Les Sénégalais se réveillent ce jour, 11 Mai, non pas pour célébrer la mémoire de Bob Marley, le chanteur iconique, mais constater comment, des deux côtés de l’Atlantique, leur justice n’est plus qu’une charade, sur une pente destructrice jamais connue.
Les mots ne peuvent rendre compte de l’état désastreux des lieux dans lesquelles elle se trouve.
A ma droite, dans un prétoire New Yorkais, sera décidé, dans la journée, le sort de l’activiste Ousmane Tounkara, une star des réseaux sociaux, que le pouvoir illégitime de Macky Sall, via un de ses relais officiels, tente d’extrader. Pour le faire taire. Le mettre au frais. L’empêcher de continuer, reprendre ses foucades incendiaires contre sa mal-gouvernance. Et pour y parvenir, il n’a trouvé rien de mieux que de l’accuser d’être un…terroriste. Dans un pays traumatisé par ce concept depuis les attentats du 11 Septembre 2001, cela vaut, en principe, une exécution en bonne et due forme, un traitement presqu’extra-judiciaire, hors normes.
En le soumettant à une telle charge, l’Etat sénégalais n’a même pas craint de se voir affubler du statut de mafieux, l’essentiel, à ses yeux, étant que Tounkara soit mis hors d’Etat de nuire, puis livré, poings et pieds liés à ses tortionnaires qui, l’œil gourmand, l’attendent pour exécuter leur mission, au nom du régime délinquant.
La question est de savoir si malgré ses excès de langage et ses déficits vis-à-vis de ses conditions de séjour au pays de l’Oncle Sam, malgré ses imprudences, celui qui est retenu dans les liens de la justice américaine au nom de cette face hideuse de celle du Sénégal sera ou non extradé. Le verdict sera connu d’ici cet après-midi. Et même si on peut espérer, compte tenu de la vaste mobilisation populaire en sa faveur, qu’il pourrait s’en sortir in-extrémis, rien n’est moins sûr. Le juge américain est parfois aveugle, coincé dans les clous des normes légales devenues insensibles à tout humanisme depuis que la lutte contre le terrorisme est gouverné par une irrationalité prégnante dans toutes les couches de la société locale.
Il faut donc prier pour l’ami Ousmane mais en se préparant au pire pour mener le combat au Sénégal si jamais le juge le livrait en colis aux comploteurs d’Etat. Il est urgent dès lors d’attendre puisque le sort en est jeté…
Que la loi soit aurait pu-t-on être tenté de dire le concernant comme cela l’est aussi pour une autre grande figure, une célébrité médiatique : celle de Pape Ndiaye, le chroniqueur judiciaire Télé qui se trouve depuis cette nuit en garde-à-vue suite à une plainte qui le vise, dit-elle, pour avoir pris de l’argent d’une dame en lui promettant de faire figurer un de ses parents en prison sur la liste des personnes à grâcier par Macky Sall, l’illégitime Président.
Cette affaire révèle un niveau de déliquescence plus qu’effroyable de l’Etat Sénégalais. Elle traduit la profondeur des deals qui gouvernent les décisions au sommet de l’Etat. C’est pourquoi, sans préjuger de la véracité ou non de l’accusation portée contre celui qui tient en haleine tout le corps judicaire et carcéral pendant son émission, traditionnellement diffuée ce jour, mardi, il y a fort à parier que nous sommes dans un autre acte de dégradation de la justice sénégalaise. Puisqu’au lieu de le juger sur un crime commercial relevant du flagrant délit, s’il est avéré, il semble que la chose prend une dimension politicienne où ses liens, fondés ou non, avec un leader de l’opposition en sont devenus le déterminant clé.
Plus prosaïquement, si on s’était arrêté à dire que le droit, la question fondamentale aurait été de savoir si pour 500000 francs cfa on ne pouvait pas trouver une autre solution, une médiation, afin de résoudre à l’amiable ce conflit fleurant autant le deal commercial que crapuleux qui n’honore aucune des parties ni ne laisse un Etat poreux à un tel projet indemne.
Ou bien, confirmant l’assaut lancé contre Tounkara, le piège jeté sous les pas de Pape Ndiaye n’est-il qu’une manœuvre destinée à réduire ici aussi en silence un homme qui participe de la même démarche : braquer les feux des projecteurs sur le délitement de la justice et de l’Etat de droit au Sénégal.
L’un et l’autre sont donc les deux faces d’une même réalité : la fin du Sénégal, pays de justice et liberté, pays de droit, tel qu’il a longtemps prétendu l’être.
Dans ces conditions, au nom de ce que cela signifie de perte de sens et repères, nous disons NON, mille fois non, à l’extradition de Tounkara et à l’emprisonnement de Pape. Même fautifs, l’un et l’autre sont des actifs pour la société sénégalaise. Leur place n’est pas entre les mains d’assassins du droit sous la conduite du Boucher de Dakar, Macky Sall.
Nous prions. Ramadan oblige, nous espèrons.
Que Dieu sauve le Sénégal. Qu’aussi le monde, en commençant par les grands pays, d’Afrique et du reste du monde, ne détournent pas le regard de l’effondrement en cours de l’Etat de droit au Sénégal. Ils sont aussi complices par leur silence de sa matérialisation, si elle advenait. Le processus est déjà fort avancé, hélas.
Adama Gaye* est un opposant en exil du régime de Macky Sall.