Le Directeur exécutif d’Amnesty international section Sénégal était, ce samedi, l’invité du Grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi Fm, Seydi Gassama puisque c’est de lui qu’il s’agit est revenu sur la mort d’Abdou Faye, présumé complice de Boy Djiné mort au commissariat central, la situation des droits humains au Sénégal, entre autres, sujets. Morceaux choisis.
Le 23 juin sera célébré bientôt. A votre avis que reste-t-il de ce combat?
Pas grand-chose. Dès que le régime actuel est venu au pouvoir, il n’avait plus besoin du M23. Ce mouvement a été repris par Mbodji qui faisait un excellent travail. Mais quand il a commencé à parler de patriotisme économique, je lui ai dit que vous aurez des problèmes avec vos camarades du pouvoir. Le patriotisme signifie qu’il faut donner les marchés aux entreprises sénégalaises. Il faut accorder la préférence nationale alors que le régime n’était pas dans cette logique-là. Évidemment, ils ont trouvé le moyen de le pousser à la sortie. Depuis lors, le M23 n’est qu’une coquille vide (…). Vous savez ces gens ce qui les intéressent c’est d’arriver au pouvoir et d’avoir des prébendes. Certaines de ces personnes ont tout le temps évolué dans les sphères du pouvoir (PS, AFP,…). Ce sont des hommes d’appareil et quand ils ont l’appareil du pouvoir entre leurs mains ils ne pensent plus à autre chose. Ils pensent à gérer cet appareil-là. Tout ce qui peut gêner le rapport avec les partenaires traditionnels de l’Etat devient encombrant.
Vous avez suivi l’actualité avec la mort d’Abdou Faye au commissariat central. Comment quelqu’un peut-il se pendre alors qu’il est en garde à vue ?
C’est la question que tout le monde se pose. Parce qu’une personne qui est en garde à vue est supposée être à la vue de la police. La police la garde le temps de la déférer au procureur. C’est très rare de voir les cellules de sûreté qui ne sont pas en face du poste de police. Rarement les toilettes qui sont dans ces cellules de Sûreté ont une porte. Donc, ce qui s’est passé intrigue tout le monde. Comment est-ce qu’un détenu peut-il entrer dans une toilette y rester tout le temps qu’il faut pour se suicider avec un filet de pêche utilisé pour se laver. Ce filet n’avait rien à faire dans ces toilettes s’il a existé. Parce que quand vous entrez dans le violon on vous enlève tout. Tout objet que vous utilisez pour vous faire du mal on vous l’enlève. Donc, la police ne peut pas convaincre les Sénégalais qu’il y’a eu un suicide dans ces lieux. Ensuite, on dit que ça a été découvert au petit matin par la femme de ménage. Mais c’est encore beaucoup plus grave. Soit ils ont fait preuve de négligence soit le détenu est mort pour d’autres circonstances.
Mais le rapport d’autopsie a confirmé le suicide?
Au Sénégal, plusieurs fois des rapports d’autopsie ont été contestés par des contre autopsies qui ont infirmé les autres. Ici, les parents n’avaient pas forcément les moyens de faire des contres autopsies. Ensuite, ce sont des Mourides, des gens très encrés dans le baol. Ils disent que c’est la volonté divine, on passe l’éponge. C’est pour dire que ça commence à en faire trop. Nous sommes 16 millions de sénégalais, nous sommes une petite population et tout le monde se connait. Si on doit enregistrer chaque année jusqu’à 5 morts dans des commissariats c’est beaucoup. Il faut que la hiérarchie policière prenne cette affaire très au sérieux. Aujourd’hui, ce n’est plus la police et Amnesty international ou la police et la Raddho, c’est la police et la population sénégalaise. C’est les citoyens sénégalais qui disent non aux violences policières, qui disent non aux morts dans les commissariats de police. Il faut une solution parce que plus la violence va continuer plus il y’aura un désamour entre la police et la population qui va grandir. Et la police ne peut pas remplir sa mission sans la collaboration des populations. La police ne peut pas lutter efficacement contre la criminalité, contre le terrorisme, contre le trafic de drogue si la population n’a pas confiance en elle, ne collabore pas dans ce combat. Il est donc important que la hiérarchie donne des instructions fermes (…). Macky Sall a mis à genou toutes les institutions de défense des droits de l’homme soit en leur donnant des moyens dérisoires soit en mettant à leurs têtes des hommes politiques qui sont là que pour le défendre.
Comment évaluez-vous de la situation des droits de l’homme au Sénégal?
Je pense qu’on peut faire mieux. Vous savez au début des années 90 et pendant les années 2000 on disait que le Sénégal c’est le phare des droits humains en Afrique. Vous savez après l’alternance de 2000 c’était le printemps pour les droits humains. Évidemment, on a commencé à régresser. Les dernières années du régime de Wade, sa volonté de vouloir faire son 3e mandat et peut-être sa volonté de vouloir instaurer la dévolution monarchique ont fait que la situation des droits humains a commencé à se détériorer. Il a commencé à interdire des manifestations, à emprisonner les gens. Et, on a mené ce combat pour que Macky arrive au pouvoir. On pensait qu’il allait apporter des changements mais dès qu’il est arrivé au pouvoir, il en a fait pire que Wade. En matière de justice, en matière des libertés publiques il en a fait pire. Ça, c’est un constat même s’il nous sort des statistiques pour dire qu’on respecte les libertés publiques. Nous, ce qu’on demande ce sont les manifestations revendicatives. Je dénonce vigoureusement l’interdiction de la manifestation des prestataires de la Senelec à Kaolack par le préfet. Ce sont des travailleurs qui ont le droit de manifester. Ils ont été exploités depuis plusieurs années et ils demandent à ce que leurs statuts soient revus. Par ailleurs, les charges retenues contre le rappeur Kilifeu sont infondées. Nous demandons sa libération parce que l’État cherche à le museler.
Comment appréciez-vous ces mouvements populaires qui s’opposent à l’homosexualité au Sénégal ?
Je trouve que c’est normal parce que c’est une question de société. Dans tous les pays du monde, il y’a un débat autour de cette question. On est dans un monde uniformisé et les gens pensent que tout ce qui arrive en France arrive au Sénégal. C’est pourquoi ils sont inquiets. Ce que je veux dire c’est qu’il faut que tout cela se fasse sans violence. On peut décider dans notre pays que le droit au mariage on ne va jamais l’étendre aux personnes du même sexe. Donc, je ne vois pas pourquoi on doit s’agiter. On doit fixer des limites mais ce n’est pas la justice populaire qui va régler le problème.