D’un seul claquement de doigt, le président hyper puissant, autoritaire et intrépide, a montré des signes de fébrilité.

par pierre Dieme

D’un seul claquement de doigt, Macky Sall, hyper puissant, autoritaire et intrépide, a montré des signes de fébrilité. Il n’a pas tenu cette fois ci face à la vague de soulèvement d’une population qui lui a démontré son ras-le bol généralisé.

Macky Sall doit se sentir seul au monde. Depuis qu’il est à la tête du pays, il a toujours géré des crises avec des personnalités reconnues et identifiées. Même s’il a toujours des hommes de l’ombre qui aident à peaufiner les stratégies, des acteurs de premier plan, une task force naturelle formait souvent un bouclier autour de lui et assurait en même temps le travail de communication. Mais quand l’affaire Adji Sarr a éclaté et qu’Ousmane Sonko a commencé à parler de machination politique, ses partisans sont restés muets, laissant l’espace public aux Sonkistes. Il a fallu que le leader du Pastef impose la levée de son immunité parlementaire pour que certains membres de la m o u v a n c e présidentielle, jusque-là «neutres», entrent dans la danse, cachant mal leur volonté de voir le député périr dans cette affaire.

Le manque de coordination dans le discours et le nombre très limité de défenseurs du président de la République dans les médias montrent une solitude du chef de l’Etat dans cette crise. Finalement, Sonko et Cie ont gagné la bataille d’opinion, réussissant ainsi à faire croire à une tentative de liquidation d’un adversaire politique. Souvent très loquaces, certains pontes du régime ont déserté, sur ce coup-ci, l’espace public refusant de mêler leur nom à cette affaire.

Rares sont les apéristes qui sont montés au front pour défendre le président de la République et nier son implication dans cette sordide affaire. Quant à Idrissa Seck, il est sorti tardivement en essayant de démontrer vainement une certaine neutralité. En fin de compte, Macky Sall était seul apparemment à gérer cette patate chaude. Le seul pare-feu qui est monté au créneau en pleine crise, en l’occurrence Antoine Félix Diome, l’a terriblement enfoncé. Tout ce grabuge était prévisible. D’autant que dès sa réélection en 2019, il a éliminé toutes les personnes qui lui servaient de fusibles en pareil les circonstances aussi bien sur le plan politique qu’administratif.

En effet, il a supprimé le poste de Premier ministre qui, normalement, connu pour être le dernier rempart lui permettant de ne pas s’exposer. Ensuite, il a écarté de nombreux caciques qui pèsent lourd sur le plan politique : Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Ba, Aminata Touré, Makhtar Cissé, etc. Par conséquent, ces derniers sont restés indifférents dans la gestion de cette crise alors qu’ils pouvaient lui être d’un grand apport. Même quand le médiateur de la République, Me Alioune Badara Cissé, un de ses compagnons de première heure, a fait une sortie pour calmer le jeu, il s’est montré équidistant entre le Président Macky Sall et Ousmane Sonko.

GOLIATH A CEDE DEVANT DAVID

D’habitude droit dans ses bottes et imperturbable, Macky Sall a été obligé lundi dernier de jouer la carte de la négociation et de calmer le jeu. Craignant un bain de sang et conscient de cette lourde responsabilité qui va le suivre toute sa vie, Macky Sall a «abdiqué». Tout au moins, il a desserré l’étau autour de Sonko inculpé pour trouble à l’ordre public en plus des chefs d’inculpation de viol et d’appel à l’insurrection. Manifestement, le rapport de force a été favorable au leader des Patriotes.

A l’image de David et de Goliath, Macky Sall avec l’appareil répressif d’Etat a cédé face à un Ousmane Sonko protégé par la jeunesse sénégalaise et toutes les forces vives de la nation. Les jeunes en ont d’ailleurs profité pour régler leurs comptes avec un président de la République qui, le 31 décembre dernier, soutenait ne pas céder à une quelconque pression et qu’il était daltonien face aux nombreux brassards rouges brandis devant lui.

Un discours arrogant et provocateur dans un contexte où le chômage endémique et le système éducatif sont pratiquement à terre. Cette situation fut pour les autres forces politiques du pays l’occasion rêvée pour remettre sur la table leurs dossiers. Khalifistes comme Karimistes se sont joints naturellement au combat pour enfin exiger que leurs leaders soient rétablis définitivement dans leurs droits civiques et politiques.

En outre, de nombreux observateurs épris de justice ont été choqués d’entendre Macky Sall se vanter, lors de sa dernière adresse à la nation, d’avoir mis le coude sur des dossiers qui risquent de saper la stabilité du pays. Et qu’au même moment, il refuse d’intervenir sur l’affaire «Sweet Beauté» que beaucoup d’observateurs trouvent vide, truffée d’incohérences et proche d’une machination politique. Mais avec la démonstration de force montrée ces dernières semaines par les jeunes, la désapprobation des chefs religieux, coutumiers et traditionnels ainsi que des mouvements et organisations de la société civile concernant la gestion de ce dossier Sonko, Macky Sall, finalement seul contre tous, a cédé.

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