Le report des Locales, initialement prévues le 1er décembre 2019, était le premier consensus obtenu par la Commission du dialogue politique. Mais c’est aussi celui de ces échéances annoncées au plus tard le 28 mars 2021 qui vient casser la dynamique entre les différents pôles. La rupture de confiance est passée par-là. La médiation du khalife général des Mourides pourrait y faire quelque chose.
Le report des Locales, prévues au plus tard ce 28 mars, n’est pas une information. A preuve, c’est au moment où la Commission du dialogue politique se réunissait, mercredi, que le Conseil des ministres a adopté le projet de loi portant report des élections territoriales et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux. Parce que, comme l’affirmait Ndiaga Sylla, il y a eu une semaine, «devant l’impossibilité d’organiser les élections à date échue, le gouvernement devait impérativement introduire un projet pour reporter à nouveau la date des élections et proroger le mandat des élus territoriaux». Ce n’est donc qu’une étape dans ce processus de légalisation de cette décision qui sera confirmée par l’Assemblée nationale. Comme ce fut le cas d’ailleurs lorsque la Commission cellulaire avait annoncé, à l’issue de sa réunion du 1er octobre 2019, le consensus sur le report des élections locales du 1er décembre 2019. L’Assemblée nationale avait ainsi décidé de la tenue desdites élections «au plus tard le 28 mars 2021». Pourtant, il n’y a rien d’extraordinaire dans ce qui se passe aujourd’hui encore. Les pôles participant au dialogue ont chacun exprimé sa position. Il n’y a pas encore eu de consensus sur la date, puisque seule la majorité vote pour 2022 et le reste (Société civile, opposition, non-alignés) opte pour 2021. Les discussions vont sans doute se poursuivre et il appartient à l’équipe du Pr Babacar Kanté de concilier les positions. Si tant est que le principe qui a prévalu jusqu’ici anime encore les concertations politiques, le consensus est encore possible.
Serigne Mountakha Mbacké, le dialogue parallèle
Cependant, il faut le noter, et c’est compréhensible, que le contexte politique et les exigences de l’opposition ne militent pas en faveur d’un report jusqu’en 2022. Cette unité de l’opposition, renforcée par les événements nés de l’affaire Ousmane Sonko, redéfinit le rapport des forces. Mais surtout la médiation du khalife général des Mourides et le mémorandum de l’opposition pourraient peser sur la balance et tempérer la position de la majorité. Par les différents messages qu’il a livrés aux opposants et au pouvoir, Serigne Mountakha Mbacké, à travers ses émissaires, mène un dialogue parallèle qui porte aussi ses fruits. C’est son ndigël qui a annulé la manifestation du Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D) à la Place de la Nation. C’est aussi grâce à lui que le gouvernement a consenti de faire libérer tous les détenus qualifiés de «politiques». Si la commission politique n’arrive pas à réconcilier les positions, le khalife des Mourides, à qui l’opposition a remis ses revendications dont les Locales en 2021, pourrait aussi jouer ce rôle.
Responsabilité partagée
Le Front de résistance nationale (Frn) considère, en effet, que «ce nième report relève de la seule et unique responsabilité du pouvoir» qui vient seulement de l’informer, «ce jour 24 mars 2021, que l’évaluation du processus électoral va démarrer le 1er avril 2021». Il y a aussi la responsabilité de l’opposition qui, parmi ces conditions, avait exigé l’audit du fichier et l’évaluation du processus après la réélection au premier tour de Macky Sall, laquelle étant «irrégulière» pour les candidats malheureux qui n’avaient pas cependant introduit des recours devant le Conseil constitutionnel. Il est vrai, en revanche, qu’il y a eu, comme le souligne le Frn dans son communiqué, des «lenteurs administratives» de la part du gouvernement qui n’a pas agi très tôt pour le choix des experts et des partenaires techniques et financiers pour la réalisation de ces deux points majeurs dont dépendent des élections incontestables. Si, comme le rappellent Moctar Sourang et ses camarades, l’audit du fichier a démarré depuis mi-février 2021, «l’évaluation du processus électoral, de la refonte partielle de 2016 à la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2019», est, elle, prévue pour une période de 6 mois. En principe, elle devrait être bouclée en septembre. L’hivernage a souvent été un argument défavorable à la tenue d’un scrutin. L’opposition en est bien consciente et c’est pourquoi elle pense au plus tard décembre 2021 pour être au moins à 6 mois des Législatives de juillet 2022.