Le ‘’gouvernement parallèle’’ des régulateurs sociaux

par pierre Dieme

L’implication des sphères maraboutiques dans la résolution de la crise suscitée par l’affaire Sweet Beauty est indéniable.

Son marabout a poussé Ousmane Sonko par exemple, le leader du Pastef, à déférer à la convocation du juge d’instruction alors qu’il disait, mordicus, qu’il n’allait pas le faire.

Ces mêmes autorités religieuses ont désamorcé la bombe sociale des manifestations violentes enregistrées au Sénégal et qui ont fait trembler la République.

Des médiations qui sont aussi entrées en action après les discours croisés de Macky et de Sonko. Car, le Mouvement M2D avait tenu à organiser une marche pacifique. Là aussi, le Khalife général des Mourides a pesé de tout son poids pour pousser les organisateurs de la marche à y renoncer.

Le même guide a demandé à Guy Marius Sagna de renoncer à sa grève de la faim et il l’a fait tout de suite.

Ces exemples viennent ainsi, corroborer, l’existence d’une vieille tradition au Sénégal, celle de l’implication des guides religieux dans les médiations publiques.

Depuis le père de la Nation Léopold Sédar Senghor jusqu’à Macky Sall en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade surtout, les familles religieux ont joué des rôles de premier plan dans la régulation de la société et dans la pacification des relations entre gouvernants et administrés.

Nous nous rappelons de cette amitié légendaire entre Senghor et Serigne Fallou, des relations privilégiées entre Abdou Diouf et Serigne Abdou Lahat Mbacké, de Wade qui s’est beaucoup comporté en talibé surtout envers Serigne Saliou Mbacké et bien sûr des affinités actuelles entre Macky et le Clergé mouride.

Rien n’a changé dans ces relations sauf le contexte. Nous sommes en effet aujourd’hui dans le monde des réseaux sociaux où tout se sait parce que tout est publié.
Mais, depuis toujours, le pouvoir religieux a agi au Sénégal comme un pouvoir dans le pouvoir, sans pour autant interférer ou gêner l’action des gouvernants.

En intervenant que quand c’est nécessaire, les Chefs religieux comme le vénéré Serigne Abdoul Aziz Dabakh, Mame Alassane Laye, Baye Sedydi Thiaw, Cheikhal l’Islam Ibrahima Niass, l’Eglise et bien d’autres ont su s’ériger en régulateurs sociaux ou même en soupape de sureté permettant ainsi à la société de surmonter les crises graves de son histoire comme en 62, en 88, 89, 93, 2011, 2021, etc.

Certes, ils ne sont pas toujours écouté et considéré mais, en toile de fond, ils font, en la matière, des résultats plus que considérables.

Nous n’en voulons pour exemple que cette dernière crise qui a fait que le monde entier s’est inquiété de la situation au Sénégal.

Eh bien, ni le Médiateur de la République ni le Président du Conseil économique social et environnemental, qui ont pris la parole publiquement, n’ont su calmer les ardeurs des uns et des autres.

Leurs discours ont eu une portée très limitée.

Mais, il a fallu que les guides religieux s’en mêlent pour que les résultats suivent.

Ce ‘’gouvernement parallèle’’ des acteurs religieux tous bords confondus, n’est pas à négliger.

Au lieu d’affaiblir l’Etat, il le sauve le plus souvent et lui permet d’assoir les bases de nouvelles formes de légitimité auprès de populations souvent meurtries par des politiques sociales et économiques mal orientées.

Ils font le travail et laisse l’Etat en engranger les dividendes.

Il est heureux de constater qu’ils observent également une stricte neutralité dans la chose électorale et n’interviennent pas dans les affaires judiciaires en cours sauf si la stabilité de l’Etat est en jeu.

La force de leur médiation, c’est que dans ce pays, chacun a un guide qu’il vénère. Et ces derniers, du fait de l’ascendance morale qu’ils ont sur les autorités de tous bords, peuvent décider de la conduite à tenir face à une situation pleine de dangers.

C’est ce que Senghor appelait ‘’l’exception sénégalaise’’ et qui sauve notre pays de beaucoup de menaces de périls.

Assane Samb

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