L’affaire présumée de viol sur la masseuse Adja Sarr par le chef de parti Ousmane Sonko ne servirait qu’à camoufler la véritable urgence vitale de l’heure qu’est le désastre de la Covid, de la grippe aviaire et de la fièvre jaune. Autant de maladies graves qui plongent notre pays dans une crise sanitaire et économique sans précédent. C’est du moins l’analyse que fait de la situation Dr Mamadou Mansour Diouf, anesthésiste-réanimateur à Bardeaux, en France, selon qui les autorités sanitaires sont complètement englouties par un « tsunami » qui a fini de mettre à nu un « échec lamentable » de la gestion de cette pandémie.
Au Sénégal, on peut se permettre d’ores et déjà de demander aux agents de santé de mettre la main sur le cœur, prendre un morceau de sucre et boire une tasse d’eau ou un verre de lait pour s’éviter un malaise collectif, brusque et tragique. Ils auront beau passer des nuits blanches auprès des malades agonisants, mais l’adrénaline va continuer à leur monter jusqu’à la gorge puis les étouffer. Ils peuvent rester coléreux ! De toutes les façons, leurs efforts seront toujours vains.
Les Sénégalais se passionnent plus pour des affaires de moeurs que de leur propre santé ! Depuis quatre jours, une affaire de mœurs dont les protagonistes sont le principal opposant au régime en place à une employée d’un salon de massage est au centre de toutes les conversations. Ce, au moment où la pandémie de Covid est en train de décimer le Sénégal où il n’y a plus de places disponibles dans les centres de traitement des épidémies (Cte). Les quelques rares services de réanimation existant dans le pays sont complètement débordés, les hôpitaux saturés et il n’y a plus de matériels pour soigner correctement les malades.
Au même moment, la transmission du virus se poursuit de façon exponentielle avec son lot de morts. Aujourd’hui, personne n’est à l’abri. Du simple « gorgorlou » au guide religieux en passant par l’élite universitaire, le politique, les hommes de médias et d’affaires tout le monde est menacé par cette pandémie. Touchant aussi bien avec les hommes que les femmes, le virus continue de « jouer la carte de la démocratie et de l’égalité des genres », ne reconnaissant ni fort ni faible. Un virus particulièrement impitoyable, hélas, pour les personnes ayant une santé fragile.
Aujourd’hui, des personnalités et des célébrités sont prises en charge dans leurs domiciles faute de places disponibles dans les structures sanitaires. Encore que pour trouver une place d’hospitalisation, « il faut recourir à toutes sortes de magouilles, de corruption, de népotisme et de clientélisme », estime le Dr Mamadou Mansour Diouf. Le médecin établi à Bordeaux se désole des pénuries de consommables, de matériels médicaux pour les soignants comme les masques, gants, équipements de protection individuelle, les médicaments essentiels tels que antibiotiques, anticoagulants, oxygène…
En plus de ce manque criard de matériels de protection pour le personnel de santé et de consommables pour les patients atteints de coronavirus, les malades du cancer sont, eux, des victimes collatérales de la situation. L’ « Oxaliplatine », un médicament de chimiothérapie utilisé dans plusieurs cancers en particulier digestifs, serait introuvable au Sénégal depuis un bon moment. « Une situation inédite qui plonge les patients atteints de cancers et leurs familles dans le désarroi le plus total », s’indigne Dr Diouf qui dit avoir été sollicité plusieurs fois par des amis pour savoir s’il était possible de se procurer ce médicament en France. Ce qui est naturellement impossible. Car ce médicament est un produit à usage hospitalier exclusif et à dispensation contrôlée.
Des autorités sanitaires complètement englouties par un « tsunami »
La gestion de la crise sanitaire laisse pantois, selon Dr Mamadou Mansour Diouf, d’après qui les autorités sanitaires sont complètement englouties par un « tsunami » qui a fini de mettre à nu un « échec lamentable » de la gestion de cette pandémie. Le Sénégal avait pourtant été classé « troisième au niveau mondial » à cause de « sa bonne gestion de l’épidémie » rappelle-t-il avec ironie. Mais ça, c’était avant la survenue de la deuxième vague de contamination, plus contagieuse et très mortelle, qui a fini d’étaler au grand jour les failles dans la manière de gérer cette crise sanitaire. Et voilà qu’un classement au niveau africain qui est venu « nous » placer à la « neuvième place ».
Troisième au niveau mondial, et neuvième en Afrique, cherchez l’erreur ! Pendant ce temps, se demande notre compatriote exerçant à Bordeaux, que font les Sénégalais dans ce contexte de crise sanitaire ? « Ils ne font que palabrer sur des questions de mœurs, d’intrigues, de complots, de médisance…» ! Telles seraient, selon l’anesthésiste-réanimateur, les priorités de notre pays pendant que le monde entier s’engage dans la recherche effrénée de solutions pour mettre un terme à cette pandémie dévastatrice pour l’humanité tout entière.
Dr Mamadou Mansour Diouf rappelle qu’il n’a pourtant pas cessé, depuis les premiers cas, d’alerter sur « la mauvaise gestion de la pandémie au Sénégal » par nos autorités sanitaires. Une gestion qualifiée d’ « archaïque » par bon nombre de professionnels de la santé. En effet, et au moment où les langues dissertent sur le… sexe — pardon, sur une affaire présumée de viol et de menace de mort —, la situation sanitaire fonce tout droit vers l’apocalypse. Le Covid-19 poursuit son avancée dévastatrice. « Des personnalités nanties, incapables de s’enfuir comme d’habitude à l’étranger pour cause de fermeture des frontières, sont clouées à domicile avec des formes graves de Covid », signale-t-il.
A l’en croire, ces Sénégalais privilégiés « parviennent tout de même à se procurer la denrée rare qu’est l’oxygène et du matériel d’oxygénothérapie à haut débit (l’appareil Optiflow que je n’ai cessé de recommander d’acheter et de mettre au niveau des CTE en vain pour limiter les aggravations qui conduisent en réanimation) ». La grande majorité de la population ne pouvant pas se payer ce luxe, se voit donc offrir « un os politico-judiciaire qu’on lui sert sur un plateau d’argent pour camoufler la seule véritable urgence vitale de l’heure à savoir le désastre du Covid, de la grippe aviaire H5N1 et, cerise sur le gâteau, la fièvre jaune ».
A en croire Dr Mamadou Mansour Diouf, non seulement notre pays rate le train de l’Histoire mais encore il refuse catégoriquement d’embarquer dans les autres trains qui suivent, préférant rester à quai. En attendant le Covid poursuit son odyssée macabre, et personne n’est à l’abri. « Souvenez-vous que les frontières sont fermées et qu’aucune évacuation sanitaire n’est envisageable », rappelle-t-il avant de tirer la sonnette d’alarme sur ce cocktail explosif macabre « sans aucune oreille attentive ».
« Les Sénégalais sont sur une plage, un Tsunami arrive à vive allure, on sonne l’alerte pour évacuer la plage au plus vite et se mettre à l’abri, ils continuent tranquillement à construire des bonhommes de sable dans une indifférence, une insouciance et une inconscience incompréhensibles. Le sourd-aveugle qui n’entend pas le grondement du tonnerre et ne voit pas les gros nuages noirs qui s’amoncellent au-dessus de sa tête sera inexorablement surpris par l’orage qui va l’emporter » !
Parole d’un expert en santé qui alerte sur l’hécatombe qui guette déjà le pays. Un pays dont l’attention est divertie par le feuilleton Ousmane Sonko !
Le Témoin