«Un recours aux prêts du FMI auxquels le Sénégal n’avait plus recours sous Me Wade !» par le banquier Abdoul Kane

par pierre Dieme

Une mission virtuelle du FMI été menée au Sénégal du 6 au 27 avril 2021 sous la direction de Mme Corinne Delechat, à l’effet de s’entendre avec les autorités sur les “ mesures économiques et financières qui pourraient permettre l’approbation de la 3ème revue du programme appuyé par l’ICPE, et soutenir sur 18 mois au titre de la Facilité de Credit de Confirmation et du mécanisme d’accord de confirmation ».
A la suite du communiqué de presse de fin de mission, des opinions et commentaires divers ont été émis, tendant à laisser penser que l’accord de crédit de 350 milliards de FCFA était lié aux bonnes performances macroéconomiques du Sénégal. La réalité est autre. Il s’agit d’une demande de prêt du Sénégal de 453 millions de DTS sur 18 mois au FMI pour faire face aux chocs exogènes, principalement la crise sanitaire qui aurait sapé les fondements de l’économie (baisse de la croissance économique et des ressources publiques) et amplifié la crise de l’emploi des jeunes.
A l’occasion de la troisième revue du programme appuyé par l’instrument de coordination de la politique économique, cette demande a été examinée et a fait l’objet d’un accord entre les deux parties restant d’ailleurs à formaliser. Dans cet accord, le Sénégal s’engage à prendre des mesures économiques et financières permettant non seulement l’approbation de la 3ème revue du programme, mais encore le soutien de la demande de financement de 453 millions de DTS, soit 350 milliards de FCFA à très court terme (18 mois).
Les services du FMI ayant mené la revue font les précisions suivantes : « Les opinions exprimées dans cette déclaration sont celles des services du FMI et ne sont pas nécessairement celles du Conseil d’Administration ». À partir des conclusions préliminaires de cette mission, les services du FMI prépareront un rapport qui, sous réserve de l’approbation de la direction, sera présenté au conseil d’administration pour examen et décision ».
Par conséquent le décaissement des fonds attendus sera adossé aux conditions de respect des mesures économiques et financières et à l’accord du Conseil d’Administration du FMI. Il s’agit de plus d’un engagement fort vis-à-vis des prêts du FMI, auxquels le Sénégal d’Abdoulaye WADE n’avait plus recours. Par le passé, le gouvernement d’Abdoulaye Wade privilégiait l’ISPE, ou instrument de soutien à la politique monétaire. Cet instrument avait la particularité d’être non financier.
L’ISPE est prévu pour les pays à faibles revenus mais ne souhaitant pas bénéficier, ou n’ayant pas besoin d’un concours financier. L’ISPE aide à élaborer des programmes économiques efficaces, et informe clairement les institutions financières de développement, les donateurs, les marchés, de l’aval donné par le FMI aux mesures figurant dans ces programmes. Il n’est pas possible d’avoir recours simultanément à l’ISPE et à la Facilité de Crédit élargie.
L’ISPE est utilisé avec souplesse parallèlement avec la Facilité de Crédit de Confirmation. Aujourd’hui, on passe d’un accord de conseil et d’assistance sans décaissement sous WADE à une demande de Facilité de crédit de confirmation augmentant notre endettement vis-à-vis cette institution (FMI). De surcroît, le prêt demandé est d’un montant élevé et d’une courte maturité (durée).
Si la reprise économique n’est pas au rendez-vous au bout des 18 mois, des solutions alternatives seront recherchées pour faire face à l’échéance, y compris s’endetter pour un terme plus long afin de rembourser ce crédit à très court terme, ou alors demander un rééchelonnement. Autrement dit, le Sénégal fera recours à ce qu’on appelle vulgairement en Ouolof « soul Bouki, souli Bouki ». Contracter des dettes pour payer des dettes antérieures. Bonjour, le cercle vicieux !
Rappel
Rappelons à toutes fins utiles que le DTS ou droit de tirage spécial est un actif de réserve créé par la communauté internationale sous les auspices du FMI, et détenu par tous les pays membres, selon le principe que tout pays adhérent à ce système devrait bénéficier de réserves officielles lui permettant de gérer sa monnaie sur les marchés de change internationaux. Le DTS peut être échangé contre des devises librement utilisables.
Sa valeur repose sur un panier de 5 grandes devises (dollar US, Euro, Renminbi chinois, Yen japonais et livre sterling anglaise). La Facilité de Crédit de Confirmation demandée par le Sénégal est un instrument financier conçu pour venir en aide aux pays à faibles revenus qui sont parvenus à une situation macroéconomique globalement viable, mais qui ont besoin d’ajustement et de financement à court terme épisodiques (couverture solde balance des paiements par exemple), notamment à la suite de « chocs», pour la stabilité et la viabilité macroéconomique.
Les pays qui recourent à la FCC acceptent d’appliquer un ensemble de mesures pour la stabilisation de leur situation macroéconomique à court terme. Ces mesures sont assorties de conditions spécifiques et figurent en bonne place dans la lettre d’intention du pays demandeur.
Pr Abdoul Kane, banquier et consultant pour Le Témoin

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