Ousmane Sonko semble avoir pris une longueur d’avance sur Khalifa Sall et Karim Wade. D’où la nécessité pour ces derniers de s’unir avec le leader du Pastef pour défendre ensemble la démocratie et retrouver leur droits civiques et politiques
Trois années nous séparent de l’élection présidentielle de 2024 si cette échéance n’est pas reportée bien sûr. D’ici là, il est raisonnable de s’attendre à une recomposition politique. En particulier du côté de l’opposition qui se cherche pour faire face au régime du président Macky Sall. Khalifa Sall, Karim Wade et Ousmane Sonko sont pour le moment les potentiels candidats à cette présidentielle. Et ce même si, les deux K n’ont pas leur destin en main car il leur faudra retrouver leurs droits politiques et civiques. Autrement dit, il faudra qu’ils bénéficient d’une amnistie pour pouvoir participer à la prochaine présidentielle. Pour avoir une idée de ce que sera cette recomposition politique attendue, Le Témoin a accroché quelques spécialistes. Pour Pr Moussa Diaw de l’Ugb, Ousmane Sonko semble avoir pris une longueur d’avance sur ses deux autres concurrents en occupant le terrain politique. Ce, contrairement à Khalifa Sall et Karim Wade. D’où la nécessité pour ces deux derniers, selon l’analyste politologue Mamadou Sy, de s’unir avec le leader du Pastef pour défendre ensemble la démocratie et retrouver leur droits civiques et politiques !
Une reconfiguration politique semble se dessiner du côté de l’opposition depuis les visites de courtoisie du leader de Pastef aux leaders de partis qui l’ont soutenu durant l’épreuve qu’il a traversée. Depuis son placement sous contrôle judiciaire, Ousmane Sonko ne cesse d’appeler l’opposition à l’une unité pour faire face aux « dérives » du régime de Macky Sall et combattre l’injustice que, selon lui, ce dernier aurait installée dans le pays. Même si certains le présentent incontestablement comme le leader de l’opposition, M. Sonko a affirmé publiquement qu’il ne s’est jamais intéressé au titre qui lui est l’attribué. Peut-on parler déjà de recomposition ou reconfiguration politique à trois années de la présidentielle de 2024 ? Une chose est sûre, selon les analystes politiques, Ousmane Sonko, Khalifa Ababacar Sall et Karim Maissa Wade sont les trois figures de l’opposition que l’on pourrait considérer comme de potentiels successeurs de Macky en 2024. Cependant, le leader de Taxawu Ndakaru et Wade-fils doivent d’abord retrouver leurs droits politiques et civiques pour être éligibles. Ce qui passe par une amnistie que leur accorderait le président Macky Sall qui les avait déjà graciés. « En ce qui concerne les cas de Khalifa Sall et Karim Wade, ces deux sont sous contraintes judicaires. Il y a une pesanteur sur eux comme une contrainte majeure. Il faut naturellement que ces contraintes-là soit levées. Et cela dépendra du bon vouloir du président de la République de les amnistier. S’ils ne bénéficient pas de cette amnistie, alors leur participation aux élections serait problématique. Maintenant, c’est l’une des revendications des défenseurs des droits de l’homme de demander à que ces deux leaders retrouvent leurs droits civiques. Ce afin de pouvoir mener comme les autres des activités politiques. Dans le cas où cette revendication serait satisfaite, on ira vers une recomposition. C’est à ce moment-là seulement qu’il faudra s’attendre à une recomposition de la scène politique. Et que tous les leaders pourraient participer librement à la présidentielle où la compétition se fera en fonction de leur capacité à unir leurs forces pour faire face à la majorité », théorise le Pr Moussa Diaw de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.
Pr Moussa Diaw de l’Ugb : « La recomposition de l’opposition se fera avec ou sans Khalifa Sall, Sonko et Karim Wade »
Pour le moment, tous ces facteurs ne sont pas encore réunis. Mais l’enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint Louis soutient que, de toute façon, la recomposition politique se fera avec ou sans eux. A l’en croire, il y aura une recomposition autour d’un certain nombre de leaders comme Ousmane Sonko ou autour de quelqu’un d’autre. « Même s’ils ne recouvrent pas leurs droits civiques, il y aura recomposition forcement. Il y aura recomposition autour d’un certain nombre de leaders. Reste maintenant à définir les modalités. Dans tous les cas, compte tenu de la posture d’Ousmane Sonko, il pourrait être l’homme politique autour duquel pourraient se former les alliances. D’ailleurs, je pense qu’il milite dans ce sens par ses rencontres, ses échanges avec les autres leaders qui s’inscrivent dans cette dynamique de consolidation de l’opposition, de mettre en place un cadre de concertation qui pourrait déboucher sur des alliances électorales. Cela dit, il reste à voir, en fonction du temps, si la majorité se laissera faire. C’est ça la grande question. Que va-t-elle-faire par rapport à la mobilisation de l’opposition ? », s’interroge l’analyste.
Une possibilité d’alliance entre Sonko- Khalifa Sall
Selon toujours le Pr Moussa Diaw, il est fort possible qu’une alliance puisse se former entre le leader de Tawaxu Dakar et le président des « Patriotes ». Il ne croit pas qu’une alliance puisse se nouer entre Karim Wade et Khalifa Sall encore moins entre Karim Wade et Ousmane Sonko. « Peut-être une alliance entre Khalifa Sall et Ousmane Sonko. Ils ont beaucoup échangé. Et ils semblent être d’accord sur un point. Ils peuvent s’allier. Parce qu’on a vu Barthélémy Dias s’activer dans ce sens. Donc, il y a possibilité d’alliance entre ces deux leaders-là. Peut-être qu’ils vont être rejoints par d’autres. Tout est possible. De toute façon, il y aura des combinaisons et des recombinaisons et des pôles qui vont se constituer au niveau de l’opposition. Karim Wade, on ne sait pas encore. On ne sait quelle attitude il aura devant ces pôles- qui vont se constituer. Est-ce qu’il va les intégrer ? Va-t-il constituer un pôle ailleurs ou y aller seul ? Personne ne peut le dire pour le moment. Une chose est sûre, au Pds, les militants sont en train de s’entredéchirer du fait que le père du parti prend de l’âge. Et qu’il n’y a pas une personnalité qui assure l’intérim et à qui on peut faire confiance pour mener le combat. Le Pds est en léthargie. On verra s’il va être relancé si jamais Karim revenait. C’est vrai que ça va donner du tonus à ce parti et lui permettre de jouer vraiment son rôle dans le clivage politique sénégalais » indique encore le Pr Moussa Diaw de l’UGB.
Ousmane Sonko, pas encore à l’abri de se retrouver dans la même situation que les 2K !
Le leader de Pastef Ousmane Sonko, sous contrôle judiciaire dans l’affaire qui l’oppose à la masseuse Adji Sarr pour un présumé viol et des menaces de mort, pourrait se retrouver dans la même situation que Khalifa Sall et Karim Wade. C’est-à-dire que son casier judiciaire pourrait constituer une entrave pour son avenir politique, si toutefois il était condamné et emprisonné, selon le Pr Moussa Diaw pour qui tout dépendra des rapports de force. « Comment vont évoluer ces rapports de force ? Est-ce que, malgré ce problème qu’il a vécu, il pourra s’adonner tranquillement à ses activités politiques ? Car, sur le plan judiciaire, rien n’est encore réglé. On ne sait pas encore comment ce dossier va se terminer. Est-ce qu’il y aura un jugement ? Tout dépendra de la situation. Donc on est dans ce climat-là. Mais il n’empêche, d’ailleurs Ousmane Sonko l’a dit au juge, me semble-t-il, que même si on l’empêche de parler de l’affaire, il a une marge de manœuvre politique qui lui permet de rencontrer beaucoup de leaders politiques, de la société civile et tous les soutiens dont il a bénéficié quand il était entre les mains de la justice », a ajouté le Pr Moussa Diaw.
Mamadou Sy Albert « Pourquoi Khalifa Sall et Karim Wade doivent s’unir avec Ousmane Sonko ?»
Albert, si Ousmane Sonko se retrouvait dans la même situation que Khalifa Sall et Karim Wade ce serait un scénario catastrophique pour l’opposition. En effet, estime-t-il, si Ousmane Sonko ne sort pas libre de cette affaire qui l’oppose à la masseuse, et que Khalifa Sall et Karim Wade ne bénéficient pas d’une amnistie, le pouvoir n’aura pas d’adversaire sérieux en 2024 « C’est l’enjeu que pose l’unité de l’opposition. S’ils n’arrivent pas à réaliser l’unité pour faire face à la majorité, c’est sûr que cela fera l’affaire de la majorité. Je crois que ça va être extrêmement difficile pour que l’opposition trouve un sérieux candidat si ces trois-là ne fédéraient pas leurs forces » a précisé Mamadou Sy Albert.
Ce que Ousmane Sonko gagnerait si Karim Wade et Khalifa Sall ne recouvrent pas leurs droits !
Une potentielle alliance entre les trois hommes politiques peut être faite pour les élections locales, à en croire le politologue. Toutefois, il estime qu’une telle alliance ne pourrait pas durer car, soutient-il, aucun de ces trois ne cache ses ambitions présidentielles pour 2024. Pour l’instant, selon le doyen Mamadou Sy Albert, il urge pour Khalifa Sall et Karim Wade de se coaliser avec le leader du Pastef pour défendre la démocratie ensemble. Il convient surtout, à ses yeux, qu’Ousmane Sonko défende les droits de Khalifa Sall et Karim Wade. « Il y a une recomposition de l’opposition. Pour préparer les élections locales, ils ont au moins un consensus sur la nécessité d’aller ensemble. Cela dit, il se pourrait que cette recomposition ne dure pas jusqu’en 2024. Parce que tous les trois c’est-à-dire Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Karim Wade ont des ambitions politiques. Aucun d’eux ne cache son ambition présidentielle. Encore une fois, Khalifa et Karim Wade ne savent pas réellement s’ils vont retrouver leurs droits civils et politiques. Donc est ce qu’ils vont se désister en faveur d’Ousmane Sonko comme Khalifa Sall l’avait fait pour Idrissa Seck en 2019 ? Est-ce qu’ils vont faire la même chose en 2024 pour Sonko ? Ça peut être possible. Je crois qu’Ousmane Sonko doit se battre d’abord pour que Karim Wade et Khalifa Sall puissent retrouver leurs droits. L’enjeu pour Sonko, c’est d’avoir à ses côtés Khalifa Sall et Karim. Si jamais ces derniers ne retrouvent pas leurs droits politiques et civiles, ils pourront le soutenir Ousmane Sonko à la prochaine élection présidentielle. Même pour les locales, ils peuvent accepter qu’Ousmane Sonko soit le chef de leur liste. Donc, Sonko serait avantagé si jamais Khalifa et Karim n’étaient pas amnistiés. Dans ce cas de figure, c’est sûr et certain que leur électorat ira vers le camp de Sonko. C’est ce qui s’est passé en 2019 avec le leader de Rewmi Idrissa Seck. Je crois que c’est ce scénario qui est le plus probable, si jamais Karim et Khalifa ne retrouvent pas leurs droits. Dans ce cas, c’est sûr et certain, Ousmane Sonko aura un gain politique » a conclu l’analyste politologue Mamadou Sy Albert.