Vingt-quatre heures après les émeutes qui ont dénaturé le visage de la capitale, causant plusieurs dégâts et faisant de nombreux blessés, de nombreux jeunes se disent déterminés à continuer à faire face au pouvoir en place. De Sacré-Cœur à Derklé en passant par Liberté VI, ces jeunes que nous avons rencontrés avertissent le pouvoir et se disent prêts à en découdre avec lui. Pendant ce temps, des personnes âgées invitent, au nom d’un idéal démocratique, le Président Sall à être plus serein et à arrêter ses coups bas…
Il est 9h 30 du matin à la Sicap Sacré Cœur 2. Un vent frais souffle dans tous les sens sur la ruelle qui mène vers l’Ecole des ingénieurs et de gestion par excellence (IPG-ISTI). Juste à l’angle de la rue où un vendeur de Café Touba tient son commerce, de jeunes gens discutent sur les évènements de la veille. C’est-à-dire, les affrontements qui ont complètement défiguré leur quartier, d’habitude si calme.
Un jeune, vêtu d’un Lacoste rouge, un petit sac accroché aux épaules, sirotant sa tasse de café, soutient avec beaucoup de passion que l’Etat est derrière ce qu’il estime être un complot contre Sonko. « Ce pays n’appartient ni à Macky Sall ni à sa famille. Les gens sont fatigués et sont prêts à en découdre avec le régime. Seul le président est à l’origine de la situation chaotique que vivent les Sénégalais. Cette violence n’est que la première phase d’un long combat », lance El Hadji Ka qui se dit prêt à donner sa vie pour l’avènement d’un véritable Etat de droit dans ce pays.
« Seule la lutte pourrait libérer ce pays. Je ne suis d’aucune obédience politique, mais il faut des opposants pour donner vie à la démocratie », lance un autre jeune qui se dit lui aussi déterminé à faire face au régime dans ses manoeuvres visant à éliminer des opposants. Au rond-point JVC de Liberté 6, les traces de brûlures de pneus sont encore visibles sur l’asphalte. Interpellée sur les scènes de violence observées la veille, une jeune demoiselle habillée d’un pullover noir les regrette tout en dénonçant le comportement — « antidémocratique » selon elle — du président Sall.
« J’habite ce quartier et nous ne regrettons rien de ce qui s’est passé hier (Ndlr, lundi). C’est à l’Etat d’assurer la stabilité du pays. En ce qui concerne le centre commercial Auchan de Sacré Cœur, c’est vraiment dommage. Mais nous, jeunes, sommes déterminés à faire face à Macky Sall comme hier avec Me Wade. C’est quoi ce projet machiavélique de vouloir trainer tous les leaders politiques de l’opposition dans la boue ? Avec Sonko, ça ne passera pas » alerte la demoiselle.
Sur le chemin qui mène à la station service de Liberté 6, les traces des évènements de lundi sont également visibles. Devant un kiosque de jeu du PMU, sont agglutinées des personnes du troisième âge rêvant de faire fortune. Elles partagent la devanture du kiosque avec d’autres adultes. Personne n’écoute l’autre, on se coupe la parole allègrement. Peu importent le sens et l’agencement des idées. Une expression sort souvent de la bouche des clients « Nous n’en avons pas encore fini avec le régime du président Sall
« Macky Sall doit arrêter ses coups bas pour donner vie à la démocratie »
Au quartier de Derklé, dans un grand’place, des retraités jouent aux dames. Vêtu d’une tenue traditionnelle, un masque et des lunettes lui couvrant presque le visage, l’enseignant à la retraite a une autre vision des manifestions. « Vous savez, le leader des Patriotes cristallise la colère de la rue. De ce fait, les gens qui ne cessent de décrier les limites du couvre-feu avec son lot de conséquences, ne pouvant plus canaliser leur colère, ont finalement trouvé une occasion pour se faire entendre. Mais également, le président doit savoir que la bonne marche de la démocratie à un prix. Il doit accepter qu’il ait une opposition forte et Ousmane Sonko est naturellement la figure de l’opposition. Les coups bas, ce n’est pas élégant du tout ! », estime M. Diouf enseignant à la retraite préférant ne pas décliner toute son identité, prétextant qu’il a des amis qui sont au pouvoir.
Son compagnon, un ancien gendarme à la retraite, salue, lui, la détermination des jeunes. « Mon fils, cette nouvelle génération est différente de la nôtre. Ces jeunes sont prêts à perdre le souffle de leur vie pour un idéal politique. J’ai un immense respect pour eux. La démocratie est une affaire de gentlemen. Mais apparemment, le président ne veut pas d’adversaires », avance l’ancien gendarme qui invite le président à bien lire le message de son peuple afin de lui éviter de lendemains incertains. Si c’est un gendarme retraité qui le dit…
Le Témoin