Jusqu’à 10 000 emplois dans le secteur informel à Dakar pourraient être menacés faute de mesures supplémentaires pour intégrer les travailleurs dans le projet de bus à haut niveau de service (Brt) de la ville. La mise en garde est contenue dans un rapport commandé par la Fédération internationale des ouvriers du transport et rendu public le 1er février.
Le document intitulé Bus à haut niveau de service (Brt) à Dakar: Rapport de l’enquête d’évaluation de l’impact sur la main-d’œuvre 2020 met en lumière la réalité vécue par les travailleurs du secteur informel des transports publics à Dakar et les principaux problèmes auxquels ils sont confrontés, notamment la précarité de l’emploi, les bas salaires, les longues journées de travail, le harcèlement et le manque de formation ou de voies d’accès à un travail formalisé.
La publication du rapport cette semaine coïncide avec la conférence Transforming Transport 2021, co-organisée par la Banque mondiale. Aux côtés de la Banque européenne d’investissement et du Fonds vert pour le climat, la Banque mondiale est le partenaire financier majoritaire du projet de Brt de Dakar.
Les conclusions dudit rapport qui s’appuie sur des recherches menées avant la pandémie mondiale de Covid-19, sont d’autant plus alarmantes que les gouvernements déploient des plans de relance économique. « Le Covid-19 a révélé les vulnérabilités des travailleurs du secteur des transports, en particulier des travailleurs informels», déclare Papa Sakho, de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’un des auteurs du rapport. «Bénéficiant de peu de filets de protection financière, les travailleurs des transports informels ont été anéantis par la pandémie.
L’amélioration de l’inclusion, de la consultation et des filières d’emploi profiterait à des milliers de femmes et d’- hommes en cette période de difficultés économiques sans précédent. Le Brt pourrait être l’occasion de formaliser certains secteurs de l’économie des transports informels et d’éviter que certains des travailleurs les plus vulnérables de Dakar ne soient laissés pour compte».
Le rapport constate des niveaux d’insécurité extrêmes chez les travailleurs des transports informels de Dakar, dont seulement 6 % déclarent bénéficier d’un contrat de travail avec leur employeur. Les femmes seraient moins susceptibles d’avoir un contrat de travail, 2,5 % en bénéficiant contre 7,5 % pour les hommes.
Deux tiers des travailleurs interrogés (68,7 %) n’avaient pas d’emploi régulier et 57 % ont déclaré que leurs revenus provenaient directement des tarifs payés par les clients. Le rapport décrit également les étapes concrètes favorisant une transition juste du transport informel vers le transport formel. Cette évolution impose de mieux comprendre la nature de la main-d’œuvre informelle et d’évaluer les implications potentielles du Brt surles moyens de subsistance et les conditions de travail des travailleurs informels.
Sous le leadership du camarade Gora Khouma, Secrétaire Général Union des Routiers du Sénégal (Urs) et Coordinateur Itf-Sénégal, nos affiliés locaux en collaboration avec les associations de chauffeurs ont entamé des contacts avec le Cetud sur le projet du Brt. Nos affiliés locaux souhaitent entretenir avec le Cetud un dialogue social régulier et constructif garantissant la réussite du projet, la formalisation du secteur informel et la promotion du travail décent dans le transport urbain au Sénégal. «Nous demandons au Cetud, aux autorités sénégalaises, à la Banque mondiale et aux autres bailleurs et investisseurs internationaux de donner la priorité au bien-être des milliers de travailleuses et travailleurs informels dans le projet de BRT», déclare Bayla Sow, représentant de l’ITF pour l’Afrique francophone. «L’amélioration de leurs conditions de travail et de leurs moyens de subsistance profitera, par la suite, aux passagers et à l’économie de Dakar dans son ensemble.»
JEAN PIERRE MALOU