Voltaire à l’abbé Le Riche : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. »
Par Adama Gaye*
En pleine nuit noire, dans une ville du Caire assoupie, le silence qui entoure l’acharnement, plus criminel que judiciaire, sans précédent, sur notre compatriote Assane Diouf, est venu briser mon sommeil, assiégeant ma conscience de questions dont je me demande si elles traversent quelques esprits au Sénégal.
Le silence est assourdissant de lâcheté. Aucune voix des acteurs politiques d’une opposition sensée s’ériger en boucliers pour la défense des libertés. Aucune voix religieuse. Aucun éditorialiste ni organe de presse. La société civile se tait. Les organisations dites des droits de l’homme s’enferment dans un mutisme fracassant. Les femmes, les jeunes, les vieux, les adultes, nulle part où l’on sente une brise d’humanisme pour s’offusquer du sort illégal, injuste, inacceptable fait à un homme que les plus cyniques, s’inscrivant dans la rhétorique d’un pouvoir bandit, s’empressent même, sans recul ni retenue, de présenter en une formule lapidaire : «insulteur public numéro 1». Comme pour le ferrer davantage, en soutien à ses…tortionnaires.
Etrange silence. Porté par une ombre sombre, symptomatique d’une justice qui assassine, il enveloppe cet homme dont le seul tort est d’avoir dit en des mots parfois trop crus ou cruels, virulents, son sentiment sur la société sénégalaise. On lui reproche d’avoir incité à la rébellion, on lui colle l’accusation d’avoir fait outrage à un agent des services de l’Etat, on met enfin sur son compte un délit de provocation à une manifestation.
Quel Sénégalais digne de ce nom n’a pas une fois eu, en privé ou en public, des mots aussi violents envers l’actuel régime qui mal-gouverne le pays ? Qui, une seule fois, ne s’est pas senti ulcéré des crimes multiformes qu’il porte à la vie du Sénégal et de son peuple au point de les priver de respiration ? Qui encore doute que dans un Etat normal, les prévenus à la barre seraient non pas un Assane Diouf mais les prédateurs et gangsters qui tiennent en otage le destin, insultent son passé, et hypothèquent le présent d’une nation dont ils tiennent les rênes par les artifices d’une démocratie dévoyée ?
La justice Sénégalaise a fini de montrer son excessif asservissement, son assujettissement, sa complicité, dans les coups de poignards portés par le pouvoir, frauduleux, donc illégitime, qu’elle a, du reste, aidé à s’installer en validant ses fraudes.
Les peuples qui se taisent quand la justice se meurt sous leurs yeux sont ceux que l’histoire sanctionne le plus lourdement. Et le procès Assane Diouf, peu importe ce qu’on peut penser de lui, est celui de chacun des Sénégalais. Sa condamnation sera la leur. Qui ne pense pas, en son for intérieur, que la crapuleuse détention de cet homme, au mépris d’un droit piétiné, déformé, politisé, n’est pas le début de la fin pour le Sénégal tel que nous l’avons toujours voulu, terre de libertés et de confrontations, de désaccords vigoureux, et oui excessifs si besoin, au nom de la liberté ?
Après avoir menti sur son cas pour l’extrader des USA où il vivait en le faisant passer pour le terroriste qu’il n’est pas, dans une méthode qui en fait un Etat bandit et faussaire, l’Etat du Sénégal, en malmenant son dernier otage en date, prouve qu’il fait peu cas des règles de droit qui gouvernent les relations entre Etats, la communauté internationale et, pour commencer, son engagement, à travers de multiples traités internationaux et de textes internes, à respecter les droits de l’homme. Ce n’est donc pas seulement le peuple Sénégalais qu’il trahit et poignarde mais tous les pays, Etats-Unis et France en tête, l’Organisation des nations-unies (ONU) bien sûr, comme s’il se plaisait à leur faire un pied-de-nez.
Qui va briser ce silence honteux ? De grâce, que ce ne soit aucune des voix de la compromission, payées à promouvoir les mensonges propagandistes d’un Etat devenu un monstre immoral. Son cas n’est non plus pas que l’affaire d’une justice plus gentille avec les grands bandits, assassins, trafiquants de drogue, falsificateurs de billets de banque. Justice rompue à une habitude à monnayer les procès, et prompte à exécuter les sales besognes contre les citoyens, coupables d’assumer leurs libertés constitutionnelles. Justice injuste, ardente actrice dans la validation des fraudes électorales (comme la vraie-fausse élection de l’an dernier) si ce n’est la légitimation du plus grand crime économique de l’histoire nationale, l’affaire Petrotim impliquant Macky Sall, ce président voleur, et son frère, Aliou.
Seule l’inspire une volonté d’envoyer un signal à quiconque veut tenir tête à ce pouvoir ayant perdu le sens de l’honneur. C’est sa mission de l’aider à se maintenir en place. On ne l’attend plus à ce qu’elle fasse jurisprudence dans la tradition d’un droit nourri des valeurs qui lui donneraient une autorité. Elle n’existe plus, au vrai,que pour faire peur, terroriser, ancrer une culture autocratique, dictatoriale, briser toute velléité de lui opposer une résistance démocratique.
En cela, face à elle, par la force d’un destin qui lui échappe et dont il n’est qu’un instrument à son corps défendant, Assane Diouf devient, depuis le prétoire où il est jugé, un symbole. L’ultime rempart pour la survie des libertés.
C’est pourquoi, il doit sans tarder recouvrer sa liberté. A sa place, les vrais criminels, Macky, Malick Sall et leurs acolytes, devraient le remplacer pour répondre de leurs actes, afin que la destruction du Sénégal, qu’ils ont entreprise, ne devienne irrémédiable.
Sénégalais, parlez, soutenez Assane Diouf, ne pas le faire, c’est participer à l’assassinat de notre mode de vie. Ce n’est pas faux de penser qu’au-delà du peuple, ce jugement c’est celui d’une justice sommée de sauver l’ultime once de dignité qui lui reste.
Le silence autour du Tribunal où le procès de la honte se déroule m’empêche de dormir. Et vous? Qui se sent bien dans ce Sénégal dont l’identité républicaine se fissure dans le mutisme d’une société complice de sa propre exécution par un Etat-traitre? Il se fait tard.
Un rideau de fer s’abat sur le Sénégal la nouvelle recrue des dictatures indignes de nos aspirations à un humanisme décent. Ce silence autour du procès contre les droits constitutionnels d’un de ses citoyens est un chant du cygne: l’extinction de sa démocratie…
Adama Gaye, citoyen Sénégalais vit en exil au Caire. Il est un opposant au régime de Macky Sall.
Ps: Le même État qui torture et a extradé illégalement Assane Diouf a couvert de son ombre crapuleuse des personnes ayant commis des crimes plus graves, y compris par des insultes déstabilisatrices.