Macky Sall vient de lancer une campagne électorale prématurée, aussi cocasse qu’irrationnelle, prétextant une tournée économique, incluant l’inauguration avec une décennie de retard des hôpitaux de Kaffrine et Kédougou
À mesure qu’approche la date fatidique de la présidentielle de 2024, qui verra le passage de témoin entre le président Macky Sall et son successeur, on constate, pour le déplorer, une perpétuation de pratiques politiciennes combattues depuis des décennies par les démocrates sincères de notre pays.
Après avoir chamboulé le calendrier électoral avec la complicité de quelques ténors de l’opposition, le chef de l’État vient de lancer une campagne électorale prématurée, aussi cocasse qu’irrationnelle, prétextant une tournée économique, incluant l’inauguration avec une décennie de retard des hôpitaux de Kaffrine et Kédougou (érigées en régions par la loi 2008-14 du 18 mars 2008).
En effet, dans cette chasse aux voix, on ne se contente plus d’utiliser les moyens de l’État, à des fins partisanes. C’est l’appareil d’État tout entier, avec de braves fonctionnaires soumis aux devoirs de réserve et de loyauté républicaine, qui est pris en otage par les courtisans du Prince et se substitue à un parti présidentiel défaillant.
De fait, l’opinion s’attendait, à l’orée de ce second mandat usurpé, à ce que le président de l’APR appelé à se décharger, bientôt, de ses fonctions étatiques, s’attelle à structurer son parti encore immature, pour le mettre en meilleure position d’affronter les différentes consultations électorales prévues dans les trois prochaines années.
Au lieu de cela et alors que le syndrome du deuxième mandat est en train de produire ses effets, marqué par une perte graduelle de son influence politique, le président semble vouloir persister dans ses travers coutumiers d’instrumentalisation des institutions. Cela lui sera d’autant plus difficile, qu’il a fini de faire le vide autour de lui, d’abord en supprimant le poste de Premier ministre, puis en limogeant, pour délit supposé d’ambition présidentielle, des personnalités jusque-là considérées comme des leaders de premier plan de l’APR.
Le meilleur exemple en a été donné par les émeutes de février – mars dernier qui vont bien au-delà du fait divers auquel on cherche à le réduire. En plus de traduire une défiance populaire contre cette fâcheuse habitude d’initier des cabales judiciaires contre des adversaires politiques, elles ont fini de signer l’arrêt de mort des rêves chimériques de troisième mandat.
Il faudra bien que les membres du staff dirigeant de l’APR cessent de considérer comme une adhésion à leurs choix politiques erratiques, la présence à leurs rassemblements d’immenses foules bigarrées mobilisées par des opérateurs politiques ayant leurs propres agendas, surtout à l’approche des locales de l’année prochaine.
Il suffit, pour s’en convaincre, de voir les rivalités féroces qui apparaissent au sein d’une coalition présidentielle plus hétéroclite que jamais. L’expérience a prouvé, qu’il était très difficile de concilier les positions des différents candidats à la direction des collectivités territoriales, car leurs conflits, que le président aura, cette année, encore plus de mal à arbitrer, loin de reposer sur des divergences programmatiques, sont plutôt liés parfois à des égos surdimensionnés, mais surtout à de froids calculs politiciens.
En réalité, la plupart des hommes politiques de notre pays se sont convaincus, que dans la conquête d’un fief local, préalable à leur futur plan de carrière, ils devront compter plus sur eux-mêmes que sur des mentors au crépuscule de leurs carrières.
Pour sortir de cet imbroglio inextricable, la classe politique doit s’accorder sur des mesures de rationalisation, de modernisation et de fonctionnement démocratique des partis politiques, qui apprendront à choisir leurs candidats à l’issue d’élections primaires.
En outre, la récente loi sur l’élection du maire au suffrage universel combinée au mode de scrutin inique actuel devrait être revue et corrigée. Elle risque de favoriser l’apparition de potentats locaux et reproduire, au niveau local, les tares de l’hyper-présidentialisme central.
Pour promouvoir la diversité, l’esprit de concertation entre divers groupes et secteurs de la population au sein des territoires, l’adoption de projets fédérateurs et de programmes communs, on devrait plutôt s’orienter vers un mode de scrutin proportionnel intégral ou tout au moins majoritaire à deux tours.