Mbow: Un anniversaire incongru Par Adama Gaye*

par pierre Dieme

Ce 20 mars est un grand jour de…honte pour l’homme qui fête son centenaire.

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Jusqu’au bout de son rêve pharaonique, Amadou Makhtar Mbow s’est donc encore entêté à se faire sa fête aux côtés de Macky SALL, le Boucher de Dakar, malgré ses mains dégoulinant du sang des martyrs qu’il a froidement assassinés, voici à peine une dizaine de jours.

C’est du Mbow pur. Comme lorsqu’il avait tenu mordicus à briguer un mandat de trop, le troisième, le fatal pour sa carrière à la tête de l’UNESCO qu’il avait menée au bord de l’asphyxie financière puisqu’elle était alors privée de 33 pour cent de ses recettes budgétaires du fait des retraits de l’organisation de trois de ses principaux contributeurs: USA, UK et Singapour.

C’était en 1987, malgré les réticences d’une OUA, alors présidée par le Zambien Kenneth Kaunda, qui avait senti le peu d’enthousiasme du Président sénégalais, Abdou Diouf, à soutenir cet ultime coup de force de Mbow face à un monde Occidental dirigé par le duo néo-conservateur, Ronald Reagan-Margaret Thatcher.

Revenu d’un séjour aux USA, je me revois encore dans son bureau l’interrogeant sur le sens de cette candidature dont l’annonce avait surpris, dérouté, le monde entier tant elle relevait de la provocation. Après des années de bras de fer face aux puissances du monde qui ne voulaient plus le voir en peinture, Mbow, dans une bravade sans raison, décida seul d’y aller.

Face à lui alors, j’entends son ton plein de certitudes.

C’était l’évidence: cet homme était atteint d’un mal. Il était porté par un syndrome d’hubris, et n’en faisait plus qu’à sa tête, s’imaginant en sauveteur d’un monde auquel il voulait imposer son nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (Nomic) qu’il disait destiné à rééquilibrer les flux de l’information mondiale et à corriger l’image tronquée sur le tiers-monde.

Ses critiques, eux, surtout des praticiens du journalisme américain n’y voyaient qu’un instrument de domestication de l’information au service de ses amis dictateurs socialistes africains.

L’idée du Nomic connut la même fin que celle brutale qui arrêta la course aveugle d’un homme, conséquence de sa honteuse défaite pratiquement dès le premier tour de l’élection pour désigner le patron de l’UNESCO cette année-là.

J’étais présent au siège de l’organisation, Place Fontenoy, à Paris, quand, sortant la mine défaite de la salle du Conseil Exécutif qui menait les opérations, Mbow s’en alla directement au 14eme étage vers ce qui n’était plus que ses ex-bureaux en puissance.

Face à des candidats lourds, dont certains furent montés de main de maître, tels le ministre Pakistanais des Affaires Étrangères, un éminent scientifique Marocain et une dame des Caraïbes, il n’avait surtout pas vu venir le coup de massue.

À l’arrivée, tirée de leur chapeau, les Occidentaux mirent sur la table la candidature de l’espagnol Federico Mayor qui avait démissionné, deux ans plus tôt, de l’UNESCO. Il fut élu le 7 novembre 1987.

Les conditions de l’humiliation de Mbow furent si puissantes que pendant longtemps les portes des grands postes internationaux furent fermées aux candidats africains, classés comme pouvoiristes du fait de la boulimie de notre compatriote déchu.

Trente quatre ans plus tard, après cette pantalonnade qui aurait dû lui servir de leçon, Mbow remet la louche.

Comment ne peut-on pas voir autrement sa décision, son indécente décision, de se faire célébrer, contre toute moralité, son centenaire dans un contexte de pandémie?

Et surtout, pire, de le faire alors que tonnent dans les consciences meurtries des Sénégalais les tirs de fusils et grenades qui ont fait tomber sur le champ de guerre qu’est devenu leur pays des martyrs victimes de celui dont le noceur a fait le parrain de son centenaire.

La même méthode Mbow qui l’avait fait s’écrouler de son piédestal de l’UNESCO est hélas encore à l’œuvre puis qu’alors, comme ce jour, il a réuni autour de lui une bande de vuvuzelateurs, des flagorneurs, pour le mousser.

Je revois encore avec clarté ses soutiens les plus excités à sa troisième candidature, dont l’un (qui se reconnaît) sera un intervenant à sa fête d’aujourd’hui, sautillant dans les travées de l’UNESCO comme s’il n’était qu’une question de formalité pour qu’il batte ses adversaires. “C’est plié, plié, plié”, s’écriaient-Ils comme des moineaux.

Plus dure fut la défaite…avant que ses mêmes défenseurs ne se rallient vite, avec zèle, au nouveau patron de l’UNESCO.

C’est dire qu’il faut avoir la mémoire courte, les neurones cyniques, pour tenir à fêter le centenaire de Mbow quand les sénégalais ont la tête ailleurs. Celles et ceux qui auront le cran de se rendre à cet événement fort malséant savent qu’ils s’associent à une affaire qui insulte l’écosystème ambiant.

Tous voient la démocratie sénégalaise s’étioler, mourir, tandis que le habitants du pays soufrent dans leur chair des brimades et tueries du régime assassin de Macky SALL, et ne mangent plus à leur faim, placés qu’ils sont sous l’emprise de la banqueroute nationale.

Qu’à cela ne tienne. Mbow, lui, tel un gâteux, tient à sa fête. À entendre ses louanges résonner s’il le faut sur les cadavres du régime assassin et notamment celui de ce jeune tailleur tué d’une balle dans la tête en plein jour.

Comme pour confirmer que son Nomic n’était qu’un projet de domestication de l’information, personne parmi ses invités n’osera évoquer les crimes de son hôte de…sang, le boucher de Dakar, Macky SALL. Ni regarder avec rigueur la liste des dictateurs Ouest africains, voleurs de votes et franc-maçons qui se penchent sur le berceau du bébé de 100 ans.

Comme un gamin, il faut lui passer ses caprices. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisqu’il y a huit ans, pour le calmer de ses ardeurs à vouloir appliquer ce qu’il appelle sa grande affaire, les conclusions des Assises nationales, Macky SALL lui avait remis un pactole de 600 millions de francs cfa, en compensation de corruption, pour rédiger un rapport sur ce sujet. Qu’il classa à la poubelle en oubliant sciemment de demander des comptes sur les millions remis à Mbow.

Son centenaire, qui coûtera encore des sommes folles au Trésor national, est une autre gâterie qui lui est concédée.

Ça tombe mal. Tous ceux qui prendront part à ces agapes en seront comptables vis-à-vis de ce qui leur reste de conscience.

Le contexte, décidément, ne se prête pas à de telles follies jusqu’à servir de plateforme conceptuelle à un Macky SALL devenu aux yeux du monde l’assassin de la jeunesse sénégalaise.

Qui va hélas arrêter Mbow? Les meilleures farces, il devrait le savoir, sont les plus courtes. M’enfin !

Adama Gaye* a couvert les travaux de l’UNESCO de 1983 à 1988 à Paris et son Assemblée générale, en 1985, à Sofia (Bulgarie).

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