«Le président n’est pas dans une posture d’un chef d’Etat qui fait son deuxième et dernier mandat…»

par pierre Dieme

Le président de la République, Macky Sall, est dans une dynamique de fragilisation des institutions, de renforcement de tous les pouvoirs entre ses mains, le tout accompagné d’une œuvre d’affaiblissement de l’opposition. Et ce qu’il vient de faire avec cette modification de la Loi sur l’état d’urgence et l’état de siège est dans la lignée des actes qu’il a posés depuis sa réélection le 26 février 2019.

Cette situation de dépouillement des pouvoirs de l’Assemblée nationale au profit de l’exécutif a commencé lors du référendum de 2016 avec la réforme qui empêche désormais l’Assemblée nationale d’avoir la possibilité de voter une motion de censure contre le gouvernement. De plus, si vous vous rappelez bien, aussitôt après sa prestation de serment, le premier acte qu’il a eu à poser et qui a surpris tout le monde, c’était la surpression du poste de Premier ministre. Or, la Primature avait été considérée comme une institution.

Malheureusement, elle fut la première institution à disparaître avec la suppression du poste de Premier ministre. La deuxième chose est que le président Macky Sall est toujours dans une logique d’élargissement de sa majorité. À la faveur du dialogue national, il a eu à copter Idrissa Seck qui est arrivé deuxième à l’issue de l’élection présidentielle de 2019 au sein de la majorité.

Ensuite, il y a Oumar Sarr et ses camarades sortis des flancs du Parti démocratique Sénégalais (Pds) qui l’ont rejoint. Et récemment, on l’a (président Macky Sall) entendu se targuer à la suite de ses ralliements d’avoir environ 95% de l’électorat avec lui au sein de sa majorité. Après le ralliement d’Idrissa Seck qui incarnait en quelque sorte le chef de l’opposition, il y a des menaces à peine voilées pour pouvoir museler quelqu’un comme Ousmane Sonko. Donc, quelqu’un qui est dans cette dynamique laisse penser qu’il se prépare pour 2024. Le président n’est pas dans une posture d’un chef d’état qui fait son deuxième et dernier mandat mais plutôt dans une posture de quelqu’un qui se prépare à briguer un troisième mandat ».

RESILIENCE DES INSTITUTIONS A L’HYPER-PRESIDENTIALISME

« Le cas de l’Assemblée nationale est une illustration parfaite que le président est dans une dynamique de vassalité des institutions. Surtout quand vous êtes dans un pays où la majorité mécanique du président de la République est prête à fonctionner à tout moment mais aussi que le président de cette Assemblée est plutôt préoccupé à multiplier les gages de loyauté et n’est plus dans ce que Badinter disait le devoir d’ingratitude.

Pour rappel, quand celui-ci a été porté à la présidence du Sénat français par le président Mitterrand, il n’avait pas hésité à lui dire Monsieur le président, normalement je devrais vous être reconnaissant d’avoir fait de moi le président du Sénat mais il se trouve, pour l’intérêt de la République que je vais être obligé d’être ingrat vis-à-vis de vous et ce que je mettrais en avant, ce n’est pas vos intérêts à vous personnellement mais ceux de la nation française. C’est ce qu’on appelle le devoir d’ingratitude et on est tout à fait à l’opposé avec quelqu’un comme Moustapha Niasse. Combien de questions orales ou de questions d’actualité sont déposées sur la table du président de l’Assemblée nationale et sur lesquelles Moustapha Niasse, pour ne pas gêner le président Macky, a mis sous le coude. Ensuite, lors de la prestation de serment du président Macky, tout le monde a entendu les propos très flagorneurs du président du Conseil constitutionnel à son endroit. Il l’a même félicité pour sa victoire éclatante et n’a pas hésité à jeter des fleurs à son épouse pour avoir contribué de façon active à la victoire de son époux.

Nos institutions sont fragilisées et vassalisées. Et récemment, on a vu la présidente de l’Ofnac mettre la pression sur le procureur de la République en indiquant lors de son passage à une émission dans une radio de la place qu’il y avait un certain nombre de dossiers traités par son organe et déposés sur la table du procureur de la République. Mais dans son discours de fin d’année, le président en réponse à cette sortie de Seynabou Ndiaye Diakhaté, a déclaré que l’Ofnac et elle n’ont qu’à se contenter uniquement de faire leur rapport mais que la suite de ces rapports lui incombe ».

Nando Cabral GOMIS

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