Thione vient de nous quitter, sur la pointe des pieds, laissant un grand vide dans ce Sénégal qu’il chérissait tant et qui est de ce fait, devenu subitement orpheline.
Thione Balago Seck a marqué de son empreinte l’histoire de la musique sénégalaise. Un parolier hors pair qui avait son style bien à lui.
‘’Papa Thione’’ comme l’appelle la jeune génération a traversé toutes les péripéties de la vie avec beaucoup de philosophie. Il a connu la gloire mais aussi la déchéance lors de ces dernières années.
Mais, il est resté debout jusqu’à la fin. Une fin que rares sont les personnes qui l’ont vue venir.
La nouvelle a surpris plus d’un.
Il est parti rejoindre ces grands ‘’ndanane’’ (artistes émérites) comme Laye Mboup, celui qui l’a beaucoup marqué et encadré à ses débuts, dans le monde des arts.
Plus qu’une musique, Thione avait façonné une façon d’être. Très élégant, il avait un franc-parler qui pouvait, par moment, heurter.
Professionnel , il n’en demeure pas moins un père de famille modèle qui aimait son épouse, ses enfants et par ricochet, tous les fils de ce pays notamment les jeunes artistes qu’il aidait beaucoup.
Thione va laisser à la postérité un riche répertoire, plein d’enseignements sur la vie, la morale, la conduite à tenir.
Le ‘’Raam daan’’, le nom de son orchestre, c’est un tout un défi, un combat. L’homme ne courbe pas l’échine, il va à l’attaque, il se bat et aime les victoires.
C’est pour cela qu’il n’a jamais été à la retraite. Il est tombé les armes à la main.
En écrivant ses morts, j’ai en mémoire ce fameux morceau de musique où il chantait un ami qui est décédé prématurément où il réfléchit sur sa propre fin et argue que ce monde-ci est tout illusoire, éphémère.
Il rappelait qu’un jour, il allait rejoindre son ami Ben. Peut-être que maintenant, il saura ce qu’il a avait voulu dire et qu’il n’a jamais su.
C’est cela aussi Thione. Le regard froid sur la société.
Thione va ainsi rejoindre cette longue liste des personnalités qui nous ont quittées depuis un an.
Cette liste qui ne cesse de s’allonger sans susciter en nous le travail d’introspection nécessaire à un rebond salvateur. Ces hommes et femmes qui partent nous lancent des messages pour nous pousser à mieux regarder nos choix, à relativiser nos convictions et à rester humble et surtout humains et altruistes.
Sans doute Thione n’aura jamais achevé ce projet de festival pour lequel il s’était beaucoup engagé.
L’action judiciaire engagée contre lui va s’éteindre. Mais, Thione nous a montré un exemple de courage et nous a surtout démontré qu’il n’était qu’un homme avec ses qualités et ses défauts.
Mais, ce qui est important, c’est de jouer sa partition dans l’édifice et de ne pas être le dernier dans le domaine que l’on a choisi. A ce propos, chapeau, Balago !
Il aura marqué et bercé des générations entières, de père en fils toujours avec le même talent, la même passion, la même abnégation.
La Nation lui doit beaucoup. Et c’est dommage que cet hommage ne lui soit pas rendu de son vivant.
Mais, avec sa descendance et surtout Waly Seck qui a choisi la voie de la musique, l’héritage de Thione sera bien gardé et son legs préservé.
Il sera certes difficile d’avoir un autre talent de cette dimension, mais nous osons espérer que la jeune génération va trouver en lui, le socle référentiel nécessaire pour éclairer les sombres chemins de l’avenir et être plus rigoureuse dans la production.
Car, Thione, c’était aussi la rigueur dans le travail, la discipline, le sérieux, etc. Toutes choses que l’on a tendance à minimiser au profit de raccourcis dommageables.
Adieu Balago ! Que le Bon Dieu t’accueille dans son paradis céleste pour un repos éternel bien mérité.
Assane Samb