Plus les élections locales approchent, plus la tension monte au sein de la majorité présidentielle. Et les premières alertes, prémices du danger qui guette la coalition Benno Bokk Yaakaar, sont issues de Kaffrine et de son député maire, Abdoulaye Wilane
En plus de l’arrivée fracassante d’Idrissa Seck qui a suscité jalousie et tensions au sein de la majorité présidentielle, l’approche des élections locales cristallise bien des énergies et menace la grande coalition Benno Bokk Yaakaar, composée de plus de 150 partis et mouvement politiques.
Plus les élections locales approchent, plus la tension monte au sein de la majorité présidentielle. Et les premières alertes, prémices du danger qui guette la coalition Benno Bokk Yaakaar, sont issues de Kaffrine et de son député maire, Abdoulaye Wilane. Lors d’un ndogou débat tenu dans son fief, récemment, le porte-parole du Parti socialiste est revenu sur les principes du compagnonnage avec le parti présidentiel. Macky Sall, souligne-t-il, doit respecter sa parole, c’est-à-dire que, dans chaque localité, si le maire appartient à BBY, c’est lui le leader.
Wilane de s’interroger : ‘’Qui est est maire de Kaffrine ? Qui est alors leader de Kaffrine ? Nous avons souhaité que Kaffrine ait un ministre en la personne d’Abdoulaye Sow, mais nous n’accepterons pas qu’on nous marche sur les pieds. Si Macky Sall veut que les Sénégalais sachent qu’il est un vrai chef de l’Etat, il a l’occasion de le prouver. S’il ne le fait pas, je considérerais qu’il n’a pas le sens de la parole donnée, qu’il n’est pas au niveau où on le situe. Et nous prendrons nos responsabilités. Et nous ne sommes pas les seuls. Beaucoup le disent à travers le pays ; certains le chuchotent ; d’autres le murmurent. Moi, je le dis tout haut’’.
Cette sortie est symptomatique d’un malaise au sein du camp présidentiel. A en croire Wilane, c’est comme si l’Alliance pour la République est en train de placer ses pions au niveau des différentes localités, au détriment de ses alliés mêmes les plus fidèles. Abdoulaye Wilane : ‘’Le président de la République n’a qu’à parler à ses ministres. Il faut qu’ils respectent le principe de la libre administration des collectivités locales. Ils ne peuvent pas venir ici et décider de ce qui doit être fait, sans même en parler avec le maire. On en parle entre gens de l’APR au Palais, alors que le maire de Kaffrine qui fait partie de la coalition BBY, n’était pas là-bas. Alors que je l’ai défendu partout au Sénégal et à l’étranger, le Président n’a même pas daigné m’en parler. Et bien cela ne passera pas. Et si certains pensent qu’ils peuvent politiser ce que le gouvernement a réalisé pour Kaffrine, ils se trompent lourdement. Ce qui a été fait ici entre 2012 et maintenant, nous le méritons amplement…’’. Selon le responsable socialiste, le président de la République, contrairement à ce qu’il avait promis, promeut les intérêts de son parti sur ceux de la patrie.
En effet, à Kaffrine, la bataille électorale pour les Locales s’annonce rude, parce que le ministre de l’Urbanisme Abdoulaye Sow est très présent sur le terrain politique et convoite le poste de maire. D’ailleurs, l’ancien Dg du Coud a toisé l’édile, lors de son meeting du week-end dernier.
Le diktat des grands partis
Le ton est ainsi donné. La guerre s’annonce inéluctable dans certaines localités, aussi bien au sein de l’Alliance pour la République, à la périphérie avec les alliés dans Benno Bokk Yaakaar et en dehors contre les responsables de l’opposition. Aussi le syndrome des locales de 2014 guette encore la coalition présidentielle. A l’époque, après avoir confectionné ses listes dans chaque contrée, le Président Sall n’avait ni béni ni honni les rébellions. Il les avait cautionnées sous condition. Il fallait gagner ou payer cash sa rébellion. Président du Front républicain, coordonnateur de la Coalition pour l’émergence (CPE) qui regrouperait plus de 20 partis, Maitre Ousmane Seye vante, pour sa part, les prouesses de la coalition présidentielle, mais, alerte sur certains dangers qui pourraient influer négativement sur son rayonnement. Le principal, à l’en croire, c’est la désunion. ‘’Unie, Benno est imbattable. Aucune coalition ne peut nous battre tant que nous resterons unis. Si la coalition perd, ce sera à cause de ses propres militants qui mettraient en avant leurs intérêts. Il faut vraiment mettre en avant l’intérêt général. Dans le cas contraire, ce serait désastreux pour la coalition’’, enchaine l’avocat.
Quand on parle de Benno Bokk Yaakaar, ils sont nombreux à penser aux grands partis que sont le Parti socialiste et l’AFP. Une erreur monumentale, si l’on en croit le membre de la Conférence des leaders. Selon lui, il faudrait revoir le concept de ‘’grand parti. ‘’Aujourd’hui, clame-t-il, les partis, on ne les mesure pas par leur quantité, on les mesure par leur qualité : la qualité de leurs membres, la qualité de leurs réflexions, leur aptitude à se positionner sur l’échiquier national… Les gens doivent savoir que ce ne sont pas les militants des partis qui font gagner des élections. Il faut donc relativiser cette conception de grands partis, petits partis. Notre malheur est qu’on ne fait pas des analyses scientifiques sur le plan politique. Et un grand parti qui ne réfléchit pas sur de telles questions n’en est pas un’’.
Malheureusement pour lui, serait-on tenté de dire, dans BBY, le critère de la représentativité semble encore le seul valable pour distribuer les privilèges. Maitre Seye conteste : ‘’Dans BBY, il y a des partis de qualité, qui ont des responsables de qualité, qui réfléchissent et qui ont des stratégies de lutte ou de conservation du pouvoir qu’il ne faut pas négliger. Ces partis font également l’attraction de beaucoup d’électeurs qui peuvent ne pas y militer. Mais ces gens sont ceux qui font gagner des élections. Pas ceux qui sont dans les partis’’. Et d’ajouter : ‘’Si je prends l’exemple de la Coalition pour l’émergence, nous sommes la première entité à rejoindre BBY, depuis 2014. Nous avons participé aux élections locales de 2014 et avons participé activement à la réélection du Président. Mais aujourd’hui, on peut dire que la coalition ne participe pas à la gouvernance du pays. Or, les compétences ne manquent pas’’.
Les Locales en ligne de mire
Pendant qu’au Front républicain, on appelle à une distribution des cartes, selon des critères nouveaux, à l’Union citoyenne Bunt Bi du député Théodore Chérif Monteil, on semble plutôt se satisfaire du fonctionnement de la coalition. Membre de la Conférence des leaders de Benno au nom de ladite formation, le président de UCB, Dr El Hadji Ibrahima Mbow, se réjouit : ‘’Nous ne pensons pas qu’il y a un accaparement par les grands partis. C’est normal qu’il y ait un parti locomotive dans toute coalition, mais nous, nous estimons que chaque parti doit se battre pour jouer un rôle. Nous sommes à l’Assemblée nationale, parce que l’Union citoyenne bunt bi est partie avec sa propre liste aux dernières élections législatives. Et nous sommes en train de jouer pleinement notre partition’’.
Selon le Conseiller économique, social et environnemental, pour les élections locales, chaque entité doit s’autoévaluer et mesurer son poids politique. ‘’Union Citoyenne BUNT-BI, dit-il, est en train de se consolider, car notre programme Sénégal Entreprenant et Solidaire mérite d’être partagé. Il reste à notre avis le meilleur programme pour avoir des communes entreprenantes et solidaires et un Etat entreprenant et Solidaire. C’est à ce niveau que l’on attend tous les partis. C’est ainsi que nous parviendrons à rendre encore plus fort le grand ensemble qu’est BBY’’. Et de renchérir : ‘’Ce n’est pas une décision de la coalition, c’est notre décision. Nous sommes un parti membre fondateur de BBY, solidaire dans les choix et autonome quant à notre offre politique destinée à nos compatriotes’’.
La donne Idy
Cela dit, certains pensent que celle-ci devrait revoir son mode de fonctionnement. A ce propos, estime Maitre Sèye, lors de la dernière réunion des leaders, il a été décidé de créer une structure de coordination, pour qu’il y ait une coordination plus huilée entre la Conférence des leaders et les coalitions et partis. ‘’Je pense que ce serait une bonne chose pour permettre que les informations issues de la Conférence des leaders puisse être rapidement portée à la connaissance des bases. Pour qu’aussi, les doléances issues des bases puissent être rapidement remontées au sommet. Benno est une forte coalition, qui regroupe beaucoup de partis politiques, peut-être même 165 partis et mouvements politiques, qui a une longévité qu’aucune coalition n’a jamais eu au Sénégal’’.
Par ailleurs, pendant que de nombreux observateurs estiment que les arrivées de Idy et des dissidents du PDS ont suscité tension et jalousie au sein de la coalition présidentielle, Maitre Ousmane Seye tempère : ‘’Moi, je ne réfléchis pas en termes de premiers venus, derniers venus… Tous ceux qui adhèrent au projet doivent être mis sur le même pied d’égalité. Ces partis ont quand même assez d’expérience et leurs responsables sont dans le champ politique, depuis bien longtemps. Mais, autant ils sont invités à prendre des responsabilités, autant les autres également doivent être associés à la gouvernance’’.