Manif’ contre l’expropriation foncière : Dougar à la révolte

par pierre Dieme

La confrontation a repris de plus belle le week-end entre les populations de Dougar et les Forces de l’ordre. Lasses d’attendre les discussions avec la société Peacock suite aux bons offices d’émissaires, les populations, qui se désolent du mutisme des autorités, se sont signalées pour l’arrêt des travaux sur le site de 72 ha, objet des manifestations. Si 10 personnes ont été libérées dans la journée d’hier, 24 autres étaient encore en détention à la Brigade de gendarmerie de Diamniadio jusqu’à tard dans la nuit.

L’accalmie n’aura été que de courte durée : deux semaines après les affrontements entre populations et Forces de l’ordre, sanctionnés par deux blessés par balles, les manifestations ont repris. Dougar a encore été le théâtre de chaudes confrontations ce week-end, comme en témoigne le décor dimanche au quartier Lossa, avec des barrages de fortune érigés, des pneus brûlés, des pierres, cartouches de balle à blanc ou grenades lacrymogènes présentées par les populations. Ça a été comme d’habitude une confrontation entre deux puissances asymétriques avec toujours le lourd tribut aux populations. Armés de pierres, les habitants de la localité ont essayé en vain de résister aux forces régaliennes disposant de tout l’arsenal requis pour faire péricliter la confrontation dans le sens attendu. C’est le scénario vécu samedi dans l’après-midi par les Dougarois, acculés jusque dans leurs maisons. Ils étaient loin de leur malheur, car la nuit s’est révélée encore plus cauchemardesque pour eux.

«Ce qui s’est passé hier (samedi), c’est qu’il y a eu des échauffourées en fin de matinée entre les populations et les Forces de l’ordre», a expliqué dimanche Daouda Faye, coordonnateur du Cadre d’échange, de réflexion et d’action pour le développement de Dougar (Cerad), avant de continuer le film de leur mésaventure alors que le calme s’était installé avec la tombée de la nuit. «A notre grande surprise, les gendarmes ont assiégé le quartier dès 6 h du matin. Ils ont escaladé les murs, défoncé des portes et arrêté des gens dont certains, qui étaient même en train de dormir, ont été embarqués en caleçon», s’est-il désolé. «Quand on a fait le décompte, on a recensé 34 personnes qui ont été arrêtées. Après les auditions, ils ont libéré 10, dont un vieux de 72 ans, et 24 sont encore au niveau de la Brigade de gendarmerie», a dressé comme bilan le coordonnateur du Cerad.

Mutisme des autorités
Ce regain de violence noté serait la résultante de la mauvaise volonté affichée par l’autre partie pour des discussions saines et sérieuses sur l’affaire qui les oppose. «Il y a eu accalmie parce qu’il y a eu des émissaires, notamment Guy Marius Sagna et Kilifeu, qui avaient exhorté à des pourparlers entre les parties. Une rencontre avait été prévue à la préfecture le vendredi, à leur demande. Non seulement ils (Peacock investments) ont faussé cette rencontre, mais ont fixé une autre le mardi à la Dscos à Dakar», a indiqué M. Faye. «Quand on est arrivé (à la Dscos) pour qu’on nous conduise à la réunion, on nous informe que le Dg de Peacock n’est pas sur place et que par conséquent la réunion ne pourra pas se tenir», a-t-il poursuivi avec dépit. «Peacock n’est pas dans les dispositions pour aller vers des discussions», croit-il savoir tout en rappelant que le rapport de présentation du ministère de l’Intérieur sur les litiges fonciers et conflits communautaires estime que l’unique solution dans ce conflit c’est des discussions entre les populations de Dougar et Peacock investments.

«A la place de ces discussions, on nous a amené des camions de gendarmes pour réprimer, des (engins) Poquelin pour commencer à travailler», s’est désolé le coordonnateur du Cerad, faisant savoir que cela est la cause de la colère des habitants. «Les autorités ont l’obligation de faire arrêter ces travaux pour trouver une solution. Tous les problèmes viennent du fait que les populations voient les travaux se poursuivre sur leurs terres, alors que Peacock n’a présenté aucun document attestant son droit sur les 72 ha qu’il réclame», a soutenu Daouda Faye. Con­seiller municipal et membre du Cerad, Daouda Ciss indexe le mutisme des autorités sur le litige. «Le constat c’est que les autorités qui ont en charge ce dossier ne sont pas prêtes à parler aux populations et c’est déplorable», a-t-il fustigé. Depuis l’éclatement de cette affaire, c’est un silence de cathédrale, aussi bien au niveau de l’autorité déconcentrée que du gouvernement.

Par Alioune Badara NDIAYE (Correspondant) –

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