Après avoir mené, au cours de son premier mandat, une guerre sans merci contre l’opposition, le président a désormais dans son collimateur les membres de la société civile
Visiblement réfractaire à toutes velléités de contestation, le Président Macky Sall s’est attelé, dès son arrivée à la tête du pays, à réduire l’opposition à sa plus simple expression en traquant les ténors du Parti Démocratique Sénégalais (Pds) et à affaiblir l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall. Pour son second mandat, il a déclenché l’opération anti-activiste en s’en prenant à des figures comme Guy Marius Sagna ou Boubacar Sèye.
Macky Sall ne sait pas anticiper. C’est l’un des reproches que lui font souvent ses contempteurs. Des critiques que le locataire du Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor s’évertue à faire taire, en usant de la méthode forte. Parfois, il n’hésite même pas à sortir l’artillerie lourde pour réduire au silence ses détracteurs. Une attitude assez révélatrice des relations particulièrement heurtées que le chef de l’Etat entretient avec certains acteurs de la vie publique.
Après avoir mené, au cours de son premier mandat, une guerre sans merci contre l’opposition, Macky Sall a désormais dans son collimateur les membres de la société civile. Et son projet consiste à annihiler chez eux toute velléité contestataire. Quelques mois seulement après son élection à la tête du pays, le leader de Benno Bokk Yakaar (Bby) a déclenché la traque des biens mal acquis en ayant comme cible des dignitaires de l’ancien régime (de Me Abdoulaye Wade). Une opération que certains observateurs avertis de la scène politique assimilaient à une chasse aux sorcières.
Totalement sourd aux multiples récriminations contre sa démarche, Macky Sall avait fait embastiller Karim Wade qui semblait représenter une véritable menace dans son déploiement politique. Inculpé pour enrichissement illicite et écroué à la prison de Rebeuss, le fils de l’ancien Président avait finalement bénéficié d’une grâce présidentielle. Mais du fait de sa condamnation, Karim Wade a perdu ses droits politiques et civiques. Du coup, il n’a pas pu se présenter lors de la présidentielle de 2019. Dans son entreprise de démantèlement du Pds, le leader de l’Alliance pour la République (Apr) a également mis en branle la machine judiciaire contre plusieurs barons libéraux. Parmi eux, on peut citer Oumar Sarr, Abdoulaye Baldé, Ousmane Ngom et Me Amadou Sall. La liste est loin d’être exhaustive.
L’autre affaire politico-judiciaire qui a tenu en haleine l’opinion nationale et provoqué des actes de violence dans plusieurs quartiers de la capitale lors des élections législatives de 2017, c’est l’incarcération de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Accusé par Macky Sall et son régime d’avoir profité de ses fonctions pour détourner 1,8 milliard Fcfa de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, Khalifa Ababacar Sall qui détenait une forte popularité à Dakar a connue une descente aux enfers. D’autant qu’il a été condamné. Alors que la coalition Taxaawu Dakar semblait être assommée par l’incarcération de son leader Khalifa Sall, un autre de ses responsables en l’occurrence Bamba Fall connaît des déboires judiciaires. Le maire de la Médina est accusé dans l’affaire du saccage de la Maison du Parti socialiste. Pour porter l’estocade finale à Taxaawu Dakar, Barthélémy Diaz, proche parmi les proches de Khalifa Sall, a vu l’affaire Ndiaga Diouf (du nom de ce jeune nervi tué lors de l’attaque de la mairie de SacréCœur/Mermoz) déterrer par le régime.
MACKY ENTRE EN COMBAT CONTRE LES ACTIVISTES
Après avoir neutralisé ses adversaires politiques, le Président Macky Sall a orienté maintenant ses missiles vers les membres de la société civile. Prompte à improviser des manifestations sur des questions de liberté, de démocratie, de gouvernance en raison de sa souplesse par rapport aux partis politiques, la société civile et sociale est désormais dans le viseur du Chef de l’Etat, et pour cause. Après avoir réclamé, il y a quelques mois, l’audit des fonds (118 milliards Fcfa) alloués au Sénégal par l’Union Européenne et destinés à la lutte contre la migration irrégulière et porté des accusation contre le Gouvernement, le président de Horizon Sans Frontières (HSF) a été mis aux arrêts à l’Aibd dès sa descente d’avion.
Et depuis vendredi, Boubacar Sèye est entre les mains de la justice. Ce, malgré la sortie de son avocat Me Assane Dioma Ndiaye qui a dénoncé une tentative d’humiliation contre sa personne. Mais avant Boubacar Sèye, l’activiste Guy Marius Sagna a fait l’objet de multiples arrestations. Il a passé plus de temps en prison. Lors d’une marche organisée devant les grilles du Palais, le leader du mouvement citoyen Frapp France Dégage a été mis aux arrêts. Il avait passé plusieurs mois au Camp Pénal avant d’être relaxé.
Plus récemment, le jeune activiste Ardo Gningue a interpellé par la gendarmerie à la suite d’une marche organisée à Tobène dans le département de Tivaouane (région de Thiès). Et au cours de sa garde à vue, il a subi des actes de torture. Il faut citer dans cette liste d’activistes qui ont eu mailles à partir avec le régime, l’insulteur public Assane Diouf, le rappeur Karim Xrum Xakk etc. A trois ans de l’élection présidentielle de 2024 et dans un contexte marqué par un débat passionné autour d’une troisième candidature du Président Macky Sall, la société civile va-telle abdiquer devant les caprices du régime? Wait et and see !