La polémique sur l’achat du nouvel avion de commandement du président de la République ne désemplit toujours pas. Après les attaques et autres critiques acerbes de l’opposition sénégalaise qui n’en voit pas l’opportunité, au vu des finances asphyxiées par la Covid-19, le camp du pouvoir parle de «faux débat», non sans brandir l’option sécuritaire.
Après avoir préparé l’opinion sur un éventuel achat d’un nouvel avion de commandement du président, en novembre 2019, suite à une révision relativement longue du A319 CJ, “Pointe Sarène“ acquis en 2010 par Me Wade, et la sortie du ministre porte-parole de la présidence de la République, Seydou Gueye évoquant l’âge de l’appareil, le Sénégal va réceptionner, le 16 juillet prochain, un nouvel avion A320 neo. Une information livrée par le ministre porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye, qui a fini de diviser la classe politique.
Sur son compte Tweeter, l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye s’étonne de la démarche du régime en place, alors que le chef de l’Etat, Macky Sall, lors du sommet sur le financement des économies africaines, tenu le 18 mai dernier, avait renouvelé son plaidoyer pour l’annulation de la dette africaine. «Je n’ai pas les mots pour qualifier l’achat par le Sénégal d’un nouvel avion de commandement pour M. Sall, après le retour d’un sommet où il s’est plaint de dette insupportable dont il cherche l’annulation et de déficit budgétaire contraignant.
Le Sénégal est vraiment à plaindre!», s’offusque le président du parti Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act). Même si, jusque-là le prix d’achat de l’avion n’est pas connu pour «secret défense», selon les dires du ministre porte-parole du gouvernement, Oumar Gueye, Abdoul Mbaye pense que cette manne financière aurait pu servir à autre chose. Il trouve que «le prix de l’avion de Macky Sall suffit pour remplacer tous les abris provisoires en classes construites en dur par des maçons sénégalais. Education, milliers d’emplois et solution au déficit de balance des paiements sont donc sacrifiés pour le confort luxueux de notre président». L’ancien maire de Saint Louis, non moins président du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël (Fsd/Bj) s’en est aussi pris au chef de l’Etat, Macky Sall, pour qui l’acte ressemble à de l’amoralité. «Pour quelqu’un qui prétend vouloir rationaliser les dépenses de l’Etat, s’acheter un deuxième avion en moins de 10 ans et un véhicule de luxe dans la même semaine s’apparentent à du cynisme», déplore Cheikh Bamba Dieye. Ne s’en limitant pas là, le député fait le parallélisme entre l’acquisition du nouvel avion de commandement du président et le troisième mandat. Il pense que «c’est encore plus curieux pour quelqu’un qui est censé boucler son dernier mandat. Macky Sall montre jour après jour qu’il n’a pas compris le message», tout en appelant à la «vigilance».
DEBAT INUTILE SOULEVE PAR L’OPPOSITION
La réplique ne s’est pas fait attendre du côté de la mouvance présidentielle. Et c’est le porteparole de la Ligue démocratique (Ld), Moussa Sarr qui s’attaque aux pourfendeurs de l’action posée par le régime. Joint par la rédaction, M. Sarr trouve que «ce débat sur l’opportunité de l’achat d’un avion de commandement pour le Président de la République du Sénégal, et non pour Macky Sall, intuitu personae, fait partie de ces nombreuses polémiques inutiles que l’opposition et certains activistes, incapables de soutenir un débat contradictoire sur le bilan de notre régime, tentent d’imposer à l’opinion».
Pour M. Sarr, le Président de la république est une institution et à ce titre, il doit, en permanence, être installé dans des conditions de sécurité maximale qui le rendent, à tout moment, disponible pour le service qu’il rend au peuple souverain qui lui a délégué son pouvoir. Qui plus est, souligne-t-il, «l’avion de commandement du Président de la république est un patrimoine du Sénégal».
Ainsi donc, entre l’option de continuer d’entretenir «la “vieille” Pointe Sarène, qui a 21ans, et dont les pannes récurrentes ont un coût onéreux» et celle «de vendre l’actuel avion de commandement pendant qu’il peut en tirer profit sur le marché international et acquérir un autre plus moderne, plus sécure, plus économe», le choix est vite fait pour le “Jallarbiste“. «Je choisis cette option et estime, qu’après 21 ans d’existence et au regard surtout de ses fréquentes pannes, qu’il faut vendre la Pointe Sarène et doter le Président de la République du Sénégal et non Macky Sall, en personne, d’un avion de commandement digne de ce nom», préconise M. Sarr qui estime qu’«il faut bien tirer les leçons de la mauvaise expérience de la Pointe de Sangomar, qui après 30 ans de service, n’a pu trouver acquéreur sur le marché». Cela, tout en se gardant de parler du coût car n’ayant pas accès au contrat d’achat. Il informe tout de même «la décision d’acquérir ce nouvel avion est antérieure à la Covid19.
De même, que les échéances de paiement pour honorer l’engagement y afférent». Un coût placé sous le sceau de «secret défense» que déplore le Coordonnateur du Forum civil. En effet, Birahim Seck pense que «les citoyens ont le droit de connaitre le montant qui a été injecté et le montage financier qui a été fait pour l’achat du nouvel avion présidentiel».
JEAN MICHEL DIATTA