Après sept mois d’éloignement, ils se sont encore retrouvés lundi dernier
pour ne pas dire de brouille, le président de la République Macky Sall et son ancienne Première ministre Aminata Touré dite Mimi se sont retrouvés lundi dernier. Le Quotidien, qui avait donné l’information, renseigne que la rencontre s’est déroulée dans une atmosphère empreinte de cordialité et de bonne humeur.
Bien que forte, la relation entre l’ancienne Présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le président de la République est en dents de scie. En 2010, Mimi Touré, qui s’était engagée auprès de Macky Sall, poussé à démissionner de la présidence de l’Assemblée nationale, avait été choisi par ce dernier pour être sa directrice de campagne. C’était lors de la présidentielle de 2012. Et lorsqu’il a été élu président de la République, Macky Sall a fait d’elle son ministre de la Justice avant de la promouvoir Premier ministre un peu plus d’un an après. Femme de devoir, « Mimi » s’était toujours comportée en inconditionnelle et défenseure acharnée de son « patron » dont elle se voulait le bouclier blindé. Pourtant, malgré les résultats assez flatteurs qu’elle a obtenus à la tête du Gouvernement, le président de la République n’a pas hésité à la limoger de la Primature en 2014 pour avoir perdu les élections locales devant Khalifa Sall dans la commune de Grand Yoff. En vraie « roc », Mimi prend ses distances avec Macky et son parti l’Apr. Sans pour autant démissionner de la formation marron-beige.
Entre nominations et remerciements…
Une position de Mimi qui constituait une équation pour Macky Sall et les dirigeants de l’Apr. Surtout que, plutôt que de se mettre dans son coin à ruminer ses frustrations, l’ancien Premier ministre, elle, multipliait les visites de proximité auprès de ses militants qui l’accueillaient partout à bras ouverts. Une stratégie payante pour Mme Aminata Touré qui avait réussi habilement à transformer les conséquences de son revers électoral en atout. Le 10 février 2015, elle revient aux affaires en tant qu’Envoyée Spéciale du président de la République. Ce dernier la désignera par la suite coordinatrice du Pôle parrainage de la campagne de collecte de parrains pour l’élection présidentielle de 2019. Sans ménager sa peine, l’ancien Premier ministre s’engage à fond sur le terrain de la collecte de signatures. En décembre 2018, lors des dépôts des dossiers de candidature devant le Conseil constitutionnel, Mme Touré n’a pas hésité à engager une confrontation physique avec des mandataires — hommes ! — d’ l’opposition. D’ailleurs, les images de son exfiltration par ses gardes du corps -avaient fait le tour de la Toile à l’époque. Lors de la campagne pour la présidentielle du 24 février 2019, elle est encore nommée par Macky directrice de son cabinet de campagne. Durant cette période, elle s’est donnée à fond pour que son candidat gagne les élections. Ce qui fût fait haut la main. Au lendemain de sa réélection, Mimi récolte les fruits de sa patience, sa fidélité, son engagement politique. Le 14 mai 2019, elle est nommée présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) par décret numéro 2019-905 du 14 mai 2019. Aussitôt nommée, plutôt que de se suffire de cette fonction et manger son fromage, elle a donné un contenu à sa mission et secoué une institution qui ronronnait jusque-là en la rendant plus visible. Trop visible ?
En tout cas, des faucons du Palais se sont mis à attirer l’attention du président de la République sur « l’activisme » supposé Mimi qui voudrait sa place. Une accusation qui, dans le « Macky », est passible de la peine capitale… Politiquement aussi, elle continue de se mettre au front pour défendre son « ami ». Elle marque à la culotte, notamment, son prédécesseur à la Primature, Abdoul Mbaye, et un autre ancien Premier ministre, Idrissa Seck, qu’elle tacle sévèrement à chacune de leurs sorties. Idrissa Seck à qui le président de la République fera appel pour lui succéder — et mieux l’humilier — à la tête du CESE. Mimi décidément bien mal payée en retour ! En effet, durant la pandémie de Covid-19, pendant que ses camarades de parti se terraient, elle était montée courageusement au front pour défendre le plan de sauvetage gouvernemental. Elle s’est exposée, a reçu des coups, mais rien ne l’a empêchée de défendre son champion.
Sa ligne de conduite : fidélité et loyauté au président Sall. À chaque fois que ce dernier était attaqué par « l’ennemi », elle est montée au front pour le défendre quand d’autres se cachaient vautrés dans leur confort. Dans tous les moments où le chef de l’Etat a été acculée de toutes parts, la « pank » Mimi montait au créneau toutes griffes dehors, le défendant bec et ongles et s’érigeant en bouclier. Elle investissait les plateaux de télés et les studios de radios pour défendre les mesures prises par Macky Sall. Elle le faisait avec des concepts forts et une grande rigueur intellectuelle. Pourtant, malgré son engagement, sa loyauté et ses idées percutantes, Macky Sall l’a fait remplacer par… celui que Mimi n’hésitait pas à remettre à sa place à chaque fois qu’il l’attaquait, Idrissa Seck pour ne pas le citer. C’était le 01 novembre 2020. Le jour de la Toussaint ! Comme pour mieux enterrer la brave et fidèle Aminata Touré. Après son limogeage humiliant de la tête du Conseil économique social et environnemental (Cese), confié par le président Macky Sall à son ancien opposant le plus farouche, Mimi Touré coupe les ponts avec le leader de l’Alliance pour la République. Et mène ses actions en dehors de ce parti. Notamment à l’international où elle est invitée à de nombreuses conférences prestigieuses.
Son absence lors des manifestations de mars dernier s’est fait sentir…
En marge — pour ne pas dire en réserve — de la République après sa décapitation du Cese, Aminata Touré suivra les événements consécutifs à l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr dans son soin, certainement meurtrie de ne pas pouvoir défendre son champion Macky Sall. Son absence s’était, en effet, fait sentir jusqu’au plus haut niveau de l’Apr dans la mesure où elle ne rechignait jamais à monter en première ligne lorsque le président de la République Macky Sall était visé. Mais, même si elle avait pris ses distances et n’avait pas défendu Macky Sall, Mimi Touré s’était prononcée sur la tension qui cristallisait le Sénégal depuis l’arrestation de Ousmane Sonko. « La paix prime sur tout. Et ces derniers jours de violences en sont une illustration. L’essentiel est d’exercer la justice de manière transparente et impartiale », moralisait-elle. Pour ce faire, poursuivait-elle, il faut créer les conditions de préserver les personnes et leurs biens. «Et là, la voix du Président est prépondérante pour faire baisser la tension afin que la justice puisse s’exercer normalement», conseillait Mme Touré. Silencieux depuis l’éclatement des violentes manifestations consécutives à l’arrestation de Ousmane Sonko, le Président, qui semblait attendre la voix de son ancienne Première ministre, a pris la parole dans la soirée du lundi 8 mars 2021 pour appeler au calme et à la sérénité. La suite, on la connaît…
PR MOUSSA DIAW ANALYSTE «Mimi et Macky sont deux personnalités de caractère politique différent»
Seules les montagnes ne se rencontrent pas et Macky et Mimi se sont donc retrouvés lundi dernier. Pour le Pr en sciences politiques à l’UGB, Moussa Diaw, cette relation en dents de scie s’explique par le fait que le président de la République et son ancien Premier ministre sont deux personnalités de caractères politiques différents. « Je ne connais pas le fond de leur relation mais je sais qu’il y a une différence de points de vues et de caractères entre les deux personnalités. Mimi Touré semble avoir une forte personnalité politique qui impose le respect. Elle n’a pas l’habitude de courber l’échine. C’est pourquoi, ses rapports avec le président sont très difficiles. Dans les actes qu’elle pose, on voit qu’elle refuse d’être traitée comme certains autres politiciens. Ceci explique aussi ses rapports en dents de scie avec le Président », analyse l’enseignant chercheur en politique Moussa Diaw. A la question de savoir à qui profiteront les retrouvailles entre Macky et Mimi, Pr Diaw pense que c’est à Macky Sall. Il s’explique en ces termes : « C’est un jeu de yoyo entre les deux mais il faut reconnaître que ces retrouvailles profitent plus au président de la République dans la mesure où il sait que Mimi est une personnalité importante dans le jeu politique. Donc, mieux vaut l’avoir à ses côtés qu’en face. Mais, Mme Aminata Touré peut aussi beaucoup gagner dans ces retrouvailles. Elle peut espérer bénéficier du soutien du président de la République pour la mairie de Kaolack. Si elle bénéficie du soutien du président de la République et qu’elle gagne cette mairie, ça serait une sorte de relance pour elle en vue des prochaines échéances législatives et présidentielles. Mme Aminata Touré est une personnalité qui compte dans la mouvance présidentielle » conclut le Pr Moussa Diaw.