Affaire Mbour 4 Extension : un dossier loin d’être classé

par pierre Dieme

L’affaire Mbour 4 Extension, qui a démarré en 2006, est la plus grande escroquerie foncière dans la ville de Thiès. L’équipe municipale d’alors avait morcelé de manière clandestine le site de la forêt classée de Thiès et remis des titres d’attribution illégaux aux bénéficiaires qui ont ensuite engagé des travaux de construction. Un scandale foncier qui a été révélé au grand jour en octobre 2014, suite à une première opération de démolition, ordonnée par l’équipe municipale de Thiès-Ouest fraîchement élue, pour l’érection d’un marché central aux poissons. Depuis, les quelques 2 500 pères de famille occupant ce site livrent un impitoyable combat pour leur régularisation.

L’affaire Mbour 4 Extension a tenu en haleine le Peuple sénégalais. Elle a démarré en 2006, mais a défrayé la chronique en 2014. Le problème est né d’un lotissement clandestin sur le site de la forêt classée de Thiès. Une opération à la suite de laquelle tous les bénéficiaires, forts des titres d’attribution qui leur ont été remis en 2006, ont engagé des travaux de construction. Ils ne pouvaient pas s’imaginer un seul instant que lesdits titres étaient faux.
Huit ans après, plus précisément en octobre 2014, la mairie de Thiès-Ouest avait cassé une quinzaine de maisons pour caser les mareyeurs déguerpis au marché Sham de Thiès. C’est le début d’une longue bataille d’opinion pour demander l’arbitrage du chef de l’Etat.
Trois ans après, à la faveur d’une grande mobilisation le lundi 18 décembre 2017, lors de la pose de la première canalisation des travaux de la nouvelle usine de traitement d’eau potable de Keur Momar Sarr et ses renforcements en aval (Kms3) à Thiès, le président de la République, Macky Sall, avait accédé à la demande des populations du quartier Mbour 4 Extension, allant dans le sens d’un déclassement. Il avait alors demandé au gouverneur de la région de Thiès de prendre toutes les dispositions nécessaires pour affecter les terrains sur lesquels les populations de Mbour 4 Extension avaient déjà édifié leurs maisons. Mais depuis, le décret officiel de déclassement de la forêt classée tarde à être signé. Et le Collectif des habitants et propriétaires de terrains et de bâtiments au quartier Mbour 4 Extension ne s’est jamais lassé pour demander aux autorités de diligenter le dossier. Entre-temps, 250 sommations ont été distribuées, mais des gens ont continué à ériger des constructions irrégulières, souvent nuitamment, au mépris de toute la réglementation en vigueur. C’est d’ailleurs ce qui a motivé les opérations de démolition de constructions jugées irrégulières et bâties dans la forêt classée entamées jeudi dernier. Des opérations menées par la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols (Dscos), sous l’égide des autorités compétentes. Selon Moussa Diagne, avec cette opération, l’Administration a agi dans le cadre de ses missions de service public, concernant notamment le contrôle de l’occupation des sols. «Dans cette partie de Thiès dénommée Mbour 4 Extension, au fil des années, des irrégularités notoires et notées se sont accumulées. Et il fallait déployer une action publique allant dans le sens de remettre l’envers à l’endroit.» Il rappelle : «Le président de la République, Macky Sall, avait promis le déclassement de la zone à l’effet de régulariser ceux qui étaient affectataires du lotissement et qui, du fait d’être installés dans la forêt classée, n’avaient pas la possibilité d’accéder à une autorisation de construire. Malheu­reusement, beaucoup de gens se sont engouffrés dans cette brèche pour continuer à occuper le reste de la forêt classée. Et durant tout ce temps, les services de l’Administration, notamment la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols (Dscos), n’ont cessé de se déployer pour signifier à qui doit l’entendre que ladite zone n’est pas encore propre à toute forme de construction. C’est ainsi que des sommations ont été servies, et au même moment des communiqués ont été régulièrement diffusés pour rappeler la réglementation afférente à l’occupation du sol, à la construction… Mais les gens ont toujours fait la sourde oreille. C’est pourquoi l’Admi­nistration a décidé d’intervenir sur le terrain et procéder aux démolitions qui s’imposent.»
La Dscos ne dit pas moins. Pour le colonel Papa Saboury Ndiaye, directeur de la Dscos, «l’occupation des sols est régie par des textes qui sont en vigueur au Sénégal, notamment le Code de l’urbanisme. Ce Code, dans sa partie législative, munit et sanctionne toute personne qui construit sans autorisation de construire. Indépendamment de cela, nul ne peut entreprendre une construction sans un titre de propriété. Et l’autorité en charge de l’Administration peut démolir toute construction érigée en violation des articles visés par le Code de l’urbanisme dans ce domaine. C’est le cas aujourd’hui à Mbour 4 Extension, dans une zone qui est d’ailleurs une forêt classée». Il note : «Il y a des gens très véreux qui font la course contre la montre pour s’accaparer de ce qui appartient à tout le monde. Et le Code étant muet sur le contrôle de nuit, c’est pendant ces moments que des gens viennent occuper et construire. En tout cas si les procédures ne sont pas respectées, la Dscos entre en jeu dans le cadre d’une action curative et c’est ce qui s’est passé à Mbour 4 Extension de Thiès. Au-delà même de l’infraction liée à la construction sans autorisation, les auteurs peuvent bien être arrêtés et emprisonnés, leur matériel saisi et leurs ouvrages démolis». «Ces opérations de démolition des constructions illégalement constatées, qui ont été entamées, vont se poursuivre jusqu’à l’accomplissement total de la mission», fera savoir le colonel Ndiaye.

Lequotidien

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