Au Sénégal, la nation a précédé l’Etat, aimait à dire le Président Léopold Sédar Senghor, son premier dirigeant, mais s’il était encore en vie, il n’aurait que ses yeux pour pleurer la mort, simultannée, des deux, qui s’écroulent désormais, sous la pression d’un même mouvement.
Senghor devrait se réveiller. Il ne serait pas revenu de ce qui reste du projet national et étatique dont il rêvait à haute voix à chacune de ses sorties, au point de le proposer au reste d’un continent alors travaillé par des forces de disruption déjà déconsolidantes.
C’est maintenant le tour du Sénégal d’en être la cible. Et pour commencer, sa nation, qu’il croyait soudée par des siècles d’interactions sociales, mais qui n’est plus animée que par la perspective d’une Rwandaisatiion, de se retrouver au fin fond de déchirements inter-éthniques, si rien n’est fait pour arrêter le péril montant autour d’elle.
Ce n’est pas que la nation qui est fragilisée. Son Etat aussi. Lancé dans une entreprise de construction à l’aube de l’indépendance, qui faisait l’envie bien au-delà même de l’Afrique, il se déconstruit sous l’effet d’une cohorte de bandits, dirigé par celui qui n’est plus que le boucher de Dakar, pour sa propension à assassiner, de sang froid, en l’occurence Macky Sall.
La nation sénégalaise est donc la première victime en perspective de ce qui remet en question une grande entité s’étendant du Blouf au Fogny, du Fouta au Djolof, du Baol au Cayor jusqu’aux confins du Niokolo.
Elle est menacée par un péril génocidaire dont le théoricien s’est dévoilé, avant-hier, à Matam, dans la région du Fouta. Celui qui a envoyé des secousses telluriques à travers tout le pays par ses propos on ne peut plus irresponsables l’a fait devant une foule chauffée à blanc, alors qu’il était en compagnie de l’inculte Farba Ngom, griot de son état, troubadour au long cours, ancien rabatteur dans les transports publics et de femmes, sans doute, visage barré d’une moustache hitlérisée. C’est donc Malick Sall, devenu monstre à force de fréquenter des lieux peu recommandables, qui a pris sur lui de jouer au Joseph Goebbels local, sans craindre d’inviter les décentes populations de cette fière terre du Nord du Sénégal, à se mobiliser pour exterminer quiconque se dresserait, même à bon droit, sur la voie du pouvoir impopulaire et incapable, immoral, qui lui a donné le strapontin, la voix, pour qu’il puisse hélas s’y appuyer et haranguer les foules vers les tueries de leurs prochains.
La vie de ce médiocre individu est révélatrice de ce qu’il est capable de faire pour exister.
C’est en faisant croire au minable Macky Sall, arrivé à la tête du Sénégal par effraction, en manoeuvrant, volant, fraudant, pillant et mentant, qu’il ne pouvait s’y maintenir qu’en jouant la carte éthnique que Malick Sall a, lui aussi, gravi les échelons, en faussaire, qui a menti aux Sénégalais en se présentant en « avocat international à Londres » lors de sa nomination, contre toute évidence.
Il ne lui restait ensuite qu’à promettre à son nouveau maître qu’il pouvait me mettre hors d’état de le tourmenter par mes révélations et analyses sur ses crimes et ses malfaisances pour réaliser ce que rien dans ses compétences (inexistentes) encore moins dans ses louchetés ne le prédestinait à assumer -une charge ministérielle.
Qu’on ne s’y trompe pas: le discours prononcé à Matam est l’anti-thèse d’une réthorique fondatrice, il a plutôt donné le coup d’envoi à la chasse à l’homme, dans une logique génocidaire que Malick Sall cultive depuis qu’il a pu s’infiltrer au coeur de l’Etat-nation. Ce qu’il a dit est trop grave pour être passé par pertes et profits. En restant silencieux, en n’exigeant pas son limogeage et son jugement, les Sénégalais auront avalisé ce qui résultera en traduction concrète, sanglante, de son discours haineux.
On sait ce que ça a donné au Rwanda, en 1994 quand l’Organisation des nations-unies, une communauté internationale fatiguée des contre-performances africaines et les peuples du continent, en commençant par celui de ce pays des Grands Lacs, ont bouché yeux et oreilles pour ne mesurer l’impact prévisible des propos génocidaires qui y tonnaient.
La nation sénégalaise qui était son atout discriminant ne l’est donc plus et ce qui en rend la portée plus dangereuse c’est que son assassinat coïncide avec celui déjà avancé de l’Etat.
Tout le monde le sait: même obtenir une pièce d’Etat civil, sans corrompre, recevoir une réponse à un courrier administratif, rencontrer un oficiel capable de tenue et retenue, d’équité, dans la gestion des affaires publiques relève de la quadrature du cercle.
A la tête du pays, se trouve un informel dont l’expertise se résume à se servir des leviers de l’Etat pour le piller et en partager les dépouilles avec sa côterie. Le dernier exemple en date: après avoir pris les ressources pétrogazières, via la nébuleuse Petrotim, il vient de donner, sans due diligence ni appel d’offres, le marché d’une plateforme portuaire sur les hydrocarbures à ses copains. Quand le Gabon annonce sa campagne de vaccination contre la pandémie du Covid avec des vaccins « donnés » par la Chine, Ali Baba Sall, lui, s’est permis de dire aux Sénégalais que les vaccins offerts par Pékin ont été achetés par le Trésor public. Les sous sont, bien sûr, allés dans sa poche. L’Etat n’offre plus un traitement égal à ses citoyens ni dans les emplois ni dans le partage des richesses nationales. Seuls 2 pour cent de la population, souligne le politicien-économiste, Malick Gackou, concentrent sur eux les 98 pour cent de la prospérité nationale, le reste du peuple vivote, exclu. L’Etat se meurt sous le genour de Macky Sall avec les dénis et abus de droits, les violences policières, les assassinats en plein jour sans poursuites ni informations judiciaires, et que la présence de l’Etat dans la plupart des régions se réduit à des spectacles folkloriques, égocentriques, déclinés par des roulements de r pour frimer devant des populations délaissées, affamées, malades, moribondes. Les décisions étatiques, qui touchent à sa bourse, sont en plus prises n’importe comment, par un seul type, qui décide d’octroyer marchés et milliards à qui il veut, sans consultations ni du peuple ni de l’Assemblée nationale, sans même que ses choix fassent l’objet d’un arbitrage pour voir où se trouve l’intérêt du pays. Et la presse se flatte de reproduire sans les interroger de tels engagements financiers fleurant bon le braquage du trésor public, en se vantant d’en avoir l’exclusivité…C’est le comble.
L’Etat est une insulte face aux attentes des Sénégalais. Il n’est plus qu’une serpillère, absent là où son action est souhaité sur les biens publics essentiels, incapable de produire rails, routes, hôpitaux, écoles, encore moins de l’espoir, puisqu’il n’est omniprésent que là où son oeuvre est destructurante, sur le terrain de la violence et des violations des normes primordiales.
Ce n’est donc pas surprenant qu’hébété, le monde entier a vu, voici quelques-jours, le Sénégal tomber de son piedestal. Ce que cache sa banqueroute systémique, annonciatrice de la fin d’un régime failli, risque de mettre sens dessus dessous jusqu’aux cimetières où Senghor et les bâtisseurs du patrimoine matériel et immatériel, de la nation et de l’Etat, croyaient pouvoir trouver un sommeil du juste.
Des Malick Sall, Farba Ngom, Antoine Diom, à la suite de Macky, le boucher de Dakar, sont passés par là : l’herbe ne repoussera plus. Ils ont détruit un grand projet. Etat et nation, au Sénégal, sont à l’article d’une mort conjointement planifiée et exécutée.
C’est une belle histoire que des pantins sans foi ni loi ont piratée pour la déchiqueter. Qui pouvait l’imaginer? Pas Senghor, certainement.
Adama Gaye* est un opposant en exil du régime de Macky Sall, le boucher de Dakar, architecte des derniers assassinats qui ont coûté la vie à une quinzaine de jeunes sénégalais.
Bye-bye, Etat et nation…Par Adama Gaye*
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