Le Sénégal perd en lui un ténor de sa musique, dont la légende a été nourrie par la richesse des textes. L’artiste ramenait au quotidien de valeurs jugées fondamentales, autant qu’il interpellait au besoin sur les tares de la société
Le Sénégal perd en Thione Seck un ténor de la musique sénégalaise, parolier et poète hors pair dont la légende a été nourrie par la richesse de ses textes, qui parlent, au-delà du mélomane, à la plupart de ses compatriotes.
De par les paroles de ses chansons, leur plein sens et leurs profondes connotations, Thione Seck éduquait, ramenait au quotidien de valeurs partagées, jugées fondamentales, autant qu’il interpellait au besoin sur les tares de la société sénégalaise.
Le lead vocal du Raam Daam, l’orchestre qu’il a créé en 1984, est décédé, dimanche, à l’hôpital de Fann de Dakar, des suites d’une maladie. Il sera inhumé cet après-midi au cimetière musulman de Yoff.
L’auteur compositeur, 66 ans, faisait partie des grands noms de la musique sénégalaise, aux côtés des Youssou Ndour, Baaba Maal, Oumar Pène et Ismaïla Lo, entre autres.
Il se singularisait cependant de tous par son extrême sensibilité qui en faisait un chanteur à textes, un parolier général dont les chansons contribuaient à créer avec les mélomanes un univers particulier de communication, de dialogue.
‘’La chanson est l’œuvre qui voyage dans le temps et dans l’espace, Ce que vous dites aujourd’hui est entendu demain « , écrivait de l’artiste le professeur Ibrahima Wane de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, préfacier du livre que le journaliste Fadel Lô a consacré à Thione Seck.
L’auteur de cet ouvrage sorti en 2018, intitulé « Paroles de Thione Ballago Seck, un poète inspiré et prolifique », est un compagnon de longue date de l’artiste qu’il pratique depuis 18 ans au moins.
Il affirme avoir été « touché par la profondeur extraordinaire des messages contenus dans ses chansons et sa maîtrise » du wolof, langue la plus parlée au Sénégal, raison qui l’a poussé à lui consacrer un livre.
De fait, l’ouvrage de Fadel Lô propose une grille de lecture des thématiques développées par le chanteur en proposant une clé permettant de décortiquer ses textes par le biais d’une entrée ouvrant sur la sagesse et la morale sénégalaise traditionnelle.
Cela faisait par exemple que le compositeur et interprète était reconnu pour son « sens élevé de la famille » au regard justement de ses chansons telles que « Yaye Boy », « Papa », « Domou Bay », « Yéén Bi », « Balago’’. Il est aussi considéré comme un amoureux « inspiré », en attestent ses titres « Yow », « Diaga », « Diongama », « Sey » et « Boul Dof » dédiés à son épouse.
Celui que l’on a toujours qualifié de « griot des temps modernes » est également vu comme un ‘’humaniste engagé’’ sur la base notamment de ses chansons « Khéwi », « Numéro 10 », « Bour », « Yéén » et « Kharé Bi ».
Thione Seck, en fin de compte, a profondément marqué la musique sénégalaise depuis plus de quarante ans, depuis ses débuts au ‘’Star Band’’ de Dakar puis à ‘’L’Orchestre Baobab’’ dans les années 1970.
C’est en 1984 qu’il fonde le groupe ‘’Raam Daan’’, un orchestre mbalax ancré dans la musique traditionnelle sénégalaise et moderne aux mélodies diverses, locales comme internationales.
Il est présenté comme celui qui a fait sortir la musique sénégalaise de l’influence latino-américaine ou occidentale, pour la faire évoluer progressivement vers le mbalax, style désormais incontournable sur la scène musicale sénégalaise.
Son dernier projet intitulé ‘’La CEDEAO en chœur’’, en phase de réalisation, était présenté comme un ‘’album fédérateur’’ auquel devaient participer plusieurs artistes de la sous-région ouest africaine.
Thione Ballago Seck est aussi le propriétaire de ‘’Penc mii’’, une boite de nuit installée à la Gueule Tapée, le quartier de son enfance à Dakar. Il est le père du jeune chanteur Waly Ballago Seck.
Ces dernières années, Thione Ballago Seck a connu des déboires avec la justice dans le cadre d’une affaire de faux billets, qui lui a valu une détention de neuf mois en 2015. Cette procédure judiciaire avait été finalement annulée. L’artiste avait toujours clamé son innocence.