Accusé d’être proche d’Amadou Ba, attaqué par des ténors de l’Alliance pour la République, le délégué général à la DER, Papa Amadou Sarr, défie tous ses détracteurs et fonce sur ses ambitions. EnQuête revient sur cette rude bataille qui est loin de livrer tous ses secrets.
Il est d’une assurance à toute épreuve. Lui, c’est Papa Amadou Sarr. Malgré les critiques acerbes qui viennent surtout de son propre camp, l’Alliance pour la République, il reste imperturbable. Sur une vidéo qui a été rendue virale, il y a de cela quelques semaines, on voyait des partisans du pouvoir, à Diamniadio, le huant, l’invectivant, le menaçant et l’accusant de desservir le président de la République. Il allait à leur rencontre avec une fougue propre aux jeunes pour leur dire : ‘’Avez-vous déposé des projets, avant de m’accuser de ne pas vous financer…’’. Les jeunes de répondre par l’affirmative, avant de lui jeter en pleine figure qu’il est un incapable. Trois choses reviennent souvent dans les accusations : de ne pas impliquer les élus, d’être proche de l’ancien ministre des Affaires étrangères Amadou Ba, de ne pas être un militant convaincu de l’Alliance pour la République. Avec un ‘’courage’’ qui titille le suicide, il n’hésite jamais à monter au front pour apporter des clarifications. Œil pour œil, dent pour dent !
Une chose est sûre. Le délégué général de la DER (Délégation à l’entreprenariat rapide) ne fait pas l’unanimité dans les rangs de l’Alliance pour la République. Pour les élus qui réclament sa tête, c’est parce qu’il a ‘’échoué’’. Pour lui, il faut chercher les raisons ailleurs. Aux maires qui persistent à dire qu’ils n’ont jamais vu un bénéficiaire dans leur commune, il rétorque sans ambages : ‘’La Der n’a pas à divulguer les informations financières concernant les bénéficiaires à des élites quels qu’ils soient et ça c’est un fait sur lequel nous n’allons pas transiger. Et si c’est pour dire que je dois passer par eux pour accorder des financements dans leurs communes, ou c’est eux et elles qui doivent me donner la liste des bénéficiaires, ça ils peuvent toujours chercher, je ne le ferai pas’’. Pour lui, les financements de la Der ne sont pas octroyés à des maires ou à des politiques de n’importe quel bord qu’ils puissent être, mais à des entrepreneurs de tout le pays.
Suite à ces réponses cinglantes, des pontes du régime se sont joints à la lutte. Parmi eux, il y a Aliou Sall, président de l’Association des maires du Sénégal et non moins frère du président de la République, qui critique vertement les méthodes de Pape Amadou Sarr. Dans la foulée, le bonhomme de 42 ans, ancien de la Fondation Bill et Melinda Gate, réagit dans Jury du Dimanche contre ses détracteurs. ‘’Je défie quiconque, demain si je quitte la DER, la personne, homme ou femme, qui prendra ma place ne pourra faire mieux que ce que j’ai fait. Avec les ressources dont je dispose, nous avons un bilan satisfaisant et très honorable. Certains le prendraient comme de la prétention, mais c’est un fait. Nous avons su mettre dans l’économie sénégalaise, en moins de 3 ans, plus de 60 milliards FCFA. Nous avons pu lever plus de 74 milliards avec des bailleurs internationaux pour financer les startups et les entrepreneurs du Sénégal…’’.
Revenant sur les huées lors du conclave des maires, il révèle : ‘’Je les comprends. Il n’y a aucun problème. Je suis entré dans la salle avec la conviction que je vais être hué. J’ai été averti : on m’avait dit : n’y allez pas, parce qu’on va vous huer. On a même payé des gens pour le faire. J’ai les preuves et même les montants. Des gens ont payé 1,5 million FCFA pour qu’on me hue’’.
Pour trouver ses ennemis, Pape Amadou Sarr n’a pas besoin de chercher loin. Outre les élus locaux et les jeunes qui le huaient, Aliou Sall qui a fait une sortie incendiaire contre sa personne…, une information plus ou moins cocasse a aussi été portée à notre connaissance au cours de cette enquête sur les raisons de cette guerre. Papa Sarr ferait aussi l’objet de représailles de la part de Racine Talla qui utiliserait la RTS pour saboter son œuvre. Selon certaines informations, récemment, dans une rencontre tenue dans le département de Rufisque, il a fait face, à l’ultime moment, à un boycott de la télévision nationale. Son staff de communication a dû remuer ciel et terre pour avoir une solution alternative.
Pour le moment, dans cette guerre contre des ténors du régime, le DG peut compter sur le grand patron, en l’occurrence le président de la République
Sur un autre registre, il est reproché à Pape Amadou Sarr de ne pas être très marron-beige. Amené dans le pays en 2015 par le président de la République, Amadou est accusé d’être plus un boy de l’ancien ministre des Finances Amadou Ba qu’un militant de l’Alliance pour la République. Mais, selon la défense, il s’agit tout simplement de mettre la République au-dessus. Face à Mamoudou I Kane, il se défend : ‘’On me reproche de ne pas être du parti et tout. Moi je suis républicain ; je crois aux valeurs républicaines. C’est la République qui m’a éduqué, qui m’a donné une bourse, la chance de partir en France pour étudier…’’.
Quant à l’accusation selon laquelle il est proche de l’ancien ministre Amadou Ba, il précise et assume : ‘’Je le dis clairement : si c’est un critère pour rester dans le gouvernement, je pense que je ne resterais pas. J’attache de l’importance à la loyauté, la sincérité et l’amitié. Le chef de l’Etat, qui m’a confié à l’ancien ministre des Finances, quand je suis rentré fin 2015, lui avait dit : je veux que vous me tropicalisiez ce jeune, vous le formiez à l’administration. Depuis ce jour, on ne s’est pas quitté. Il m’a pris comme son fils. On s’est vu samedi et il m’a conseillé d’aider le Président Sall. Il ne pose jamais un acte contraire aux intérêts de la République. Si mon poste doit être mis sur la sellette, parce que je suis proche d’untel, je pense qu’il le sera’’.
Financements partisans
Interpellé sur les financements partisans, il répond : ‘’Nous, on ne choisit pas qui bénéficie des financements. On se base sur des demandes. Le problème est que beaucoup n’y croyaient pas, parce que comme vous le dites : ils pensaient que ces financements, c’est pour les gens du pouvoir. Heureusement, l’histoire me donne raison, parce que ce sont les partisans du pouvoir qui me critiquent le plus, qui me huent et qui m’humilient comme le dit une certaine presse. Il est inconcevable que des journalistes soient payés à coup de millions pour dénigrer une institution, une personne… Comme disent les Anglais : c’est first come first served’’.
A l’entendre, les preuves ne manquent pas. Il invoque ces jeunes de la mouvance présidentielle qui étaient passés chez lui avec un gros carton justifiant leur appartenance à la mouvance présidentielle. Il peste : ‘’Je leur ai dit qu’il faut aller voir ailleurs. Cela m’a valu des remontrances, mais je n’ai pas transigé. Je peux aussi vous citer ces jeunes de Y en a marre, de Pastef, du PDS et tant d’autres qui ont bénéficié de nos financements. Nous ce qui nous intéresse, c’est la République. Et c’est ce que nous recommande le président de la République. Le bon projet, les jeunes, les femmes. L’appartenance politique n’est pas un critère pour nous’’.