Que s’est-il passé mercredi dernier jusqu’à ce que le préfet de Dakar décide de bloquer le convoi du leader de Pastef ? Trois jours après le placement sous contrôle judiciaire du député, les langues commencent à se délier
Trois jours après le placement sous contrôle judiciaire de l’opposant Ousmane Sonko, après quatre jours de garde-à-vue à la caserne Samba Diéry Diallo de Colobane, les langues commencent à délier. Surtout à propos du blocage du cortège du leader de Pastef au rond-point Mermoz alors qu’il se rendait au tribunal…
Nul ne peut jurer que le leader de Pastef, Ousmane Sonko, a violé la masseuse Adji Sarr. Personne ne peut non plus soutenir le contraire… Seul Dieu sait ce qui s’est passé entre deux êtres mortels et imparfaits. Mais au vu des procès-verbaux de l’enquête préliminaire de la gendarmerie et des derniers rebondissements spectaculaires de l’affaire, tout porte à croire que le président de la République Macky Sall n’est pas l’instigateur de cette affaire qualifiée de complot par Ousmane Sonko. Cela dit, tout le monde sait qu’il était au courant puisque informé en plein Conseil des ministres par le garde des Sceaux.
Officiellement, donc, le chef de l’Etat n’aurait été au courant de ce qui se tramait qu’à ce moment-là. Officiellement seulement… En tout cas, il a réfuté catégoriquement toute implication de sa part dans l’affaire lors d’un entretien avec Rfi et France 24. « Une affaire regrettable ! » avait-il soutenu avant d’ajouter qu’il avait suffisamment à faire que de comploter sur des choses aussi basses. Une seule chose, mais elle est importante, pourrait peut être reprochée au président Macky Sall, c’est d’avoir fermé les yeux sur cette plainte contre Ousmane Sonko sans avoir cherché à savoir de quoi il retournait. Et cela se comprend puisque c’est de bonne guerre politique ! En tout cas, ce qui s’est produit au rond-point Mermoz ressemble à un obstacle qui a fini par obstruer le peu de lumière devant éclairer les zones d’ombres de l’enquête préliminaire.
Que s’est-il passé mercredi dernier jusqu’à ce que le préfet de Dakar décide de bloquer le cortège du leader de Pastef ? « Le Témoin » répond et révèle. Un rappel d’abord : Ce jour-là, Ousmane Sonko devait être entendu par le juge du 8e cabinet Mamadou Seck dans le cadre de la plainte pour viols et menaces le visant. Une audience fixée à 9 heures dans le bureau du juge. En ordonnant au juge Mamadou Seck d’ouvrir une information judiciaire, le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, avait requis le mandat de dépôt contre Ousmane Sonko.
Après avoir soumis le dossier à l’appréciation de quelques collègues magistrats, qui avaient le même sentiment que lui, le juge Mamadou Seck est allé voir le procureur Serigne Bassirou Guèye pour lui annoncer sa décision de ne pas placer Ousmane Sonko sous mandat de dépôt. Ce compte tenu de la vacuité du dossier. Une situation embarrassante pour le maitre des poursuites qui s’est mis dans tous ses états alors que le convoqué, c’est-à-dire Ousmane Sonko, était déjà en route vers le tribunal !
Soumis à de terribles pressions, le juge Mamadou Seck a immédiatement envoyé une correspondance au président du Tribunal et au procureur de la République pour leur dire qu’il se dessaisit du dossier « pour convenance personnelle ». C’est ainsi que le mercredi en milieu de journée, le juge du 8ème cabinet a écrit au procureur de la République du tribunal de grande instance hors classe de Dakar pour demander à être dessaisi du dossier Ousmane Sonko-Adji Sarr.
Le préfet de Dakar au charbon !
Dans sa correspondance, il est allé plus loin en expliquant qu’il était la cible d’attaques méchantes et injustifiées depuis l’ouverture de l’instruction de ce dossier sans oublier les menaces proférées contre sa famille.
Et comme l’heure était grave et que Ousmane Sonko et son « ndiraane » (foule) poursuivaient leur chemin vers le Tribunal, il fallait sauver la face ! Et trouver un prétexte permettant au procureur Bassirou Guèye d’avoir le temps de confier le dossier à un autre juge d’instruction pouvant suivre le parquet dans sa réquisition c’est-à-dire expédier Ousmane Sonko à Rebeuss.
C’est ainsi qu’il fut ordonné de…bloquer le cortège de Sonko au rond-point Mermoz le temps de trouver une solution de rechange ou, à tout le moins, une marge de manœuvre face à la décision subite du juge Mamadou Seck de rendre le dossier Ousmane Sonko au procureur. Lequel rendit compte immédiatement à sa hiérarchie. Après d’intenses consultations téléphoniques à des niveaux élevés de l’Etat, il fut décidé de demander au préfet de Dakar de brandir l’arme de… « troubles à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée » pour mettre au frais le leader de Pastef le temps de résoudre l’équation judiciaire posée par le désistement du juge d’instruction du 8ème cabinet. Le préfet de Dakar fut donc sommé d’aller au charbon.
Pour accomplir une tâche fort désagréable. « Ah bon, vous ne voulez pas changer d’itinéraire ? Alors, je vous arrête pour troubles à l’ordre public ! » a signifié le pauvre fonctionnaire à l’endroit de Sonko. Naturellement, ce dernier était très surpris par la tournure des événements. En colère, il a appelé ses avocats qui l’attendaient depuis 8 heures du matin au Palais pour les informer de la situation. « Maîtres, ma voiture est bloquée depuis plus d’une heure par la gendarmerie sur ordre du préfet de Dakar. A ma grande surprise, le préfet vient de me notifier un mandat d’arrêt pour troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée.
A l’instant même, le préfet vient de donner instructions aux gendarmes de m’arrêter pour me conduire vers une destination que j’ignore (Ndlr : qui s’avérera être la Section de Recherches de Colobane). Je suis un citoyen libre de ses mouvements. Jai le droit de prendre l’itinéraire qui me convient. L’essentiel, c’est d’aller répondre au juge…Voila, les gendarmes viennent de procéder à mon arrestation en me sortant du véhicule » avait déclaré Ousmane Sonko à un de ses avocats au moment où les gendarmes l’embarquaient pour la Section de recherches de Colobane. L’essentiel, c’était de le garder le temps que le procureur de la République et ses supérieurs trouvent une solution face à l’impasse dans laquelle le juge Mamadou Seck les avait placés par son refus d’instruire le dossier Ousmane Sonko !
Ce n’est que beaucoup plus tard que le doyen des juges Samba Sall, alors que le procureur Bassirou Guèye cherchait désespérément un juge de substitution, a volé à son secours en se portant volontaire pour instruire le dossier de l’affaire de « viol » et « menaces de mort », opposant les citoyens Ousmane Sonko et Adji Sarr.
Une « affaire privée » ont soutenu les autorités et leurs envoyés sur les plateaux e télévision et dans les studios de radios. Une fable à laquelle ont cru également les députés. Hélas pour tous les comploteurs, les Sénégalais n’ont pas fait la même lecture qu’eux de cette affaire et ont considéré qu’il s’agissait d’un complot politique, ni plus, ni moins. La suite, tout le monde la connaît !