Lors du Conseil des ministres du 30 décembre dernier, le Président Sall avait décidé de parrainer l’Université du futur africain à Abdoulaye Wade. Avec l’érection sur le même site de l’Institut national du pétrole et du gaz, les bâtiments de l’Ufa, qui ont coûté près de 25 milliards F Cfa, seront rasés pour une nouvelle infrastructure estimée aussi à 20 milliards.
Macky Sall multiplie les décrets de parrainage : Pierre Ndiaye pour l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse économique, Seyda Mariama Ibrahima Niasse pour le Daara moderne public de Taïba Niassène, Abdoulaye Wade pour l’Université du futur africain… Sans doute marqué par la disparition de personnalités publiques dans ce contexte de flambée des cas de coronavirus, le président de la République a décidé d’honorer de son vivant Abdoulaye Wade, en lui parrainant l’Université du futur africain (Ufa). La décision a été prise lors du Conseil des ministres du 30 décembre 2020. Une annonce somme toute surprenante au regard du sort réservé à cette Université dont les travaux avaient débuté en 2005. Mais les bâtiments seront rasés. Sur le site sera érigé l’Institut national du pétrole et du gaz (Inpg).
A l’époque Premier ministre, Macky Sall était chargé de concrétiser les grands travaux de Me Wade. Après son élection en 2012, il n’a pas souhaité achever cette Université qui sera enterrée en même temps que le régime de Wade. A quelques encablures de l’Ufa, il a décidé d’ériger l’Université Amadou Makhtar Mbow. Ce vieux projet cher au Président Wade est à l’abandon depuis une quinzaine d’années. Il faut arpenter une piste latéritique pour dénicher les bâtiments situés à Sébi-Ponty dans le village de Dény Malick Guèye, situé dans la commune de Diamniadio, à une quarantaine de kilomètres de Dakar.
L’architecture, qui porte la signature de Pierre Goudiaby Atépa, conseiller du Président Wade à l’époque, émerveille le visiteur. La forme en arc de triomphe du bâtiment administratif qui fait office d’entrée du campus rappelle la Rome antique. Sur place, un vent frisquet caresse les visages. Le silence est déchiré par le gazouillement des oiseaux qui se posent sur le faîte des pavillons. En toute tranquillité !
Dans «Ruines d’utopies : l’Ecole William Ponty et l’Université du futur africain» de la revue Politique africaine, Papa Mohamed Camara, chargé du projet (Wade lui avait confié l’érection de cet édifice à l’époque), expliquait en 2013 que les colonnes de l’arc rappellent l’héritage de l’Egypte ancienne. Inspirée de plusieurs civilisations anciennes, l’architecture invite à représenter la renaissance africaine. Il fallait franchir cette arche pour atteindre le principal édifice du campus qui devait accueillir, au cœur du site, la bibliothèque centrale. Cette bibliothèque épousait la forme de pyramide inversée qui symbolisait la connaissance acquise par les étudiants au fil de leurs études, tout en empruntant à la symbolique pyramidale représentative le triomphe du panafricanisme, dont l’accès était désormais acquis par voie numérique.
Quelques bureaux administratifs jouxtent l’entrée et rappellent les grandes universités occidentales. 50 mètres plus loin, une petite pièce devait abriter les vigiles assurant la sécurité de l’établissement d’enseignement supérieur. L’endroit, transformé en dépotoir d’ordures, est devenu un havre de paix pour chiens, chats et animaux errants. Les fenêtres ont disparu. En revanche, la peinture garde un peu d’éclat sur des bâtiments qui résistent à l’usure du temps.
En cette matinée entourée d’un peu de fraîcheur, quelques ouvriers d’une entreprise privée, qui a bénéficié d’un contrat de sous-traitance, s’activent dans la mise en place de lignes électriques. En face d’eux, 4 containers sont posés sur une herbe sèche. Casque et gilet de chantier, Mor explique les raison de la présence de son entreprise. «On veut installer l’électricité et le matériel de bureau pour équiper les bureaux de chargés du chantier de la construction du projet qui doit être érigé», développe-t-il sans véritablement connaître l’identité du projet.
Dans le sillage de l’ex Ecole normale William Ponty -située à quelques km – et où Me Abdoulaye Wade et plusieurs chefs d’Etat africains ont été formés comme instituteurs, l’Ufa était appelée à être un creuset du savoir. Une école d’administration et de commerce, dispensant des cours d’administration publique, de gestion de la santé, de chimie, d’agriculture et d’ingénierie civile, d’électronique et de robotique, etc. Tous ces enseignements avaient la même vocation à développer les compétences techniques nécessaires au développement du continent africain. Au centre de l’aire de l’Ufa de 300 ha, l’amphithéâtre, logé au centre de ce complexe, a été dessiné pour rappeler la Grèce antique, «regarde» l’Ecole William Ponty toute proche. En face a été érigée la bibliothèque en forme aussi de pyramide, qui devait être l’une des plus grandes d’Afrique, d’après les rêves du Président Wade.
Wade, parrain d’une Université fantôme
Quant aux pavillons, ils ont été tous construits par des chefs d’Etat étrangers qui en avaient fait la promesse lors d’un séjour au Sénégal. Ils ont tous eu droit à une visite guidée sur le site par le Président Wade. Sur place, les exposés de Me Wade et des techniciens fascinent généralement l’hôte auquel est offerte la possibilité de construire un pavillon qui porterait son nom. Séance tenante, le chef d’Etat étranger promet devant tous de dégager les moyens pour la construction d’un pavillon. Le Président Teodoro Obiang finança la Maison de la Guinée Equatoriale, le roi du Maroc Mohamed VI le promettait le Grand amphithéâtre Hassan II, du nom de son père. Quant à Jacques Chira, Président français de l’époque, il apporta les fonds nécessaires à la fondation du Pavillon Jacques Chirac. Les Nations unies furent également sollicitées afin de financer ce qui devait être la Maison de l’Onu, comme l’indiquent les publications promotionnelles qui font en outre référence aux fonds à venir des Etats-Unis ou des organisations internationales telles que le G8 et l’Union européenne. Ces rêves vont s’envoler avec l’érection sur le site de l’Institut national du pétrole et du gaz. Mais on ne sait où sera installée l’Université du futur africain.