Professeur Hamid Fall, inspecteur principal des impôts: « Il faut optimiser la taxation des grandes entreprises »

par pierre Dieme

Auteur du Livre « La Fiscalité dans tous ses états », le Professeur Hamid Fall évoque dans cet entretien le système fiscal sénégalais. Entre niches à explorer, le secteur informel, l’impôt sur le revenu, le Conseiller technique, chargé des réflexions stratégiques et des problématiques avancées en matière foncière domaniale, fiscale et cadastrale à la Dgid aborde tout.

Vous venez de publier un livre sur la fiscalité. Aujourd’hui, quelles sont les niches à explorer pour tirer le maximum de profit de la fiscalité?

Ce sont les grandes entreprises et le secteur informel. En effet, le système fiscal sénégalais a été revisité en 2012, avec le Code général des impôts pour en faire un nouveau code. Depuis lors, chaque année, dans le correctif budgétaire, il y a une réforme fiscale. Parce qu’un système fiscal n’est jamais parfait, il faut toujours le performer. Je pense qu’aujourd’hui nous sommes en train de réfléchir à une diminution de l’impôt sur le revenu et optimiser la taxation des grandes entreprises qui produisent de la richesse et qui ne paient pas assez d’impôts.

Il est donc possible de baisser l’impôt sur le revenu ?

L’impôt sur le revenu a été revisité il y a quelques années. Nous sommes arrivés à un système de taxation basé sur la notion de personnes à charge. Mais aujourd’hui, il y a encore une diminution à faire pour optimiser la taxation de la personne physique.

Et comment ce gap sera-t-il comblé ?

Il sera comblé par la taxe sur la valeur ajoutée  d’une part et par l’impôt sur les sociétés d’autre part. C’est pour cela que nous avons créé aux Impôts et Domaines la direction des grandes entreprises.

Parmi les niches, vous citez également le secteur informel. Comment fiscaliser ce secteur ?

J’ai inventé ce qu’on appelle la contribution globale unique pour  arriver à une taxation optimale du secteur informel. Mais sur le plan physique, elle est insuffisante. Je pense qu’il faut travailler à une plus grande taxation du secteur informel qui contribue à 60% du PIB et qui ne paie que 3% des recettes fiscales.

Mais comment ?

Quand on observe le secteur privé sénégalais, on voit une certaine dualité structurelle entre, d’une part, un secteur structuré, constitué par un nombre relativement élevé de grandes ou moyennes entreprises et d’autre part, un secteur dit informel, non structuré, qui connait un dynamisme extraordinaire dans les domaines de l’emploi et de la distribution de revenus. Si le premier, du fait de son accessibilité, supporte l’essentiel de la pression fiscale, le second  échappe encore largement à l’impôt à cause de son caractère diffus. Compte tenu d’une telle dichotomie, la problématique fiscale ne peut être uniforme. En effet, si pour le secteur structuré, une baisse de la pression fiscale est souhaitable pour améliorer la compétitivité, pour le secteur non structuré il faut trouver l’équilibre entre un impératif de fiscalisation et le maintien, voire la conversion d’une dynamique économique. Mais il y a un lien de connexité matérielle. Entre ces deux pôles de réflexion, parce que compte tenu des contraintes budgétaires de l’Etat sénégalais, la réalisation d’un objectif suppose celle de l’autre, d’où la préoccupation actuelle des pouvoirs publics : l’élargissement de l’assiette fiscale et son corollaire, la baisse de la pression fiscale.

Dans votre livre vous parlez également d’équité fiscale. Est-elle vraiment facile à trouver ?

Pour les Etats en expansion, pour l’Etat moderne aux charges toujours croissantes, le problème est de gagner sans franchir les limites des facultés contributives réelles et psychologiques. Pour ce faire, s’il est nécessaire que l’impôt soit consenti, il est également nécessaire qu’il soit équitablement réparti. La justice fiscale n’est pas forcément liée au consentement à l’impôt, ne serait-ce que par le fait que les classes politique dominantes ne s’emploient pas à s’imposer équitablement. Du reste, même si elle est théoriquement établie, elle demeure soumise au jeu des forces démocratiques, lequel, par le phénomène imprécis et diffus de l’incidence, fait que, économiquement fortes, les classes politiques dominantes réussissent à s’alléger en partie de l’impôt. En réalité, le domaine de la fiscalité est en lui-même conflictuel. Il y a opposition entre, d’une part, la quête nécessaire de la productivité de l’impôt et d’autre part, la recherche de la simplicité des textes et le souci de justice fiscale.

 Propos recueillis par Oumar FEDIOR

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