service d’ordre. De ce fait, des problèmes et des altercations qui pourraient, à l’avenir, avoir de graves conséquences, ont été notés, lors du passage du président Macky Sall, à Saint-Louis ce 12 juin.

Selon nos interlocuteurs, ces gros bras étaient parfois aussi nombreux que les policiers. Une source relève qu’il était, tout d’abord, difficile de les distinguer des éléments de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) et ceux du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), car ils avaient presque le même accoutrement, en plus d’être à bord des pick-up de la présidence.

‘’Certains de ces nervis possèdent effectivement des pistolets, sans autorisation de port d’arme’’

Ainsi, souligne-t-on, beaucoup d’incidents ont été relevés, ce 12 juin. Le premier a eu lieu avec le commandant de la compagnie de gendarmerie de Saint-Louis, à hauteur de la Maison de l’île. Le capitaine, dit-on, qui n’en pouvait plus, est descendu de son véhicule pour les sermonner. Le commissaire central de Saint-Louis, de son côté, a dû aussi hausser le ton pour se faire entendre, à cause des violences, menaces et exactions sur les populations.

Les nervis avaient, sur l’avenue Général De Gaulle, bloqué, avec leurs gros véhicules, la circulation, alors que c’est par-là que le président de la République devait repartir et qu’il fallait mettre de l’ordre. ‘’Les échanges entre eux et le commissaire central de Saint-Louis étaient vifs et tendus. Ils ont fini par libérer la voie, en avançant leurs voitures. Mais plus loin vers le commissariat central, un nouvel incident les a opposés à des policiers disposés dans le jalonnement. Les gros bras voulaient intégrer le dispositif, ce à quoi se sont farouchement opposés les policiers’’, explique notre interlocuteur.

Plus tard, une dame a expliqué, dans une radio locale, avoir été malmenée par ces gros bras, parce qu’elle détenait un brassard rouge. Pire, elle a confié que certains détenaient des pistolets.

Des propos corroborés par d’autres sources qui renseignent : ‘’Certains de ces nervis possèdent, effectivement, des pistolets et sans autorisation de port d’arme. Ce qui est extrêmement dangereux et pourrait être à l’origine de ce que nous appelons communément une bavure policière. Ces cas de violence vont gratuitement être exercés sur des citoyens, simplement parce qu’ils ont exprimé leur sentiment. A Pikine, et plus précisément au niveau de l’angle Tall, des personnes ont été malmenées, parce qu’elles scandaient le nom d’Ousmane Sonko. D’autres ont été frappées, parce qu’ils ont brandi des brassards rouges.’’

L’autre conséquence, poursuivent nos interlocuteurs, ce sont les risques de confrontation avec la police ou la gendarmerie, exclusivement en charge comme toujours du service d’ordre et de sécurité dans ce pays. ‘’Tout le monde voit tout et personne ne dit rien. Nous sommes convaincus que, tôt ou tard, cette alerte va sonner la fin de la récréation de cette situation qui risque de créer de graves incidents dans le futur, si on n’y prend pas garde. On ne sait pas jusqu’où cela peut aller. Si jamais ils font des morts, les gens vont accuser les FDS. Pire, aucune hiérarchie policière, ni de la gendarmerie n’a pipé mot sur cette affaire sur des civils qui sont armés et qui entravent le travail des professionnels de la sécurité. Le danger nous guette. Au moins, nous allons alerter’’, ajoutent avec pessimisme nos interlocuteurs.

Contacté par ‘’EnQuête’’, le patron de la police de Saint-Louis n’a pas souhaité se prononcer sur ces incidents. Le commissaire central Mamadou Tendeng a tout simplement déclaré avoir réussi le service d’ordre et de sécurité durant le séjour de Macky Sall, dans cette vieille ville.

Enquête

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