Les élections locales ont été encore reportées au Sénégal pour la troisième fois consécutive.
Malgré l’hostilité d’une bonne partie de l’opposition, le pouvoir reste dans une dynamique de report et accuse même l’opposition d’en être la cause du fait de l’audit exigé du fichier électoral lequel est en cours.
Les citoyens, les acteurs politiques et ceux de la société civile ne manquent pas de s’interroger sur l’opportunité de tels reports qui portent une atteinte grave à un principe démocratique fort : le respect du calendrier républicain.
En effet, personne n’ignore que le mandat donné par le peuple souverain à un élu n’est pas ad vitam aeternam. Il est circonscrit dans un délai au terme duquel le mandat prend fin.
Ainsi, du fait que les échéances électorales sont connues des années à l’avance, l’Etat en charge de l’organisation des élections doit prendre toutes les dispositions pour que ces dernières aient lieu.
Malheureusement, par des subterfuges comme le dialogue politique source de consensus en la matière, les autorités rechignent à organiser ces élections.
Si l’on en croit Me El Hadji Diouf qui n’a jamais été démenti après ses allégations, le Président de la République aurait lui-même dit lors d’une rencontre ses alliés de la coalition Benno Bokk yakaar, qu’il ne veut pas entendre parler d’élections d’ici 2024.
C’est dire que nous ne sommes même pas sûrs que les législatives aient bel et bien lieu en juillet 2022.
Qu’à cela ne tienne, il importe de faire remarquer que depuis mars 2019, date de la dernière présidentielle, le Président Sall rechigne à organiser des élections.
Et tout indique les dialogues politiques ne sont agités que la nécessité d’un report se fait ressentir.
Or, on ne peut pas prétendre avoir gagné la présidentielle avec le score confortable de 58% et tout faire pour ne pas organiser des locales ou des législatives.
Tout se passe comme si le pouvoir ne voulait pas que les locales trahissent une autre réalité que celle exprimée au cours de la présidentielle.
Pis, les derniers évènements consécutifs à l’arrestation d’Ousmane Sonko nous confortent dans notre conviction que les autorités ne sont pas du tout pressées d’aller à des élections.
Il serait également dommage que les législatives subissent le même sort avec un soi-disant consensus qui se fait sur le dos du peuple, seul dépositaire de la souveraineté.
Certes, il est fastidieux de devoir aller à des élections tous les ans, mais la démocratie a un coût.
Le fait de permettre au citoyen de choisir ses représentants, le met en confiance et lui donne un sentiment d’importance qui assure largement la paix sociale. C’est pour cette raison que les élections ont un rôle beaucoup plus important que celui seulement d’élire des représentants.
C’est le moins le plus sûr de permettre au citoyen de participer directement au processus de légitimation des élus, donc à la gestion indirecte des affaires de l’Etat.
On peut donc penser que le peuple réclame ses locales. Certains ne veulent plus voir leurs Maires présider à leur destinée. D’autres souhaitent se faire élire et tout ce beau monde ne sait plus à quelle date se fier.
En tout état de cause, les pouvoirs publics doivent se convaincre que la vitalité démocratique est largement tributaire d’une bonne organisation des élections qui passe d’abord par le respect des délais.
Fouler du pied cela, c’est manquer du respect au mandant, le peuple, de la part de mandataires, les élus qui outrepassent ainsi leurs pouvoirs.
C’est de cette façon et tant d’autres que l’on arrive à transformer un pouvoir en le rendant monarchique parce que le peuple aura le sentiment d’avoir été snobé.
C’est pour cela que le Sénégal doit s’orienter dans le sens de la mise en place d’une Haute autorité chargée des élections.
Cet organe aura ainsi en charge tout le processus électoral. Plus que la Commission électorale nationale autonome (Cena), elle se suppléera à l’administration électorale.
Un tel organe composé de personnalités qui font l’unanimité aura l’avantage d’évacuer tout contentieux électoral futur et d’éviter ainsi les tensions post-électorales.
Assane Samb