La coalition majoritaire au pouvoir, Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) joue son va-tout pour faire oublier l’épisode de la série des manifestations meurtrières qui ont «fortement secoué l’Etat et les institutions de la République» sur l’ensemble du territoire national, suite à l’interpellation d’Ousmane Sonko. Cependant, cette campagne de séduction, à travers l’organisation de grands rassemblements de remobilisation des troupes en perspective des prochaines échéances électorales, semble plombée par plusieurs questions dont celle de l’emploi des jeunes, la décision prise par le chef de l’Etat de se séparer de certains tenors de son parti lors du remaniement ministériel du 1er novembre 2020 dernier.
Mise à rude épreuve par la série des manifestations meurtrières qui ont «fortement secoué l’Etat et les institutions de la République» sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora suite à l’arrestation du leader de Pastef, Ousmane Sonko, lesquelles semble donner un nouveau souffle à l’opposition, la coalition majoritaire au pouvoir, Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) n’a pas mis de temps pour tenter de répliquer.
Le week-end dernier, de Dakar au Fouta, plusieurs manifestations ont été organisées, drainant plusieurs centaines de personnes. Seulement, ces rassemblements, organisés par des responsables du régime en place dans le cadre de la bataille de l’opinion ne se sont pas tous passés comme prévu. A Dakar, l’Assemblée générale de rassemblement des responsables du parti au pouvoir à Pikine s’est soldée par une bagarre. Alors qu’au Fouta, la démonstration de force des partisans du chef de l’Etat a été polluée par une contre manifestation des jeunes de la localité qui ont dénoncé leur mise à l’écart dans les financements destinés aux projets des jeunes. Il faut dire que cette situation renforce le sentiment qu’il va falloir au président Sall et ses alliés plus que des meetings et autres rassemblements politiques pour faire oublier le tsunami de la contestation qui a endeuillé le pays et causé des centaines de blessés, entre le 3 et le 8 mars dernier, très favorable à l’opposition qui semble désormais avoir le vent en poupe.
Le défi de la majorité en place est d’apporter des réponses à la vague d’insatisfactions consécutives au bilan mitigé des réalisations du régime en place. Un vague qui gagne de plus en plus des localités jusqu’ici considérées comme ses bastions électoraux, à l’image du Fouta. A cela s’ajoute également la question d’une menace sérieuse d’implosion qui mine actuellement l’unité de façade du camp au pouvoir déjà très fragilisée par le remaniement ministériel du 1er novembre 2020 dernier. En effet, la décision prise par le chef de l’Etat, Macky Sall, à la surprise générale, de remercier, lors de ce remodelage de la composition gouvernementale, plusieurs ténors de son parti, l’Alliance de la République (APR), a suscité la colère des partisans à la base de ces responsables déchus.
Parmi eux, on peut citer, entre autres, l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise et coordonnateur BBY à Dakar, Amadou Ba, Aly Ngouille Ndiaye, ancien ministre de l’Intérieur et coordonnateur départemental de l’APR à Linguère, Omar Youm, ancien ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement et coordonnateur départemental de l’APR à Mbour. Ou encore de Mouhamadou Makhtar Cissé, qualifié de «champion de la politique» dans le département de Dagana, lors de la campagne pour les législatives de 2017, par l’ancien Premier ministre, Mahamed Boun Abdallah Dionne, lui-même victime de ce dernier remaniement ministériel, et Mme Aminata Touré, ancienne présidente du Conseil économique social et environnemental (CESE) et responsable APR à Kaolack. Alors que plusieurs observateurs de la vie politique sénégalaise font le lien entre le limogeage de ces responsables et l’ambition de l’actuel chef de l’Etat de vouloir briguer une troisième candidature, cette opération de nettoyage de tout potentiel successeur autour du président Sall fragilise aujourd’hui non seulement le parti au pouvoir mais aussi plombe davantage l’avenir déjà incertain de la majorité en place, notamment son projet de garder le pouvoir jusqu’en 2035. Car, avec cette mise à l’écart des responsables politiques, l’on se demande quel candidat pour pérenniser le Plan Sénégal émergent (PSE) jusqu’à son échéance, en l’absence de Macky Sall, Amadou Ba, Aly Ngouille Ndiaye, Mouhamadou Makhtar Cissé, Mimi Touré, Boun Abdallah Dionne.
Cette question est d’autant plus légitime que l’amnistie en faveur de Khalifa Ababacar Sall et de Karim Wade est de plus en plus exigée par l’opposition et certaines organisations de la société civile. Alors qu’on est à quelques encablures de trois échéances électorales dont les municipales et départementales reportées mercredi, pour une quatrième fois, jusqu’en 2022, année à laquelle sont également prévues les élections législatives, soit deux années avant la présidentielle de 2024.