Depuis plus de six mois les directions de Dakar Dem Dikk, Senelec, Coud, La Poste sont secouées par des batailles par presse interposée. Ces sociétés publiques, gérées par des hommes politiques, sombrent dans des accusations et contre-accusations entre actuels directeurs généraux et leurs prédécesseurs. Ces déballages sur fonds de milliards agacent les citoyens occupés par les ravages de la Covid-19.
Les populations ne sont pas seulement scandalisées par la deuxième vague de la covid-19 et de sa gestion. Les accusations portant sur des malversations dans certaines directions mettant en cause leurs dirigeants actuels et leurs prédécesseurs irritent également l’opinion. Secouées depuis plus de 6 mois par des batailles par presse interposée, ces sociétés publiques, gérées par des hommes politiques, s’illustrent dans des accusations et contre-accusations. Des révélations, de par des scandales cités par-ci et par-là, mettant en jeu des milliards de francs Cfa, agacent les citoyens meurtris par les ravages de la pandémie.
DDD, la polémique atterrit devant la barre
Après avoir impliqué leurs épouses, marabouts et évoqué des emplois fictifs, Me Moussa Diop et son successeur Omar Boun Khatab Sylla jouent la prolongation de leur duel devant le Tribunal. Ils ont décidé de solder leurs comptes devant Dame justice, non pas parce que le procureur de la République s’est autosaisi pour élucider la lanterne des citoyens sur ces malversations, mais parce que les deux protagonistes ont choisi cette voie. Ce, pour préserver, chacun en ce qui le concerne, ses intérêts. C’est dans cette circonstance que Me Moussa Diop, a bandi, il y a quelques jours une ordonnance de justice faisant état de blocage des comptes de la société de transport public pour le paiement de 90 millions de francs Cfa d’indemnités. En contre-attaque, Me Babacar Ndiaye, agissant pour et au nom du patron de Ddd, saisit, lui aussi, le président du Tribunal d’une requête aux fins de casser l’ordonnance. Une situation qui impose l’assignation de Me Moussa Diop à se présenter devant la barre le 05 février 2021. Ainsi, s’ouvrira un procès.
A l’origine de ce duel qui va de mal en pis, des accusations portant sur une mauvaise gestion de la boîte. Tout est parti d’une sortie publique dans laquelle la robe noire accusait le chef de l’Etat d’avoir bloqué ses indemnités de départ. Apportant la réplique, son successeur, magistrat de formation révèle en public avoir «licencié l’épouse de son prédécesseur». Revenant à la charge, Me Moussa Diop, lors d’une conférence de presse, a laissé entendre que son successeur a recruté lui aussi son épouse, son marabout. Ne se limitant pas à cela, l’avocat accuse celui-ci de s’être octroyé un véhicule à coût de plusieurs millions. Le débat, mettant au-devant de la scène la vie privée des deux hommes, quitte la gestion de Ddd pour exposer leurs familles, proches, etc.
A la Senelec, après Akilee, des recrutements politiques prennent le relais
La polémique née au lendemain du départ de Mouhamadou Mackhtar Cissé de la Senelec est loin de connaitre son épilogue. Les accusations sur le contrat Akilee mises en veilleuse, des révélations sur des recrutements de clientèles politiques par lui et Pape Demba Bitèye prennent le relais. Et c’est un des cadres de la structure, en l’occurrence, Khalifa Dia, l’actuel Pca, qui mouille tout le monde, au-delà de la Senelec, la gestion de toutes les directions de service public. S’adressant à ses militants, celui-ci révèle que «le Directeur général actuel embauche, chaque année, plus de 300 personnes qui sont ses amis et proches». Là où, souligne-t-il, «l’ancien Dg, en trois ans, a embauché plus de 1 300 proches». A la Senelec, ça verse dans tous les sens. Une polémique portant sur des accusations de corruption et de mauvaise gestion alimente le débat depuis bientôt 6 mois entre Pape Demba Bitèye et son prédécesseur, Mouhamadou Makhtar Cissé. À l’origine, la hausse du prix de l’électricité et le contrat entre la boîte et la start-up Akilee. Et la dernière sortie de l’actuel directeur général, à travers les ondes d’une radio de la place, replace le dossier devant la scène médiatique. D’après des sources, l’actuel directeur serait parrainé par le chef de l’Etat pour attaquer son prédécesseur. Et que l’ancien Premier ministre, Boun Dionne et Jean Maxime Ndiaye en seraient les artisans. Il est reproché à Mouhamadou Makhtar Cissé son agenda politique caché, au détriment de Macky Sall. La suite est connue, il n’a pas été reconduit lors de la formation de la dernière équipe gouvernementale.
Au Coud : Maguette Sène avec des décisions prises à la hâte
Autre direction, même constat. Installé le 16 novembre 2020, le nouveau directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Maguette Sène s’est révélé au grand public par une décision sur laquelle il reviendra plus tard. A peine un mois de fonction, il signe une circulaire mettant un terme à tous les Contrats à durée déterminée (Ddd) à partir du 31 décembre. Cela, dit-il, rentre dans le cadre de l’optimisation de la gestion budgétaire et financière des Coud demandée par le chef de l’État. Seulement quelques semaines après, se rendant compte que lesdits contrats prendront fin en mars 2021, le directeur s’est rétracté. Avant sa volte-face, des autorités politiques assuraient à leurs militants que la décision ne les concernait. Une publication allant dans ce sens sur les réseaux sociaux a été attribuée à Matar Ba, ministre des Sports. Cette direction, considérée comme la «vache laitière» des hommes politiques est la plus médiatisée. Après une accalmie marquée par l’avénement d’Abdoulaye Sow, promu à de nouvelles fonctions, précédée par la gestion jugée «cahoteuse» de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, Cheikh Omar Anne, le Coud risque de renouer avec ses mauvaises habitudes. Et tout porte à le croire puisque lors de son installation, l’actuel directeur avait mobilisé des cars venant de sa localité. La salle (Soweto) qui habitait la manifestation devenue étroite, des tentes ont été érigées à la devanture pour accueillir ce beau monde.
Même décor à La Poste, à l’Onas…
Les même polémiques font rage à La Poste où des agents étaient en mouvement de grève il n’y a pas longtemps. Ces derniers protestaient contre la mauvaise gestion de la boîte. Idem à l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). Remplacé depuis le 06 janvier par Ababacar Mbaye, Lansana Gagny Sakho est accusé d’avoir signé des contrats même après son limogeage. Avant-hier, évoquant le cas de La Poste, WalfQuotidien faisait était de «tensions de trésoreries récurrentes, voire quotidiennes, résultat d’une situation financière insoutenable». D’après des informations, cette situation serait due à une créance de l’Etat du Sénégal estimée à plus de 34 milliards de francs Cfa pour le paiement des bourses sociales, entre autres.
Une justice aux abonnés absents
Au regard de toutes ces frasques et polémiques, Dame justice s’est toujours tue. Le Procureur qui avait l’habitude de s’autosaisir dans de pareilles circonstances, fait comme si de rien n’était. Aucune de ces personnalités qui s’auto-accusent n’est convoquée pour justifier ses accusations. Le débat s’est jusqu’à présent limité dans la presse. Aucune enquête judiciaire pour élucider la lanterne des Sénégalais n’est encore annoncée si ce n’est des actes posés par Me Moussa Diop et son prédécesseur qui ont décidé de régler leur différend devant la justice.
Salif KA