Le Sénégal a reçu, ce mercredi 17 février, 200 000 doses du vaccin de la firme chinoise Sinopharm. Le programme national de vaccination devrait pouvoir démarrer, comme prévu par le Président Macky Sall, avant la fin du mois de février. Une bonne nouvelle pour la lutte contre la Covid-19, qui a connu un rebond ces derniers mois avec une nouvelle explosion des infections et des décès. Cependant une question subsiste : Pékin a-t-il offert ou vendu à Dakar les vaccins en question ?
C’est le ministre de la Santé et de l’Action sociale- sans doute sans le vouloir- qui a suscité l’interrogation. Après avoir déclaré avec enthousiasme que la cargaison était un don de la Chine, il s’est rétracté pour affirmer fébrilement que le Sénégal l’avait acquise contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Le vaccin chinois, « un bien public » bien trop cher ?
Cette version est corroborée par eMedia. Ce site d’information privé a déclaré avoir parcouru le contrat liant l’Etat du Sénégal à Sinopharm, révélant que le gouvernement a payé le vaccin chinois 20 dollars l’unité (10 892 de francs Cfa, 1 dollar = 544,60 au 18 février 2021), ce qui fait pour les 200 000 doses près de 2,2 milliards de francs CFA (exactement 2 milliards 178 millions 400 mille francs Cfa).
La même source ajoute que l’accord commercial stipule que le paiement intégral de la facture doit se faire par le Sénégal dans les cinq jours suivant sa signature. Et que le ministère des Finances a diligenté le dossier, permettant au virement d’être effectif le 10 février, soit le lendemain de la saisine d’Abdoulaye Daouda Diallo par son collègue de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr.
Le débat aurait pu être clos sur cette note. Mais il faudra repasser. Et pour cause. Le coût supposé des vaccins interpelle. A moins que le montant révélé intègre d’autres charges non précisées, le Sénégal a payé la dose chinoise plus cher (sauf pour l’américano-allemand) que l’Europe avec les trois principaux vaccins qu’elle a choisis : Pfizer-BioNTech (15,5 euros, soit près de 11 000 francs Cfa), Moderna (15 euros, près de 10 000 francs Cfa) et AstraZeneca, considéré comme « le vaccin à petit prix » (2 euros, 1310 francs Cfa).
À signaler que le vaccin russe, Spoutnik V, snobé par l’Europe, coûte également moins cher (8 euros, 5240 francs Cfa la dose) celui chinois.
Si le Sénégal avait acquis ses 200 000 doses, au prix avancé par eMedia, chez Pfizer-BioNTech, Moderna ou AstraZeneca, cela serait peut-être choquant, mais pas forcément surprenant. Ce trio semble accorder la primeur à la logique économique, même si AstraZ eneca a promis de ne pas faire de profit avec son vaccin. Par contre de la part de la Chine, demander un tel montant au Sénégal, dans des conditions de paiement aussi contraignantes que rapportées par le média en ligne, pose question.
En mai dernier, le Président chinois, Xi Jinping, clamait que le vaccin chinois sera un « bien public mondial », qui sera proposé « à prix raisonnable » voire « offert » aux pays en développement. Et il y a un peu plus d’un an, au mois de février 2020, le ministre sénégalais des Affaires étrangères de l’époque, Amadou Bâ, avait par téléphone manifesté le soutien de son pays à son homologue chinois, Wang Yi. Le virus n’était pas encore arrivé au Sénégal tandis qu’il faisait des ravages en Chine.
Les étudiants sénégalais de Wuhan…
Le ministre chinois avait déclaré avoir pris bonne note de cette marque d’amitié et promis la reconnaissance de son pays : « En ce moment critique de la lutte contre l’épidémie de pneumonie à nouveau coronavirus, la Chine bénéficie d’un puissant soutien des pays africains, dont le Sénégal, ce dont la Chine se souviendra toujours. »
Deux mois plus tard, le même Wang Yi, encore au téléphone avec Amadou Bâ, a réitéré la position de son pays, soulignant que pendant que de nombreux pays, fuyant son pays, évacuaient leurs étudiants, le Sénégal avait choisi de maintenir les siens à Wuhan, épicentre de la maladie à l’époque.
Si aujourd’hui la Chine vient vendre son vaccin au Sénégal, de surcroît à un prix plus élevé que les prix appliqués pour les principaux vaccins sur le marché, il y a lieu de s’interroger : la Chine a-t-il manqué de reconnaissance vis-à-vis du Sénégal ? Ou bien a-t-il cédé les 200 000 doses sous forme de prêt non remboursable, comme pour l’Arène nationale ?
Contactée par Seneweb, l’ambassade chinoise à Dakar a promis de publier « bientôt » un communiqué.
En tout cas lundi dernier, soit trois jours avant l’arrivée des vaccins Sinopharm au Sénégal, le Zimbabwe a reçu la même quantité de doses du même vaccin. Gratuitement, selon Le Monde.
Pékin plus généreux avec Harare qu’avec Dakar ?
Selon le point de ce jeudi 18 février du ministère de la Santé et de l’Action sociale, le Sénégal a enregistré au total 32 099 infections à la Covid-19 pour 781 morts.
Seneweb